Pour la sortie du tome 6 de RIP, dernier opus de la série, le festival Quai des Bulles a monté une très belle exposition immersive dans son univers. C’était donc l’occasion idéale de profiter de la venue de Gaët’s et Julien Monier pour organiser une rapide entrevue malgré leur planning surchargé et leur poser quelques questions sur leur série phare, l’expo, le jeu et leurs prochains projets.
On va commencer avec une question plutôt générale pour toi, Gaëtan, sur l’origine de RIP : comment t’est venue cette histoire?
Gaët’s : C’est venu d’une rencontre il y a une quinzaine d’années. J’ai rencontré un gars qui s’appelait Cédric, qui faisait les vendanges avec moi et faisait ce métier un peu plus légal. Quand il a commencé à me raconter les décors, l’atmosphère et quelques anecdotes truffées de mouches, ça m’a plu, ça m’a fasciné, ça a écœuré tout le monde et moi ça m’a fasciné. Je me suis dit « tiens, c’est marrant parce que c’est un domaine où il n’y a eu beaucoup d’histoires dans la bande dessinée ». Même dans le cinéma, c’est nouveau. Donc, à partir du moment où j’avais le décor, il ne me restait plus qu’à trouver une intrigue. Ça a germé petit à petit. Et puis une fois que j’avais l’intrigue de la bague, les idées sont venues progressivement.
Il me semble qu’au départ tu ne savais pas qui serait le dessinateur ?
G : Je ne connaissais pas Julien, en fait.
Comment est-il arrivé sur le projet ?
Julien Monier : On avait tous les deux bossé pour le même éditeur sur d’autres projets. Alors il a pensé que le scénario pouvait me convenir. Il me l’a proposé et il ne s’est pas trompé. Ça a bien matché.
Ton dessin s’accorde vraiment bien à l’histoire en plus.
JM : Enfin, ouais, c’est le hasard des rencontres, quand tu ne proposes pas un projet à la base à penser à deux. C’est vrai que c’est un peu le hasard de l’alchimie. L’histoire, le graphisme se sont bien mêlés.
G : On ne se connaissait pas du tout. On a même commencé à travailler ensemble sans se rencontrer. C’est au bout de quelques mois qu’on s’est rencontrés, comme ça, de manière informelle, à Paris, autour d’un verre, et on a discuté un peu plus de RIP. Mais c’était surtout au téléphone. Au début, il avait lu le scénario du tome 1 au complet et puis, après chaque tome, on en discute avant et ça se fait année par année de cette manière.
Et tu avais, j’imagine, l’histoire complète, ou au moins l’idée de l’histoire complète dès le départ? Mais tu n’avais pas les six scénarios dès le départ?
G : Oui c’est ça.
Ton histoire a évolué par rapport à ce que tu avais imaginé au début?
G : L’ossature générale, enfin, les grandes lignes étaient écrites avant, on connaissait nos six personnages principaux, on connaissait leur personnalité et ce qu’ils allaient apporter à l’histoire, au récit. On connaissait la fin de l’histoire. Après, on se garde une marge d’improvisation pour les petits détails, pour les passifs de nos personnages et pour certaines petites scènes qu’on a pu imbriquer dans la série. Et puis, avec Julien, on échange aussi selon les films qu’on va voir, les rencontres qu’on va faire, les petites idées qui germent… Et vraiment jusqu’à la toute fin il y a des choses nouvelles qui sont arrivées dans le scénario.
Du coup, l’ordre des personnages était prédéterminé dès le départ, tu voulais finir absolument par Eugène ?
G : Je voulais finir par le gros con, ouais. C’était l’idée. C’est pour ça d’ailleurs que, dès le tome 1, on avait annoncé les six tomes, les six personnages et les trois grandes questions par tome auxquelles on allait répondre. Ça tease un peu et on savait qu’on ferait six tomes et pas plus.
Il n’est pas du tout prévu de faire quoi que ce soit de plus?
