Dans la bulle de… Ulysse Malassagne

La Ribambulle a eu le nez creux en interviewant Ulysse Malassagne lors de Quai des bulles 2017 pour échanger sur sa série Le Collège noir publiée sous le label Grafiteen. Pourquoi ? Tout simplement parce que le jeune auteur a reçu pour cette même série, un mois après presque jour pour jour, un prix lors du festival BD Boum à Blois : le Prix du Conseil départemental de Loir-et-Cher qui récompense une bande dessinée de qualité, pour les 11-14 ans. Bienvenue dans son univers !

2017 © La Ribambulle

Bonjour Ulysse. Avant de parler du Collège noir, peux-tu te présenter ?

Bonjour. Je suis auteur de bande dessinée et je travaille aussi dans le dessin animé. Je suis réalisateur/concepteur de film d’animation. Ce sont un peu mes deux casquettes. J’ai fait des études de dessin animé à l’école des Gobelins à Paris. En sortant, j’ai continué à faire un peu de la BD, qui est un peu mon premier amour, et un peu de dessin animé, qui est la formation que j’ai reçue et qui est mon deuxième amour on va dire. J’ai d’ailleurs monté un studio de dessin animé sur Paris. La BD me permet plutôt de faire mes histoires à moi et de travailler tout seul sur des projets, là où le dessin animé est plutôt un travail d’équipe. Donc, c’est assez complémentaire pour moi. En BD, j’ai commencé par publier une série qui s’appelle Kairos, chez Ankama, que j’ai pu faire en sortant des Gobelins parce qu’ils cherchaient de nouveaux auteurs. Ils m’ont donc proposé de réaliser cet album-là. Cela a été ma première expérience en bande dessinée. J’ai aussi réalisé un one shot, Jade, chez Glénat, que j’ai un peu fait en parallèle. Et, après avoir fini Kairos, c’est Milan qui m’a contacté pour me proposer de faire Le Collège noir.

© Grafiteen/Bayard/Milan

Le second tome de la série est sorti il y a peu chez Grafiteen. Peux-tu revenir sur l’idée de base qui t’a amené à la créer ?

C’est venu d’une part de l’éditeur qui m’a donné comme seule consigne de faire quelque chose qui soit orienté horrifique pour jeunes, en me donnant comme référence Les Contes de la crypte ou Chair de poule, et d’autre part de mon côté, ce qui m’intéressait depuis un certain temps était de raconter des souvenirs un peu plus autobiographiques de mon collège, de ma jeunesse que j’ai passée à la campagne.

D’ailleurs, tu commences ainsi dans le premier tome de Collège noir

Exactement ! Du coup, l’idée m’est venue un peu de mixer les deux. Je trouvais aussi intéressant que cela rejoigne ce qui se fait dans certains romans horrifiques, comme ce que faisait Lovecraft ou Maupassant. Ces classiques de la littérature d’horreur où c’est toujours à la première personne et où le narrateur se confond avec l’écrivain. C’est raconté comme si c’était quelque chose qu’il avait réellement vécu. Je trouvais donc intéressant de partir sur cette base-là et donc de faire des espèces de carnets de souvenirs de collège qui soient horrifiques, en fait qui racontent des histoires très horrifiques.

Le Collège noir #1 – Page 8 © Grafiteen/Bayard/Milan

Ces histoires te sont réellement arrivées ? (Rires)

(Rires) Eh bien, il y a un mélange ! Je m’inspire de choses que j’ai vécues et que j’amplifie dans l’horrifique, bien évidemment. Du coup, le personnage principal c’est moi, ce sont mes amis que je représente et qui ont vraiment existé. Voilà, il y a une grosse part de vrai dans tout cela.

Tu as déjà une jolie carte de visite avec notamment ton travail sur l’animation du Chat du rabbin de Joann Sfar. Dans ton dessin, on en ressent les influences mais pas que celles-ci, même si tu as déjà ta patte personnelle ?

Oui, un petit peu. C’est vrai que Joann Sfar est un auteur que j’ai découvert assez jeune et il a du coup un peu contribué à mes influences. En plus, j’aime beaucoup ce qu’il fait. Après, d’une manière générale de toute façon, ce que je fais en dessin animé et ce que j’apprends des gens du dessin animé, sur les productions, m’influencent énormément après, même pour la BD et la manière dont je l’expérimente. C’est vrai que j’ai des influences très, très variées en fait. Sfar, Trondheim ou Blain en ce qui concerne les auteurs français. Mais plus que cela, ce sont beaucoup d’auteurs japonais. Je me suis plus intéressé aux mangas classiques qu’il y avait peut-être avant les années 80 avec Osamu Tezuka, Katsuhiro Otomo, Shirato Sanpei. Récemment, il y a Les Enfants de la mer qui est un manga qui m’a énormément influencé et plu. Hayao Miyazaki, bien évidemment en animation. Il y a aussi des auteurs américains car ma BD préférée, on va dire, c’est Bone de Jeff Smith qui est la BD ayant eu le plus d’impact sur moi et sur ma manière de faire. Je suis complètement bluffé par ce qu’il a fait. Ça me suit depuis que je l’ai lu, j’y repense tout le temps et c’est vraiment une espèce de claque qui m’a assez bouleversé même dans ma manière de raconter les histoires.

