American Dream, premier album de Bazil, fait partie des titres d’humour noir qui nous auront marqué l’année 2019. Nous sommes allés à la rencontre de l’auteur pour faire connaissance. Rencontre.
Bonjour Bazil, American Dream est ta première BD publiée. Le public ne te connaît pas encore, peux-tu te présenter et nous dire quelles sont tes références dans le métier ?
J’ai toujours fait de la bande dessinée depuis tout jeune, je pense d’ailleurs que c’est un peu comme tous les dessinateurs devenus professionnels. Je lisais beaucoup de classiques franco-belges, je pense par exemple à Titeuf ou Kid Paddle. J’ai affiné mon style en lisant différents auteurs mais ce qui m’a vraiment fait évoluer c’est en lisant ce que faisait Manu Larcenet, les Titeuf, Tintin ou bien encore les Gaston Lagaffe. Je me suis aussi nourri de tout ce qui provient du cinéma, du spectacle et tout ce qui est lié à l’écriture.
Et le côté satirique, tu le tiens d’où ?
Eh bien je le dois beaucoup aux périodes Canal+ avec les sketchs que la chaîne diffusait, je pense aux Guignols, à Groland, aux Nuls mais aussi un peu plus tard aux Robins des bois. Il y avait une création que je trouvais géniale et ce n’était pas de la bande dessinée pourtant. Au niveau des spectacles humoristiques j’ai beaucoup aimé ceux de Dieudonné, c’est un mec que j’ai adoré mais il y en a plein d’autres que l’on peut écouter sur la radio Rires et chansons. Pour la BD, le côté satirique, je l’ai trouvé dans les Hara-Kiri.
Tu as aussi fait pas mal de fanzinat, que retiens-tu de cette expérience ?
Je continue un petit peu à en faire en collaboration avec des amis, c’est toujours un plaisir. Ce que j’en retiens, c’est une première expérience de festival car on a fait des petits festoches en Belgique. Avec le fanzinat, tu vois déjà à quoi cela ressemble pour présenter un ouvrage et mettre en forme ton travail au format BD, tu réfléchis vraiment à la planche et à ce que cela va donner dans l’album. Cela m’a également permis d’entrer en contact avec d’autres auteurs, c’est toujours enrichissant.
Cela t’a d’ailleurs permis de tester différents formats et styles. Est-ce qu’American Dream représente finalement ce que tu veux faire en BD ?
Pour les projets que j’ai vraiment envie de développer aujourd’hui, oui, c’est cela qui m’intéresse car il y a une pagination importante qui me permet de raconter plus de choses qu’avec un format classique. Cela ne m’empêche pas d’apprécier de réaliser des strips juste pour le plaisir.
Comment un auteur français se retrouve édité par une maison d’édition espagnole créée par un Français ?
Ce n’est pas le premier éditeur que j’ai contacté car je ne les connaissais pas assez. A force d’envoyer mes dossiers un peu partout et d’avoir enchaîné les refus, je me suis dit « pourquoi pas l’envoyer à Bang Ediciones ?». Au final, c’est une très bonne chose que l’album ait été édité par eux car ils ont accepté directement et cela fait plaisir. Je crois que ce sont plus eux qui me sont tombés dessus inconsciemment.
Peux-tu nous révéler les origines d’American Dream ?
En fait, j’ai toujours des idées qui me viennent comme ça, un jour je me suis mis à réaliser cinq planches, qui s’avèrent être au final les cinq premières planches de l’album, où l’on voit un Indien à la con qui attaque un fast-food et qui se barre avec sa copine qui bosse là-bas. Pendant un an, j’avais essayé de placer une bande dessinée et je ne trouvais pas preneur, je me suis alors penché sur ce que j’avais en stock comme idée et j’ai retrouvé ces cinq planches. Comme les protagonistes se retrouvent à partir vers nulle part, je me suis dit qu’il y avait plein de choses à raconter après ça. Je me suis donc mis à l’écriture de la suite de l’aventure avant de me lancer dans la réalisation des planches.
Chacun en prend pour son grade, il ne semble pas y avoir de parti pris.
Il y en a quand même un peu mais en même temps j’aime bien qu’il n’y ait personne qui soit tout blanc, tout le monde est perfectible. Par exemple, j’aime beaucoup le personnage du shérif avec son côté enfantin, il lit ses BD, il ne grandit pas trop mais il reste tout de même un con, il y a un parti pris mesuré.
Dans le titre de l’album il y a « dream », pourtant on est loin d’une histoire idyllique américaine, par contre on rigole beaucoup.
Ce que j’aimais bien, c’était jouer sur la signification d’Américain car à la base les Indiens sont plus légitimement américains que les blancs. En fait, je me rends compte que je n’aurais pas pu trouver un autre titre à cet album, cela m’a semblé comme une évidence de l’intituler ainsi.
Parmi la pléiade de personnages, y en a-t-il un que tu préfères ?
Il y a des personnages annexes que j’aime bien, je pense au personnage du docteur parce qu’il est antipathique mais en même temps il est drôle du fait d’être absurde. Il est en dehors de l’histoire mais en même temps il est dedans, il s’en fout un peu. Il y a un autre personnage secondaire que j’apprécie, c’est Marty, un des flics, il est ultra antipathique. Je l’imagine de mauvaise foi aussi, il caractérise la personne détestable à en crever mais je l’aime bien car il m’a permis de ponctuer des passages. Par contre, pour revenir à la question initiale, je ne saurais pas trop dire lequel je préfère vraiment, chacun à son importance dans le récit.
D’autres projets à venir ?
Justement oui, un des projets que je n’avais pas réussi à placer jusque-là va être édité par Bang. Ce sera un diptyque avec des volumes à peine moins gros qu’American Dream (NDLR : 184 pages). Le plus gros du boulot est fait car j’avais déjà quasiment dessiné du début à la fin. Bon, mon dessin a évolué donc je vais tout redessiner et réécrire les textes mais la base est là. L’histoire se déroulera au Congo belge au moment de l’indépendance, ce sera vraiment une fiction historique. Une parodie de l’indépendance congolaise, si je peux dire, au travers des mésaventures imprévisibles que va vivre un jeune mais célèbre reporter belge, Pimpin, envoyé là-bas par le directeur de son journal pour prendre des vacances. Vacances qui s’avéreront ne pas être de tout repos. Il se retrouvera à suivre au plus près le destin de Patrick Lumba-Umba, un nationaliste et futur Premier ministre de la 1ère république congolaise. Le tout ponctué par les amourettes du reporter et la mise à mal de ses certitudes sur les rapports nord/sud, blancs/noirs et le contexte de la guerre froide. Ça reste dans le même esprit qu’American Dream mais le scénario repose moins sur une galerie de personnages que sur des événements historiques.
Merci à toi d’avoir répondu à nos questions.
Propos recueillis par Nicolas Vadeau
Interview réalisée le 30 janvier 2020.
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