
Bruno Bessadi © 2023 La Ribambulle
L’Ogre Lion est une bande dessinée animalière d’envergure, écrite et dessinée par Bruno Bessadi. Nous avons profité de sa venue au Festival International de la Bande Dessinée pour lui poser des questions sur cette première histoire qu’il a imaginée et sur sa façon de travailler en général.
Bonjour Bruno, L’Ogre Lion est la première bd que tu réalises seul,
intégralement ?
En fait, c’est la deuxième, j’avais adapté Boucle d’or et les 3 ours. Mais l’idée n’était pas de moi. Là, il s’agit de ma première bd.
Et justement d’où t’es venue l’idée de cette histoire ? Tu as fait un artbook avec les mêmes personnages avant si je ne me trompe pas.
Oui, le artbook était en fait un entraînement. Pour prendre en main les personnages, histoire de me rassurer un peu si je m’amusais bien avec, voir si je pouvais en faire éventuellement une BD.
Pourquoi une BD avec des animaux ?
J’adore dessiner les animaux, ça m’a toujours plu. À l’époque, quand j’étais chez Soleil, j’avais proposé déjà un truc un peu comme ça et Morad m’avait dit « Non, l’animalier, ça ne marche pas. »
Mais après il y a eu Blacksad, qui a fonctionné et du coup tout le monde s’y est mis.
Est ce qu’il y a des animaux qui sont plus faciles à faire, d’autres plus difficiles ? Il y en a certains que tu ne veux pas faire du tout ?
En fait c’est une question de longueur de museau. Plus le museau est long et plus c’est compliqué. Et surtout, si tu veux le rendre anthropomorphique, vu que nous, notre bouche, elle est plate, si tu commences à faire les expressions, tout ça, plus le museau va être long et plus c’est compliqué… Soit tu fais une bouche plate au bout du museau et c’est ridicule. Quand ça sourit, c’est pas trop naturel. C’est pour ça qu’on triche et qu’on fait le museau un peu plus court.
Si tu fais un éléphant, par exemple, tu vas galérer parce que la bouche elle va être cachée par la trompe.
Oui donc ça dépend vraiment de la morphologie de l’animal…
Oui. Autant en animation, ça passe, mais en BD, j’imagine ça de manière un petit peu compliquée.
Donc il est plus facile de faire des félins ou des primates à la limite…
Oui mais le primate c’est le piège… il est plus proche de nous donc plus difficile pour les expressions…
Quand on pense bd animalière actuellement, on pense évidemment aux 5 terres… Est ce que quand L’Ogre Lion est sorti, tu n’as pas eu peur de la comparaison même si les deux série n’ont rien à voir ?
Non, et en plus, c’est marrant parce que quand j’étais chez Badass, j’avais proposé à David Chauvel, l’éditeur du titre, L’Ogre Lion et il m’avait dit « Pourquoi pas ? Mais pourquoi ne le ferais-tu pas avec Herik Hanna, le scénariste de Badass. » Et du coup, ce que le scénariste m’avait proposé, ce n’était pas ce que je voulais faire moi. Finalement, David Chauvel n’a pas gardé le scénario et il a fait Les 5 Terres.
Ah oui donc c’est un peu lié, donc pas de concurrence en fait…
Ce n’est pas vraiment de la concurrence. Mais surtout moi je voulais faire du Conan le Barbare et Les 5 Terres, c’est Game of Thrones.
L’Ogre Lion est prévu en trois tomes, c’est ça ?
Oui, malheureusement.
Donc c’est bientôt fini. Et du coup, tu avais l’histoire dès le départ pour les trois tomes ?
Je voulais en faire cinq. Mais l’obligation éditoriale, c’est trois…
Tu as réduit l’histoire pour la faire loger en trois tomes ?
Oui. Dans le tome deux, ils arrivent en ville, ils prennent le bateau, ils partent. Alors que moi, je voulais qu’ils arrivent en ville, qu’il y ait des aventures, qu’on retrouve le roi Charles, qu’on retrouve les loups. Mais finalement il n’y a qu’une page alors que pour moi, c’était un tome complet pour cette partie.
Mais il a eu un bon accueil. Du coup, il n’est pas prévu de continuer après les
trois ?
Pour le moment non. Le problème, c’est que si tu fais un cycle et un deuxième, c’est qu’il faut une fin pour le premier cycle et une fin pour le deuxième cycle. Et moi, je n’ai qu’une seule fin pour l’instant. Donc, je ne suis pas sûr de faire un deuxième cycle.
Tu en es où du troisième tome ?
J’ai écrit le scénario qui est validé. Et là, je fais les storyboards en brouillon vite fait pour voir si l’histoire, si ce que j’ai écrit marche en images.
Du coup, tu mets combien de temps à peu près pour faire un tome ?
En fait, c’est à peu près un an. Il faut sept mois pour le dessin et cinq mois pour le scénario.
Tu travailles en traditionnel ou en digital ?
