Titre : Collaboration horizontale
Scénariste : Navie
Dessinatrice – Coloriste : Carole Maurel
Éditeur : Delcourt
Collection : Mirages
Parution : Janvier 2017
Prix : 17,95€
Au détour d’une conversation sur l’amour avec sa petite-fille, Rose va lui révéler un lourd secret qu’elle porte en elle depuis des décennies. Retour en arrière, en 1942, pendant l’occupation allemande. Rose vit seule avec son jeune fils dans l’attente du retour de son mari, emprisonné en Allemagne. Formant une petite communauté avec ses voisins d’immeuble, elle n’est pas si pressée de revoir cet homme épousé sans amour. Mais elle doit faire bonne figure pour ses amis et veiller notamment sur Sarah et ses enfants, une famille juive dont la présence reste secrète. Aussi, lorsque un nouvel officier nazi vient enquêter, Rose prend les devants. De cette rencontre impromptue va naître un véritable amour, périlleux et tabou…
En exploitant son mémoire d’étudiante en Histoire, Navie remet en lumière ces femmes mises au ban de la société au sortir de la guerre, pour beaucoup victimes des rumeurs, des lâchetés et d’une fierté retrouvée par quelques « honorables » personnes plus promptes à manier la tondeuse que le fusil. Cette tache de l’Histoire, connue mais souvent occultée par d’autres épisodes plus glorieux de la Libération, est admirablement racontée par l’intermédiaire de personnages parfaitement incarnés. La scénariste, pour son premier vrai récit de bande dessinée, montre un beau sens du rythme et une propension à créer des héros ordinaires, si justes qu’on les croirait réels. Représentatifs de leur époque, agissant sans manichéisme – à l’instar de la surprenante vieille dame aux chats – ils s’accaparent toute la lumière et on est happé par leur destin tragique. Même si l’histoire de Rose est au cœur de l’album, celles de ses voisins est tout aussi poignante et révélatrice des « choix » offerts aux femmes, sans pathos exagéré ni volonté d’écrire un récit féministe. Le choix de Carole Maurel se révèle parfait aussi, tant la dessinatrice, très en vue ces derniers mois à juste titre, apporte une touche personnelle d’émotion et de subtilité. Après le superbe Luisa, ici et là et le remarqué L’Apocalypse selon Magda, voilà une nouvelle preuve de son grand talent, aussi bien graphique que narratif.
Un duo d’auteurs au diapason pour une histoire qui fait mouche et fait une arme de sa sensibilité.
Arnaud Gueury
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