
Bojan Vukic © 2023 La Ribambulle
Bojan Vukić est un dessinateur serbe bien connu des amateurs de fantasy pour sa participation aux séries Elfes, Orcs & Gobelins ou encore Mages. Mais si, cette année, il est présent au Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême, c’est pour présenter la première bande dessinée qu’il a écrite et dessinée, Les Elus de Swarga. Nous avons donc profité de sa venue pour lui poser quelques questions…
Bonjour Bojan. Les Elus de Swarga est la première bande dessinée où tu fais à la fois le scénario et le dessin ?
Oui, c’est la première fois que je suis un artiste complet avec cet album.
Est ce que c’était un rêve de pouvoir faire ta bande dessinée du début à la fin ?
Avant même que je commence à travailler pour Soleil, pour le marché français, j’ai écrit des comics pour le marché serbe. Et quand j’ai commencé ici en France, les éditeurs m’ont fourni des scénarios. J’ai donc dessiné ces scénarios. Mais en fait je n’ai jamais mentionné que je voulais écrire mes propres histoires. Je n’ai jamais eu à me battre ou à pousser pour imposer mes histoires. J’aime travailler pour d’autres personnes. Et je n’avais pas vraiment le temps de penser à ça. Mais à un moment, j’ai commencé à me considérer suffisamment intelligent pour écrire mes propres histoires. Donc je l’ai fait.
Pourquoi avoir choisi d’écrire votre première histoire pour Kalopsia ? Parce que vous connaissez Nicolas Nayaert, que vous êtes amis ?
On s’est rencontré en ligne, en fait. Il cherchait des artistes indépendants. Quand tu es engagé avec un éditeur, si tu écrit ton propre scénario, ta propre histoire, tu la proposes à ton éditeur en premier, c’est logique. C’est évidemment ce que j’ai fait. Et ce n’était pas ce qu’il avait envie de faire. Ça ne collait pas vraiment avec leur plan. Ce que je comprends évidemment, les grands éditeurs ont une ligne éditoriale. Mon agent, celui avec qui j’ai débuté sur le marché français, l’a donc envoyé à plusieurs éditeurs. Mais tous avaient leurs raisons pour dire non. Donc j’ai décidé de le faire en indépendant.
Et d’où est venu l’idée de cette histoire ?
Pour être honnête, j’ai de nombreuses idées qui me sont venues au fur et à mesure du temps. J’ai trouvé cette façon de les réunir en une seule grande aventure. Au départ, je voulais faire un seul album, un gros volume de peut-être 150 pages. Je voulais juste tout mettre dans le même livre, peu importait le nombre de pages. Mais quand je l’ai proposé à mon agent, ou quand j’en parlais autour de moi, les mêmes conseils revenaient tout le temps : « Fais plutôt un diptyque ou un triptyque ! ». C’est mieux pour tout le monde : plus facile à éditer, plus facile à imprimer, plus facile à promouvoir. Et plus facile pour le lecteur aussi ! Parfois, quand tu as 200 pages, tu commences à t’ennuyer. Donc j’ai écouté ces conseils, venant de gens plus intelligents que moi, qui connaissent mieux tout cela que moi. Et comme je ne voyais pas comment en faire un diptyque, j’ai décidé de faire une trilogie.
Et combien de temps cela te prend-il pour faire un album ?
Ca dépend avec qui je travaille. Ca dépend du scénariste, de l’éditeur ou bien si j’écris l’histoire. Si c’est le cas, je peux alors aller très vite, parce que je m’amuse à mettre en image mon histoire. Dans ce cas, je me fiche du temps que j’y passe. Mais pour répondre à ta question, je dirai en 7 ou 8 mois.
As-tu déjà l’histoire complète pour les trois albums que tu veux faire des Elus de Swarga ?
Oui. J’ai déjà toute l’histoire, du début à la fin.
Travailles-tu en numérique ou en traditionnel ?
Pour celui ci, en numérique, cela m’a fait gagner beaucoup de temps.
