On connait Christian Paty pour des BD incontournables comme Damoiselle Gorge, La Cicatrice du souvenir, ou encore La Geste des chevaliers dragons, sans oublier la série à succès Les Blondes sous le pseudo de Dzack. Nous avons profité des coulisses du festival d’Angoulême pour le rencontrer.
Comment est partie cette aventure avec Les Blondes ?
C’est Gérard Guéro (Gaby), le scénariste, qui avait évoqué cette idée avec l’éditeur. Par la suite, il m’a appelé pour me demander si ça m’intéressait de travailler sur un album de blagues de blondes. J’ai répondu oui quasi immédiatement. J’ai fait quelques essais et la « mécanique » s’est installée très vite. On a fait l’album assez rapidement malgré quelques difficultés. Quand on a lancé Les Blondes, nous étions 3 ou 4 à y croire vraiment.
Et voilà donc 21 tomes sortis…
Le 22 pour bientôt et tout un tas de hors-série.
Un rythme de travail énorme !
Deux par an. C’est à peu près 2 ou 3 mois de travail (en mode intensif) pour un album.
Avec un bon accueil en général ?
Oui, plutôt. Les festivaliers que nous voyons en dédicace sont déjà nos lecteurs donc oui, l’accueil est bon en festival comme en librairie.
Avec plein d’idées encore à venir ?
Gérard Guéro (Gaby) est intarissable sur les blagues. Il en invente toujours. Gérard s’était dit qu’au troisième, on aurait utilisé tout notre stock de blagues connues. Ce stock était d’autant plus limité qu’on avait d’office retiré toutes les blagues « osées ». Il ne fallait pas les faire pour toucher un large public. Et finalement, après bientôt 22 albums, nous avons toujours des blagues.
Vous vous êtes auto-censurés pour garder un esprit bon enfant ?
Oui, et on a bien fait car le principal lectorat à l’origine était les enfants de 8 à 12 ans. Et une bonne majorité de lectrices sont des blondes aussi, contrairement à ce qu’on aurait pu penser au départ.
Récemment, tu as travaillé sur le story-board du dernier Merlin.
Jean-Luc Istin et Éric Lambert envisageaient de reprendre Merlin, mais aucun n’avait le temps de faire le story-board. A un moment donné, ils m’ont demandé si je pouvais leur donner un coup de main. Faire un story-board a été un travail sympa. Le travail de mise en scène est ce qui m’intéresse dans la bande dessinée en général. C’est là que je prends beaucoup de plaisir. Pour l’instant, pas de continuité dans cette aventure, je reste disponible s’ils ont encore besoin d’un coup de main sur la suite du story-board.
Et La Geste des chevaliers dragons derrière ?
Et La Geste derrière qui avance tout doucement parce qu’on l’intercale entre deux tomes des Blondes à chaque fois. C’est vrai que ce n’est pas le même travail et c’est beaucoup plus long, parce que plus de décors, plus de détails, parce qu’un dessin plus réaliste. Ce n’est pas pareil, le travail est différent, l’approche est différente.
Tu es plus impliqué sur Les Blondes par rapport à la masse de travail ?
Pas forcément plus. J’essaie de m’impliquer autant sur chaque projet. Sur Les Blondes, j’ai juste cherché à avoir une méthode de travail bien précise, plus structurée. Et à présent c’est plutôt bien rodé. Sur La Geste, c’est plus instinctif, je n’ai pas la même démarche. C’est une autre approche. Les crayonnés ne sont pas les mêmes, les story-boards ne sont pas les mêmes, l’encrage n’est pas le même, et même le format papier n’est pas le même !
Travailles-tu dans les mêmes conditions que les précédents albums de La Geste ?