G : Non.
Enfin il y a quand même le jeu dérivé aux éditions OPLA…
G : Le jeu, c’est Alexandre Droit qui l’a vraiment créé.
Vous êtes pas du tout intervenu dessus?
G : Julien a dessiné les cartes et ensuite on l’a testé.
Et l’histoire ?
G : Ah ça oui, c’est moi qui l’ai coécrit avec avec les jeux OPLA. Mais on s’est mis d’accord là-dessus et sur la tournure des phrases. Mais les règles du jeu, le rôle de chaque carte, ça c’est vraiment Alexandre qui les a créés ça et qui a demandé 91 cartes à Julien et une boîte de jeu.
C’est sympa pour vous d’avoir un produit dérivé comme ça.
JM : D’autant qu’ils ont l’habitude d’adapter des BD en jeu, donc c’est pas gratuit, il y a une vraie cohérence. Ils savent bien s’emparer d’un univers et le développer de manière ludique.
Donc on a bien compris, pas de suite. Mais il est peut-être prévu une réédition dans un coffret?
G : Pour le moment, on vient de sortir le tome 6, donc on profite un max de sa sortie et de notre tournée de dédicaces avec Julien. On fera peut être deux semi-intégrales par la suite que Julien va entièrement coloriser en noir, blanc et jaune. En partenariat avec les librairies Momie, vu qu’il s’agit de leur charte graphique. Il y en aura sûrement une au printemps et l’autre à la rentrée prochaine. Et ce sera un tirage limité. 1000 exemplaires environ, je pense…
Les différents tomes ont été déjà réédités grâce au succès des ventes non?
G : Alors, pour chaque tome, on a fait aussi une version Bulle avec la librairie Bulle du Mans. Donc ça c’est des tirages limités également. Les deux premiers étaient à 300 exemplaires et 500 pour les deux suivants, 600 pour le cinq et le dernier on l’a fait à 999 exemplaires. C’est un tirage spécial qu’on fait. Après on n’a pas fait d’autres tirages spéciaux mais on a réédité, réimprimé. Le tome 1 doit en être à 8 ou 9 réimpressions… Il y a notamment une impression un peu spéciale en septembre puisqu’on a fait un tirage à 10€. Avec une offre de 5000 exemplaires à 10€ pour recruter et faire découvrir la série à des gens un peu plus frileux. Et le tome 6 n’est pas encore réimprimé, parce qu’il vient de sortir mais ça ne saurait tarder parce qu’il part bien. On a également fait de plus gros tirages. Le tome 1 était imprimé à 5000 exemplaires, pour le tome 6 on en a imprimé 25000 directement.
Cette année à Saint-Malo, il y a l’expo RIP. Vous êtes intervenus dans la scénographie ? Vous avez donné des idées ou c’est vraiment l’équipe de Quai des bulles qui a tout fait ?
JM : Non, nous on a fourni les planches. Mais vraiment les décors, la scénographie, tout ça, c’est vraiment l’équipe d’ici.
Et vous l’avez pas vue avant d’arriver sur place ?
G : Non. Ils nous avaient posé deux ou trois questions sur l’ambiance. On les a mis en contact avec des personnes qui pourraient les aider, mais on s’est réservé la surprise.
Et c’était une volonté de votre part à tous les deux de rien voir avant ?
JM : Eux comme nous en fait. Ils font souvent ça. En discutant avec Benoît Dahan qui avait l’expo Sherlock Holmes l’année dernière, lui aussi avait fourni les planches mais n’avait aucune idée qu’ils allaient refaire le salon de Sherlock Holmes en entier, etc. Donc voilà, je crois que ça c’est un peu un petit parti pris d’ici. Pour que les auteurs découvrent, un peu comme des gamins, leur expo.
Ca doit être sympa pour vous de la découvrir comme ça.