Ce premier tome a été financé grâce à un financement participatif.
Oui et ça été un succès.
Prévois-tu de financer les deux prochains volumes de la même façon ?
Oui. Et si c’est toujours un succès, je continuerai.
Tu as des idées pour continuer après cette première trilogie ?
Jai des idées pour une deuxième trilogie avec les mêmes personnages. Si c’est un succès évidemment.
Si les lecteurs en veulent plus, tu pourras leur donner ce qu’ils veulent…
Oui, je peux en faire plus parce que j’ai des tonnes d’idées que je peux développer dans cet univers. Je peux faire une histoire plus simple ou bien une autre trilogie. J’ai toujours voulu écrire des histoires et en faire des bandes dessinées. Mais si je n’ai pas de bons retours des lecteurs, je ne vois pas l’intérêt de continuer.
As-tu toujours voulu faire de la bande dessinée ?
Oui, ça a toujours été mon but. Depuis tout petit, je voulais écrire des histoires fantastiques en bande dessinée. C’était tout ce que j’avais en tête, comme si c’était mon destin, ma vocation.
Tu es serbe. Est ce qu’il y a beaucoup de bandes dessinées en Serbie ?
Le marché de la bande dessinée en Serbie est un marché indépendant. Car tous les artistes serbes travaillent en fait pour la France, pour l’Italie, pour les Etats-Unis…
Avais-tu beaucoup de bandes dessinées franco-belges en Serbie quand tu étais plus jeune ?
Oui. C’est d’ailleurs pour cela qu’il y a de si bons dessinateurs serbes. J’ai grandi en lisant Astérix par exemple. Mais ces bandes dessinées étaient en noir et blanc, pas en couleurs. On voyait donc très bien les lignes de dessins. Nous, les artistes serbes, avons appris à dessiner grâce à ces bandes dessinées en noir et blanc.
Sais-tu pourquoi elles étaient publiées en noir et blanc ?
Parce que c’était moins cher ! Je pense aussi qu’ils ont essayé et, comme les lecteurs l’ont accepté, ils ont continué. Il y avait quelques albums en couleurs, mais c’était des petits tirages.
Comment travailles-tu ?
En réalité, j’écris l’histoire en anglais. Car même pour moi, si je l’écrivais en serbe et devais ensuite la traduire, ce serait trop compliqué. Si en plus je devais demander à quelqu’un de traduire du serbe au français, l’histoire risquerait d’en pâtir. Pour le langage par exemple, j’utilise un anglais « cassé », donc il fallait faire la même chose en français. Je suis un grand fan de Rahan.
Ce langage est un peu déstabilisant au départ, mais c’est vraiment quelque chose d’unique !
Je voulais faire quelque chose de différent, de frais.
Ça rajoute vraiment au côté préhistorique de l’histoire…
Je voulais expérimenter des choses en fait. Je ne voulais pas que ce soit comme tout ce qu’on voit. C’est aussi pour ça que j’ai mis des couleurs différentes dans les bulles.
Ça rappelle un peu Frnck, édité chez Dupuis, où justement, quand il se retrouve dans la préhistoire, ils n’utilisent pas les voyelles.
Quand j’ai découvert Frnck, alors que je regardais ce qui avait déjà été fait avec des hommes préhistoriques, je me suis dit que c’était sympa que d’autres personnes fassent aussi des projets de ce genre, différent de ce que l’on voit habituellement.
Prévois-tu de sortir cet album en Serbie ?
Pour être honnête, je n’ai pas le temps d’y penser. Je veux dire, évidemment j’aimerais beaucoup. Mais cela me ferait une distraction supplémentaire, m’empêcherait de faire d’autres albums, d’aller dans les festivals, de rencontrer les gens…
Merci beaucoup Bojan pour ce moment passé à parler de bande dessinée et de ton album !
Propos recueillis et traduits par Laëtitia Lassalle
Interview réalisée le 29 janvier 2023
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