Plus ou moins. J’avais à l’époque du premier un autre boulot dans la pub. Passer d’un style à l’autre ne me pose pas de problème. Je travaillais déjà comme ça en agence de pub où j’effectuais, entre autres, beaucoup de dessins différents, plein de styles différents. En dédicace, c’est plus difficile de passer d’un style à l’autre. Un vrai casse-tête ! Changer de style toutes les cinq minutes, ça devient compliqué. C’est arrivé une fois, j’étais en train de dessiner une Geste sur une Blonde ou l’inverse et à la signature, je ne savais plus… Certains lecteurs ont eu du mal à le comprendre. Par contre, quand je suis chez moi, je fais comme je veux. Je peux décider de faire un style la matinée et en changer dans l’après-midi. Je gère à l’envie ou au besoin.
Pourquoi avoir pris un pseudo pour Les Blondes ?
On aime bien mettre les gens dans les cases. Surtout en France. Je veux dire que, quand tu fais quelque chose, ça veut dire que tu fais ça et pas autre chose et surtout que tu feras ça toute ta vie. C’est valable en musique, au cinéma, en littérature et dans beaucoup d’autres métiers. La BD n’échappe pas à la règle. Comme Gérard Guéro l’a très bien expliqué dans une autre interview, si on avait fait Les Blondes avec notre nom, aux yeux des libraires, des représentants, on n’aurait pas été crédible. Pourquoi après le réalisme passer à l’humour ? Donc, nous avons pris un pseudo, non pas pour se cacher derrière mais bien pour dissocier les deux univers. Et nous avons eu raison. Aujourd’hui les gens le savent, à peu près ou pas, mais ce n’est pas un problème parce que ceux qui savent le respectent. C’est intégré. Et, bon, on n’a rien inventé non plus. Il y a des grands auteurs qui l’ont fait avant nous. Ils avaient certainement leur légitimité eux aussi.
Donc, après La Geste qui va prendre une grande partie de ton temps, comment vois-tu le futur ?
Pour La Geste, j’avais demandé à Gérard s’il était possible d’en faire une autre, pour le plaisir, et il m’a dit oui. Ça s’est fait aussi simplement. J’aimerais juste avancer un peu plus sur La Geste car ce que je n’aime pas, ce sont les albums qui n’avancent pas. C’est vrai que la situation est différente parce qu’il y a Les Blondes qui tombent assez régulièrement, on tient toujours les délais. On sait que ça continue encore, il y a de quoi faire. Mais pour La Geste, ça serait bien de ne pas trop attendre non plus. Donc : encore du boulot. Pas de truc compliqué, pas de plan de carrière après… je ne sais pas.
Et vis-à-vis de l’attente des lecteurs ?
Pour La Geste, nous ne sommes pas dans une série où c’est un seul dessinateur qui la fait. Donc, il n’y a pas de réelle attente du lecteur. Il y a une attente pour ceux qui suivent la série tome par tome, mais il y en a qui sortent assez régulièrement. Que le mien arrive en dixième ou vingt-cinquième position, pour le lecteur ça n’a aucune importance. Il y a peut-être deux ou trois fidèles lecteurs qui l’attendent parce qu’ils ont entendu dire que j’allais en sortir un. Mais je ne crois pas qu’il y ait vraiment d’attente.
Il n’y a pas d’attente mais, pour soi, ça doit une satisfaction d’aboutir au projet. Du coup, où en es-tu ?
Je dois en être à la page 16 encrée et j’ai le scénario jusqu’à 22/23 pages. J’en suis quasiment à la moitié. Ça avance et jusqu’à la 23ème page c’est story-boardé.
Donc, bon travail d’équipe avec Gérard !
Oui, ça fonctionne ! Et plutôt bien.
Et Les Zaliens ?
Totalement inaperçu. Dommage. Surtout pour Dominique Mainguy.
Et de tout faire tout seul, scénario et dessin ?