Traditionnel. Le digital, c’est pour le storyboard. En fait, je fais un storyboard au crayon que je scanne, que j’agrandis avec le logiciel. Je fais mes brouillons avec le logiciel, mes storyboards que j’envoie à mon éditeur qui est aussi scénariste, Christophe Arleston, pour qu’il me donne son avis et qu’il m’apporte des modifications si nécessaire. Et après, une fois que c’est fait, ce storyboard là, je l’imprime en grand format et je le décalque avec une table lumineuse sur papier, avec une étape au crayon bleu et ensuite, j’ancre un stylo japonais qui s’appelle le Fudenosuke de la marque Tombow.
Tu préfères traditionnel ou c’est juste une question d’habitude ?
Le traditionnel, ça fait 20 ans que j’en fais, donc je suis à l’aise. Le numérique, ça me demande un effort. Je n’arrive pas à dessiner aussi bien en numérique qu’en traditionnel. Là, j’ai vraiment mes marques, j’aime bien le papier.
L’avantage aussi du traditionnel, c’est qu’il y a des accidents intéressants. Alors qu’en numérique, tu vas avoir tendance à faire contrôle Z. Et être un petit peu à la recherche du trait parfait.
Il me semble que tu ne fais pas les couleurs sur L’Ogre Lion ?
Je suis intervenant dans une école privée de dessin avec une section BD illustration. Et la personne qui fait les couleurs, c’est Johanna. Et c’est une ancienne étudiante de l’école.
C’est pour une question de temps que tu ne fais pas les couleurs ?
C’est aussi une question de compétence, parce que ça demande quand même un savoir faire que je maîtrise pas. Et du temps. Parce qu’au début, vu que j’ai créé aussi le scénario, je me suis dit je vais tout faire, autant aller jusqu’au bout de mon truc. Et je crois que j’avais passé presque une journée sur la page et j’étais pas satisfait.
Est ce que tu sais déjà ce que tu vas faire après L’Ogre Lion ?
Probablement…
Ce sera un projet complet aussi ?
J’aimerais bien, mais là, c’est vrai que c’est un peu la grande incertitude. Déjà, je ne veux pas trop me disperser parce que je veux rester concentré sur ce que je fais. Et après, c’est la grande inconnue. C’est ce qui fait le charme et la misère de notre activité.
Il y a toujours des incertitudes…
Oui, Est ce que mon nouveau projet va plaire ? Est ce qu’il va plaire à l’éditeur ? Est ce qu’il va plaire à un public ? C’est vrai que je me dis que maintenant que je suis sur le tome 3, je me dis que ça fait beaucoup d’énergie que pour 3 tomes.
Et donc ce prochain projet… Ce serait complètement différent ?
J’aimerais bien faire une BD, qui serait l’adaptation d’un roman où il y aurait un loup garou, donc il y aurait un peu des animaux quelque part. Et après, j’aurais une idée, ça serait du post apocalyptique ou de la science fiction. Mais là, il y aurait peut être pas d’animal. Ou peut être juste un gorille.
Il faut quand même qu’il y ait la petite touche avec un petit animal ?
Oui, quitte à écrire mon scénario, autant faire des trucs que j’aime bien dessiner.
L’Ogre Lion est édité par Drakoo, est ce que tu peux nous dire comment ça s’est passé, pourquoi cette maison d’édition ?
C’est par pure fainéantise et sympathie. C’est à dire que quand j’ai su que Christophe Arleston créait Drakoo, je me suis réjoui parce que j’avais bossé pour Soleil. Christophe connaît mon travail, forcément, puisqu’il a prépublié mes BD dans Lanfeust Mag : Zorn et Dirna et ma série Badass. Je me suis dit le dossier que je vais présenter aux éditeurs, je ne ferai pas de page de BD, vu que Christophe connaît mon travail. Je lui ai juste envoyé des personnages, un résumé de l’histoire, un peu comme un hameçon. Et il a dit Non !
Ah mince !
Et je crois, un an après, il me rappelait pour me dire que c’était bon.
Donc voilà, je voulais vraiment bosser avec cet esprit Soleil, même si ce n’est pas ça Drakoo. Je ne l’avais envoyé qu’à Christophe.
Même après son refus, pas envie de le présenter à une autre maison d’édition ?
Après le refus, j’étais dégoûté, du coup, je l’ai laissé de côté. Et à un moment, je me suis dit, je vais peut être m’y remettre pour le présenter à d’autres personnes. Et entre temps, Christophe m’a appelé.
Ah c’était le bon timing !
Oui parce que quand on monte des dossiers pour des éditeurs, ça demande beaucoup de travail. Et un refus, c’est vraiment très dur à encaisser. Mais le plus dur, c’est l’absence de réponse. Ca demande vraiment beaucoup de travail pour présenter un projet. Il faut faire cinq pages, enfin environ 10% du projet, donc en franco-belge, ça correspond à 5 pages. Et c’est à peu près trois mois de boulot.
Merci beaucoup Bruno pour toutes ces infos et toutes tes réponses !
Propos recueillis par Laëtitia Lassalle
Interview réalisée le 28 janvier 2023
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