
Giulio Macaione nous avait émus en 2020 avec la parution de son roman graphique Basilicò chez Ankama. Il a récidivé en 2022 avec Sirocco, un autre roman graphique tout aussi fort et poignant. Présent à la 50ème édition du Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême, cela a été l’occasion pour La Ribambulle de le rencontrer et d’en savoir plus sur son parcours et ses inspirations qui donnent une touche d’authenticité à ses ouvrages.
Bonjour Giulio. Peux-tu d’abord te présenter ?
Je m’appelle Giulio Macaione, je suis un auteur italien de bande dessinée. Je viens de Sicile mais j’habite à Bologne en Italie où j’ai étudié la peinture, pas la bande dessinée. J’ai commencé la bande dessinée quand j’étais adolescent et j’ai gagné un concours en 2003. L’histoire qui m’a fait gagner ce concours était la première que j’ai publiée. C’était une histoire courte qui s’appelait Mortal. Elle a été publiée dans le magazine Mondanese en Italie. C’est comme ça que tout a commencé. Puis j’ai commencé à faire des romans graphiques en tant qu’auteur et dessinateur, les deux à la fois. En ce moment, je travaille sur de nombreux projets comme mes romans graphiques, des comics pour DC. Je viens aussi de terminer un livre pour Les Humanoïdes Associés, Fées des sixties. Il va être publié le 1er février. À cette occasion, il y aura un gros événement à Paris pour lancer ce livre. Et puis je suis ici à Angoulême pour mon nouveau roman graphique, Sirocco. Il a été publié d’abord en Italie et puis traduit par les éditions Ankama. C’est une histoire de famille avec trois personnages qui s’aiment les uns les autres.
Comment en es-tu venu à être publié en France ? Est-ce toi ou ton éditeur ?
C’est généralement un éditeur.
Est-ce ton éditeur italien qui a contacté Ankama ou c’est toi-même ?
Je ne sais pas. Je ne l’ai pas fait. Donc c’était l’éditeur. En fait, Ankama n’est pas mon premier éditeur français parce que j’ai fait deux livres avant Ankama. Un en 2014 avec les éditions Physalis, Ofelia. Et l’autre s’appelle Etoile de mer avec les éditions du Long Bec. Mais l’éditeur n’existe plus donc vous ne pouvez plus trouver le livre. Ofelia était d’abord un webcomic en Italie, puis il a été publié en livre. C’était en 2012 ou 2013. Et puis j’avais un blog où je faisais des bandes dessinées et des sketches.
D’où t’es venu l’idée pour Sirocco ?
L’idée pour Sirocco est venue parce que j’avais besoin de traiter de la perte d’une amie proche. Elle est morte et je ne voulais pas raconter son histoire. Mais d’une certaine manière, l’histoire de Sirocco est inspirée de son expérience et j’avais vraiment besoin d’aller de l’avant. Alors j’ai utilisé ce livre comme une thérapie et j’ai injecté dans cette histoire beaucoup de choses qui me tenaient à cœur. Comme la petite ville en Sicile où ils vont dans l’histoire, qui est la petite ville d’où sont originaires mes grands-parents. Le chien était mon chien. Donc j’ai rassemblé beaucoup de choses qui ont compté pour eux.
C’est pourquoi la dédicace en début de livre est « Pour Pia ».
Oui, Pia était mon amie proche.
Est-ce que Basilicò, ton avant-dernier roman graphique, a bénéficié aussi de ce processus ? Est-ce que c’est également une part de toi ?
Non. Même Sirocco est totalement de la fiction. C’est juste un fait à un endroit qui est réel mais l’histoire est fictive. J’ai fait Basilicò parce que je voulais… J’ai quitté la Sicile quand j’étais jeune. J’avais 18-19 ans peut-être. Mes parents habitent toujours Palerme, donc je vais souvent en Sicile. Mais j’ai toujours l’impression d’avoir cette relation d’amour et de haine avec cette ville. C’est comme si la ville était une mère acariâtre. Et j’ai été un adolescent rebelle qui voulait vivre sa propre vie. J’ai commencé à travailler sur Basilicò quand j’ai vécu aux Etats-Unis. J’ai habité en Ohio, donc j’étais très loin de chez moi, mais je ne voulais pas faire une carte postale de la ville. Et il s’est avéré que ça a été comme une très mauvaise image de la ville. Et j’ai vraiment aimé l’histoire de famille. Donc, j’ai voulu faire une histoire comme les films de Pedro Almodovar. J’aimais vraiment Almodovar. La culture espagnole est vraiment très proche de la culture sicilienne, alors je voulais faire quelque chose de cool qui me rappellerait ses films.
Vous êtes allé aux Etats-Unis pour faire de la bande dessinée ou des comics ?
Non. Je suis allé aux Etats-Unis parce mon mari a déménagé pour travailler là-bas. Et quand j’étais là-bas, j’ai fait Basilicò. J’ai aussi commencé mon premier livre pour le marché américain. Il a été publié par Boom Studios.
Qu’avez-vous pensé de la culture aux Etats-Unis ? Est-ce une culture comme en Sicile ou en Italie ?
En parlant de bande dessinée ou en général ?
