Le festival Quai des bulles nous a permis de rencontrer Jens K. Styve, auteur de Dunce publié aux éditions 404. Nous avons pu en savoir un peu plus sur cet auteur venu tout droit de Norvège, sur sa façon de travailler mais aussi sur les strips qu’il écrit et sur Brego le chien, personnage si drôle que l’on n’est pas les seuls à adorer.
Bonjour. Qu’avez-vous fait avant Dunce et comment avez-vous commencé à faire des comics?
Je m’appelle Jens, je suis Norvégien. Depuis ces vingt dernières années, je vis au nord de la Norvège. Et je pense que j’ai toujours dessiné. J’ai toujours voulu dessiner des comics depuis que je suis enfant. En fait, j’ai grandi en lisant beaucoup de bande dessinée franco-belge.
Il y a beaucoup de bandes dessinées franco-belges en Norvège ?
Oui, il y en avait beaucoup dans les années 80. A cette période, les Norvégiens regardaient beaucoup ce que faisaient les Français et les Belges. Avant ça également. Mais à partir des années 90, je pense que l’influence venait surtout des États-Unis. Maintenant c’est plutôt les deux. Donc je pense que c’est pour ça que j’ai fait beaucoup de comics dans les années 90. Et puis nous étions plusieurs artistes à faire notre propre publication, nous avons publié nos propres histoires. Et lorsque j’ai déménagé dans le nord de la Norvège, c’était bien aussi de m’éloigner de tout ce travail, le stockage, la vente et tout ça.
En France il y a énormément de maisons d’édition différentes, est-ce qu’il y a beaucoup d’éditeurs en Norvège ?
Il n’y avait pas beaucoup d’éditeurs, je pense que nous manquions d’un éditeur qui voulait publier ce que nous faisions. Donc nous avons du créer le nôtre. Probablement parce que la Norvège est un petit pays. D’ailleurs cette maison d’édition est encore très active, mais sans moi. Ils sortent beaucoup de livres chaque année. Donc oui c’était quelque chose de nécessaire, dont nous avions besoin. Mais même si j’aime les comics, je n’étais pas la bonne personne pour diriger la maison d’édition.
Vous préférez faire des comics que de les produire ?
En fait, à cette période, j’étais fatigué de faire des comics, donc j’ai arrêté, je pense, en 1999. Et cela m’a pris 15 ans pour m’y remettre. Quand j’ai repris, j’ai commencé à faire Dunce. Au départ, je publiais juste en ligne parce que j’étais un peu fatigué de tout le système de publication des comics. Donc c’est sympa de juste poster en ligne et de voir si les gens avaient envie de lire ce que je faisais. Puis j’ai fait une compétition de Comic Strips dans un grand journal de Norvège. Ils cherchaient de nouveaux strips et ont fait une compétition pour en trouver. Et j’ai gagné. Le prix était de faire des strips journaliers. Donc le prix était de faire tout le travail ! Mais c’était vraiment très sympa.
Ah oui, vous avez gagné un travail en même temps !
Oui, c’était un challenge de faire des strips pour chaque jour. En fait, le prix était pour un contrat de quatre mois. Mais j’ai fait ça pendant plus de quatre ans ! Je faisais six strips toutes les semaines. Un pour chaque jour, sauf le dimanche. En un an, cela a donné un livre. En France, il n’y a qu’un livre, mais en Norvège, il y en a quatre. Mais le deuxième livre va bientôt paraître en France.
C’est une très bonne nouvelle !
Oui, il sera prêt pour Angoulême.
Serez-vous aussi à Angoulême en janvier alors ?
Oui ! J’y suis déjà allé une fois. Et ça a été, évidemment, très inspirant, mais un peu déprimant aussi, parce qu’il y a tellement de production ! Mais revenir avec mon propre livre, c’est excitant. Je suis pressé d’y être.
Ce n’est donc pas votre première visite en France. Mais peut-être votre première visite pour votre livre ?
Oui, c’est cela. Parce que quand mon livre est sorti l’année dernière, mon éditeur m’a dit que ça ne servait à rien de venir, à cause de la pandémie. Donc c’était la première possibilité de venir le présenter. Et c’est vraiment sympa, que ce soit la ville ou le festival.
Certains des personnages sont des animaux. Pourquoi ? Et pourquoi ces animaux en particulier ?
