Titre : Cocteau, l’enfant terrible
Scénariste : François Rivière
Scénariste – Dessinatrice : Laureline Mattiussi
Éditeur : Casterman
Parution : Septembre 2020
Prix : 24€
Jean Cocteau est mené devant un tribunal afin d’entendre les actes d’accusation qui pèsent sur lui. Ses juges lui reprochent un talent trop facile, trop multiple, d’être un touche-à-tout, un dilettante mondain, un séducteur opportuniste ou encore un poète superficiel et fantaisiste. Et ce n’est pas tout ! Ses métamorphoses agacent et son œuvre ne suit aucune logique. Pour imager tout cela, la vie de l’artiste défile en une succession de flashbacks, entrecoupés de retours à la réalité du procès, qui mettent le doigt sur les épisodes clés de celle-ci. Apparaissent au gré du plaidoyer toutes les personnalités qu’il a côtoyées amicalement ou intimement (Pablo Picasso, la poétesse Anna de Noailles, le Comte de Beaumont, Marcel Proust, Raymond Radiguet, Max Jacob, Jean Marais…). Jean Cocteau s’y dévoile comme étant « résolument romantique, absolu, facétieux, avant-gardiste, narcissique, opiomane, isolé dans ses relations amoureuses, tantôt adulé, tantôt haï ». Un homme aux multiples facettes ! Cependant, il n’y a pas de verdict à l’issu des débats. Et encore moins de sentence. C’est inutile car elle a déjà eu lieu. En effet, Cocteau meurt le 11 octobre 1963 à 74 ans, quelques heures après avoir appris la disparition d’Édith Piaf.
Sur la base d’une documentation très fournie, François Rivière (Les aventures ahurissantes de Benjamin Blackstone) a réalisé un déroulé chronologique de la vie de Jean Cocteau dont il a confié la mise en scène – avec toute la liberté nécessaire – à Laureline Mattiussi (La Lionne). La dessinatrice s’est d’ailleurs ouvertement inspirée du Testament d’Orphée, où Jean Cocteau est jugé dans une courte scène, pour cela. Une approche qui permet de montrer toutes les ambiguïtés de l’artiste et de résumer/concentrer l’essence de sa vie. Une sorte de mise en abyme hommage qui séduit par son originalité et entraîne le lecteur avec plaisir dans les dédales de la pensée de l’être ambivalent qu’était Cocteau. La conséquence immédiate qui en découle est tout simplement une fascination envers ce pour quoi il a été décrié : son intérêt pour tout ! D’autant plus que le récit ne se limite pas à la période la plus connue de son existence mais aborde aussi sa jeunesse. Laureline Mattiussi a su également nimber certaines phases de mystère – où la réalité ? – en posant des jeux de miroir entre Cocteau et lui-même à des âges différents, comme lors du prologue. Si le travail de fond de François Rivière impressionne par sa précision et les diverses anecdotes distillées, l’interprétation graphique en noir et blanc qui en est faite est des plus immersives au fil des plus de 250 planches. Laureline Mattiussi va à l’essentiel et a stylisé son trait à l’image du personnage pour être le plus fidèle à son esprit. Un simple regard sur la magnifique couverture, avec embossage doré, de l’album en atteste sans mal. Son portrait posé sur celle-ci est en quelque sorte une signature que Cocteau lui-même aurait pu réaliser !
Une œuvre qui donne envie de (re)découvrir l’incroyable diversité de celle créée par Jean Cocteau. À lire et à partager !
Stéphane Girardot
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