G : C’est génial parce que en plus elle est superbe. Avec plein de petits détails. Ils ont bien retranscrit l’univers, c’est très chouette. D’ailleurs on va la voler cette expo !
Du coup, vous avez quoi comme projet pour la suite? Gaëtan, tu as pas mal de projets, dont un chez Dupuis, non?
G : Chez Dupuis, mais aussi chez Le Lombard et chez Glénat. Avec Julien, on en a deux ensemble.
Toujours chez Petit à Petit ?
JM : Un chez Petit à Petit et un autre chez Dupuis. Deux adaptations de bouquins. Là, on fait une pause dans notre amour des séries polar. On y reviendra plus tard. Mais là, on fait d’abord une petite parenthèse loufoque avec une BD chez Petit à Petit, qui sera l’adaptation d’un livre qui s’appelle Fanman – L’Homme au ventilo. C’est tiré d’un tout petit livre des années 70 où on suit un doux dingue dans les rues new-yorkaises, qui est perdu dans ses rêves et ses lubies toutes plus saugrenues les unes que les autres. Donc voilà, on reste toujours sur un univers bien décalé, beaucoup moins noir et un peu plus joyeux. Chez Dupuis, ce sera Ensemble, on aboie en silence, qui est l’adaptation du bouquin écrit par Gringe, le rappeur-acteur-artiste. C’est un livre qu’il a écrit il y a trois ans maintenant, un petit bouquin où il évoque entre autres la schizophrénie de son frère et en même temps il y a un côté carnet de voyage un peu barré, un peu halluciné. Donc ça sera encore un truc assez décalé mais moins noir et par la suite on reviendra sûrement du polar façon RIP.
Maintenant que vous avez commencé à travailler ensemble, vous y avez pris goût vu que ça matche bien, vous avez envie de faire d’autres projets ensemble…
G : On a des idées communes et on ne change pas une équipe qui gagne.
JM : Après, Gaëtan a plein de projets de son côté. Moi je ne m’interdis pas d’en avoir aussi, mais c’est vrai qu’on sait qu’on bosse facilement l’un avec l’autre.
G : Et puis tu es un peu amoureux de moi aussi…
JM : C’est pas le mot, je dirais que c’est plus de l’ordre du dégoût, un truc un peu viscéral, un peu comme une allergie alimentaire…
G : Donc, moi, bien sûr, j’ai une série jeunesse sur les dinosaures au Lombard qui s’appellera Dinodyssée avec Clotilde Goubely. J’adapte aussi un roman chez Dupuis dans la collection Air Libre. Ce sera Le Démon de la colline aux loups de Dimitri Rouchon-Borie. Alors là, c’est très très noir. Pour le coup, c’est très sombre. Ce sera en co-scénarisation avec l’auteur du roman et avec Vincenzo Balzano au dessin. Ca va être un beau roman graphique de 180 pages, grand format et très métaphorique, très à l’aquarelle, j’ai hâte de voir les premières planches. Les premiers essais m’ont déjà conquis. Et après j’ai encore une multitude de projets…
Tu fais aussi de l’édition chez Petit à Petit.
G : Depuis sept ans maintenant, je suis directeur de collection aussi. J’ai fait mes premières gammes avec RIP, c’est moi le directeur de collection. Et aussi sur certains collectifs, notamment autour des animaux.
Justement il y a eu dernièrement Auprès des animaux. Ce qui est surprenant est que les pages documentaires sont plutôt des présentations de parcs zoologiques, là où dans les autres docu BD elles servent à approfondir les sujets…
G : En fait, au départ c’était un guide des zoos. Il a été construit comme un guide avec 30 ambassadeurs.
Merci beaucoup d’avoir trouvé un petit peu de temps dans votre planning surchargé ce week end pour répondre à nos questions !
Propos recueillis par Laëtitia Lassalle
Interview réalisée le 29 octobre 2023
Réagissez !
Pas de réponses à “Dans la bulle de… Gaët’s et Julien Monier”