C’est une bonne question ! Alors la première réponse évidente est que j’ai un chien exactement comme celui des strips. Mais c’est aussi lié au thème du comics. Parce que je vis très près de la nature, dans les montagnes. Et je suis également intéressé par la technologie. Donc je suis très intéressé par la rencontre entre la nature et la modernité. Et la nature est bien plus facile à exprimer avec des animaux. Donc en fait, le personnage du chien est apparu dans le comics parce que j’ai un chien et qu’il y a tellement de choses évidentes que je peux faire au sujet d’avoir un chien, surtout un jeune chien qui court partout et qui veut aller dehors la nuit, ou des choses comme ça. Donc ça a démarré simplement parce que c’était ma vie. Mais le chien est devenu si populaire et si important !
Oui, il vole presque la vedette.
Oui. Et quand je me plains à ma famille : « pourquoi est ce que c’est moi qui doit le sortir tout le temps ? », ils me répondent : « mais tu es payé pour ça ! C’est ton job. » Donc c’est moi qui doit faire tout le boulot. J’adore les animaux, je m’implique émotionnellement. Donc je pense que ça se voit dans le comics que j’ai un lien fort avec les animaux. Mais parfois c’est un peu un désavantage. Quand il est malade ou qu’il veut quelque chose, je suis trop doux, donc il a toujours ce qu’il veut. Mais je peux utiliser tout ça dans le comics.
Du coup vous avez toujours beaucoup d’histoires pour nourrir le comics…
Tout à fait. J’ai dit à mon éditeur en Norvège que je l’aime tellement, que lorsqu’il mourra, je punirai les lecteurs, qu’il mourra aussi dans le comics pour qu’ils ressentent la même peine. Et mon éditrice m’a dit : « non, ne fais jamais ça, ne le tue pas, il est trop populaire ! »
La solution sera peut-être que vous ayez un autre chien, pour vous et pour le livre !
Peut-être… Et je pourrai l’appeler pareil…
Dunce est publié en France chez 404. Pourquoi cette maison d’édition ? Est-ce que c’est vous qui les avez démarchés ?
Non. Mon éditeur, Nicolas, vient en Norvège de temps en temps. Et donc, pendant l’un de ses séjours, il est allé dans une librairie et il est tombé sur le livre. Il a pensé que ça serait bien en français. Et donc il m’a envoyé un email. Et je lui ai répondu que bien sûr j’étais intéressé !
Aviez-vous déjà envisagé de publier en France ?
Oui, bien sûr. C’était un rêve. Quand nous nous sommes rencontrés, je n’y croyais pas. Je ne voulais pas être trop excité parce que ça pouvait ne pas arriver. Mais si. C’est génial.
Actuellement, est-ce que vous ne faites que des comics ou devez-vous avoir un autre travail à côté ?
Je faisais des petits boulots freelance, mais maintenant je ne fais que des comics, à temps plein. Donc je dois faire ça sérieusement. Du mieux que je peux.
Dunce fonctionne bien. Auriez-vous envie d’arrêter ? De faire une autre série ?
Je pense que j’ai envie de continuer, d’en faire plus. Je peux encore le développer. Je pense que vous verrez dans le deuxième livre, et aussi dans les deux ou trois suivants, qu’il y a une évolution à la fois de l’artiste et de l’univers. Donc oui je pense qu’il y a encore beaucoup de choses sympas à faire.
Le personnage principal est partiellement ou même totalement une partie de vous ?
Bien sûr. Il a mon nom, donc c’est en grande partie moi. Mais c’est aussi un personnage de fiction. C’est un bon mélange. Ma famille proche peut dire quelle partie vient de moi et quelle partie est inventée. Parfois ils me disent « ah ça c’est tout à fait toi ! »
Vous vous basez sur ce qu’il vous arrive…
Oui. Si je me casse un os, ça apparaîtra très probablement dans le comics. Certains choses sont plus faciles à utiliser que d’autres. Je pense qu’au début l’idée est un peu tombée du ciel. C’était juste une idée, mais maintenant c’est un peu plus de travail. Je m’assois le lundi, j’écris toute la journée et, avec de la chance, je peux écrire les strips pour la semaine en un seul jour. Mais évidemment, quand quelque chose arrive, je prends des notes. Si je fais un rêve cette semaine où je suis en voyage, cela me donne des idées de strips. Mes rêves m’aident vraiment.
Vous écrivez un strip pour chaque jour ou bien il arrive que certains soient plus longs, qu’ils se suivent, comme une mini histoire ?
Parfois c’est un peu plus long. Je viens de finir une longue séquence de 17 strips. Donc vraiment long. Jusque-là, j’avais fait maximum 10 strips peut-être. J’ai commencé à expérimenter des histoires plus longues et je deviens meilleur maintenant. Elles deviennent plus longues et plus structurées.
Merci beaucoup pour ce moment passé ensemble !
Propos recueillis et traduits par Laëtitia Lassalle
Interview réalisée le 7 octobre 2022
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