En général.
Nous parlons des Etats-Unis en tant que pays, mais il y a beaucoup de pays différents. Ils ont la même langue et les mêmes magasins. Mais vous pouvez aller en Ohio ou en Californie ou à New York, c’est vraiment différent. C’est comme les Européens. En réalité c’est un seul pays, mais toujours comme l’Europe. Chaque état est un pays dans le pays. Quand je vivais dans le Midwest en quelque sorte, j’avais l’impression que la Sicile était plus ouverte d’esprit.
Dans Sirocco, il y a trois chapitres avec une couleur dédiée à chacun. Pourquoi cela ? Est-ce important que chaque chapitre ait sa propre couleur ?
Oui. C’est parce qu’il y a trois personnages, trois chapitres et trois histoires différentes. Je ne pense pas que des couleurs franches et complètes auraient fonctionné pour Sirocco. Parfois vous n’avez pas besoin de couleurs. Les couleurs peuvent être de trop pour ce type d’histoire. Je voulais juste suggérer l’atmosphère du lieu et le sentiment de la partie de l’histoire. L’histoire commence à Venise. C’est vraiment humide, c’est très liquide, bleuté, verdâtre. Puis quand ils vont en Sicile, c’est jaune et vraiment chaud. Et quand ils retournent à Venise, c’est la partie triste de l’histoire, c’est du lilas.
Dans Basilicò, il y a une partie de l’histoire dans le passé et une autre dans le présent. Est-ce pour cela que tu utilises deux couleurs ?
Non. Basilicò est ma dernière BD faite sur papier parce que maintenant je travaille sur le digital. Je voulais donner le sentiment que le présent de l’histoire était le noir et blanc parce qu’en quelque sorte la Sicile s’est stoppée. Cela commence dans le futur. Et puis, pour l’histoire qui se passe dans le passé, je voulais donner une atmosphère des années 70 comme le sépia. J’ai donc peint sur le papier avec du café.
C’est une très bonne façon d’obtenir la couleur sépia, le café est génial pour ça.
C’était vraiment dur d’utiliser du café pour peindre car l’odeur est très forte. Mais j’aime boire du café ! (rires)
Une autre personne de La Ribambulle travaille dans une boutique de vin et de BD. Elle nous a montré un livre fait entièrement avec du vin !
Je ne peux imaginer l’odeur que le livre peut avoir.
L’odeur du café est sûrement meilleure que celle du vin. Une journée, c’est bon mais sur le long terme… Et comment as-tu choisi le titre Sirocco ?
Le sirocco est un vent qui vient de l’Afrique. Il est très typique de la Sicile. En même temps, c’est une des raisons de la montée des eaux à Venise. Donc vous ne pouvez pas vraiment sentir le vent à Venise, mais quand les eaux sont hautes, cela peut être le vent de sirocco. C’est l’une des causes. Donc c’est une sorte de lien entre la Sicile et Venise. C’est aussi un vent chaud. C’est ce sentiment que je voulais que les lecteurs aient quand ils liraient cette histoire.
C’est aussi le nom du bar du père. Même question pour Basilicò, pourquoi ce titre ?
Parce que c’est une histoire autour de la cuisine. Le basilic est la saveur que me rappelle le plus la Sicile. Et « basilicò », avec l’accent sur le o, est un dialecte différent pour prononcer basilico en Italie. Vous ne pouvez pas réellement comprendre en France parce que vous n’avez pas de différence d’accent à l’écrit même si vous en avez à l’oral. En Italie, « basilico » n’a pas d’accent. En Sicile, on met l’accent sur le o, donc ça donne « basilicò ». J’aime beaucoup utiliser différents dialectes dans mes bandes dessinées pour donner un sentiment de réel.
Cela donne l’impression aux lecteurs d’une histoire plus immersive de par ses petits mots. Et quelles sont vos prochaines actualités ?
Ma prochaine série s’appelle Fées des sixties en quatre volumes, mais chaque volume sera fait par des auteurs différents. C’est un one shot avec une histoire unique issue de l’univers de la série. Le premier volume, que j’ai dessiné, est écrit par Jul Maroh. L’histoire se passe dans le Londres des années 60 dans lequel les fées et les humains vivent ensemble, avec beaucoup de problèmes.
Avez-vous d’autres projets puisque celui-ci est fini ?
Oui. Je viens de commencer à écrire ma prochaine bande dessinée. Cela va être une histoire vraiment différente à écrire. Donc je vais prendre mon temps parce que j’ai beaucoup travaillé ces dernières années.
Vous avez besoin de vacances ?
Non, pas de vacances. Je veux vraiment ralentir, prendre mon temps à travailler. Et ne travailler que sur un projet à la fois.
Ce sera toujours avec Ankama ou avec un autre éditeur ?
Ce sera avec mon premier éditeur en Italie et normalement, si tout se passe bien, traduit par les éditions Ankama. Donc je croise les doigts.
Merci beaucoup Giulio.
Merci à vous.
Propos recueillis et traduits par Geoffray Girard et Laëtitia Lassalle
Interview réalisé le 27 janvier 2023
Réagissez !
Pas de réponses à “Dans la bulle de… Giulio Macaione”