Je ne sais pas… Quand j’ai commencé à faire de la bande dessinée, je voulais tout faire tout seul. Je voulais raconter mes histoires. J’ai commencé à travailler avec d’autres personnes et ça se passait bien. Tout faire tout seul, pourquoi pas ? Mais je ne me suis pas vraiment posé la question plus que ça. Quelques idées dans les tiroirs mais rien de concret. C’est un métier d’être scénariste ! Il y a une structure, toute une logique, tout un tas de trucs, de paramètres, etc, c’est très compliqué. Il faut être sûr de soi quand on se lance. J’en ai fait l’expérience chez Vents d’Ouest pour mon troisième album, L’Angeolende. Je l’ai fait tout seul mais dans des conditions un peu bizarres : j’avais six mois pour tout faire en ayant un boulot à côté. Je ne bossais que le soir sur le scénario, le dessin et la couleur. Et ça ne ressemblait en rien du tout à l’idée initiale. Forcément, le résultat a été… bref passons. Ce fut une bonne expérience des choses qu’il ne faut pas faire ! A ce moment-là, c’était beaucoup trop tôt pour moi, il y a des choses qui s’apprennent et qui se travaillent.
Ça fait combien de temps que tu es dessinateur ?
17 ans ! J’ai commencé en 1997 chez Vents d’Ouest avec Damoiselle Gorge, et Tiburce Oger au scénario. En 2000, je suis arrivé chez Soleil avec La Cicatrice du souvenir, le début de la collaboration avec Gérard et Anne – Ange. Et d’ailleurs, je me souviens, entre autres, d’être venu à Chartres pour La Cicatrice du souvenir en 2001 ! Et vous étiez dans l’organisation… 😉 Puis Kookaburra Universe, La Geste et Les Blondes.
Déjà une belle carrière derrière toi !
Oui. Et les choses ont changé depuis… Par exemple, pour Les Blondes, l’acceptation s’est faite au fur et à mesure. Au début de l’aventure, presque tout le monde était contre. Sauf nos lecteurs, bien sûr. C’était inadmissible. On pouvait rire de blagues de blondes au bureau, sur un chantier, dans un avion… mais pas le faire en BD. Avec le temps, on a du prouver qu’on était à la hauteur par rapport à ce projet, sans aucune prétention. Et aujourd’hui, je pense que le regard a un peu changé. Mais je ne suis pas bien placé pour en juger et n’ai pas suffisamment de recul par rapport à ça.
Mieux vaut tard que jamais…. (Rires)
Je pense que les gens se sont rendus compte qu’on n’était pas des « mauvais méchants », qu’on faisait juste de la BD. En revanche, je me suis rendu compte en faisant Les Blondes qu’il n’y avait que deux types de BD : la bonne BD et la mauvaise BD !
(Rires) … et c’est de la mauvaise BD ?
Oui, Les Blondes c’était carrément de la mauvaise BD !
C’est marrant car d’autres dessinateurs ont fait de la BD humoristique ! On a l’impression que la BD humoristique n’est pas vraiment perçue comme de la BD !?
En effet, quelques dessinateurs pourraient en parler, même des connus. Quand ils sont passés du côté humoristique, ils l’ont ressenti eux aussi. Pour ma part, j’ai eu droit à des : « ça va ? c’est pas trop lourd à porter de dessiner ça ? », « ce n’est pas vraiment de la BD pour moi », « t’as pas envie de refaire du vrai dessin? », « t’es quand même d’accord que ce n’est pas ce que tu as fait de mieux », « les séries d’humour, faciles, pour juste se faire plein de tunes, moi ça me gave », « dommage, t’avais un bon trait avant, faudrait pas le perdre »… j’en passe et des meilleures. C’est vrai qu’au début je ne voulais pas être catalogué « Blondes » uniquement. Trop tard (rires). Avant de faire de la BD, j’étais aussi fan et lecteur mais je n’avais pas deux catégories de BD. Il y avait bien la BD humour, polar, science-fiction, héroïc fantasy… et des comics, et du manga… bref des genres différents. Et je lisais aussi bien Gaston Lagaffe que Les Passagers du vent, et ça ne me posait aucun problème. Et j’aime les deux, j’aime la BD. Maintenant j’ai plein de potes dans la BD d’humour. Vive le côté obscur de la… oups pardon !
Merci beaucoup d’avoir partagé ce moment avec nous.
Propos recueillis par Séverine Cointepas, Florence Daubry et Nicolas Davy.
Interview réalisée le 31 janvier 2015.
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