© Grafiteen/Bayard/Milan

Que ce soit dans Le Collège noir ou Kairos, il y a beaucoup de fantastique dans tes histoires. Une orientation qui te convient bien ?

Assez, oui. Même si là, ces derniers temps, je cherche plus – peut-être – à me tourner vers l’autobiographique. À chaque fois, même quand j’utilise le fantastique, c’est aussi une manière de parler de choses qui me sont arrivées, que j’ai vécues. De parler de ma réalité à moi. Dans Kairos, c’était plutôt de parler de ma vision de l’amour en m’inspirant d’une histoire qui a pu m’arriver. J’utilise toujours le fantastique comme une manière d’amplifier des choses que j’ai envie de raconter sur moi. Ce que je dis souvent, c’est que pour moi, la BD est une espèce de thérapie que je fais pour moi-même. C’est-à-dire que j’expérimente les thèmes sur lesquels je m’interroge. C’est souvent assez personnel en fait. Voilà ! Même si c’est fantastique, cela parle de choses très personnelles.

Tu as fait ton entrée dans l’univers du 9ème Art en 2013 avec pas moins de trois sorties . Depuis tu as un peu ralenti le rythme mais tu continues à publier des histoires sur ton blog et tu réalises des films avec tes anciens camarades des Gobelins. Tu as un rythme de travail assez dingue !

Ouais ! (Rires) Je crois que je travaille assez vite. Là pour Le Collège noir, je suis sur un rythme d’un album par an. Souvent, je fais une planche par jour. Sans compter la partie création, écriture du scénario, mais dans la production pure des planches, je peux en faire une par jour.

© Ankama Editions

Oui, tu as ton story-board et tu le suis…

Ce qui était particulier pour Le Collège noir, c’est que c’était pré-publié dans le magazine Géo Ado. Donc un rythme un peu différent de celui dont j’avais l’habitude. Pour Kairos, j’avais un an pour faire l’album complet et je me débrouillais comme je voulais pour organiser mon temps. Et là, il fallait que je fasse cinq planches par mois parce qu’elles allaient sortir dans le magazine. C’était aussi intéressant car c’était une autre manière de travailler. Il a fallu que j’organise différemment mon temps. Mais c’était aussi assez confortable parce que ce n’est pas tous les jours que l’on trouve ce genre de contrat où, du coup, cela fait un salaire mensuel. En BD, c’est souvent une grosse avance que tu vas dépenser dans l’année comme tu le sens. Mais là, c’est comme si tu étais salarié. Je faisais mes cinq planches et j’avais mon salaire à la fin du mois. C’était une belle expérience et j’ai bien aimé travailler comme ça. Pour le troisième tome du Collège noir, on retourne à une sortie directe en album et j’ai un an pour le faire.

Donc pas de pré-publication…

Non ! Souvent je prévois assez largement mon temps dès le début en me disant qu’il me faudra un an pour le faire. Sachant que sur l’année, je ne vais pas y travailler un an dessus. Car j’ai d’autres projets à côté. Notamment en dessin animé, on a de nouveaux projets au studio d’animation. Donc, il va falloir que je partage mon temps entre les deux.

Peut-on dire qu’il y a aussi quelques influences des roman de J.K. Rowling et sa série Harry Potter aussi ?

Peut-être inconsciemment. Mais en fait, je n’ai jamais vraiment lu Harry Potter pour être très honnête. Quand j’étais petit, j’ai dû feuilleter les deux premiers tomes et m’arrêter là. J’ai vu les films mais du coup, c’est probablement inconsciemment. L’univers est tellement connu de tout le monde que cela s’imprègne un peu dès qu’on parle de collégien et de collège un peu fantastique comme ça. Ce n’est pas une référence très consciente mais plus, comme je le disais tout à l’heure, des livres de H.P. Lovecraft ou de Maupassant. C’est ce genre de roman que mon père m’a fait lire. Donc c’était un peu mon introduction aux romans horrifiques et fantastiques. Mon inspiration est plus là.

Le Collège noir #2 – Page 15 © Grafiteen/Bayard/Milan

Sur le tome 2, tu n’as pas fait les couleurs. Pourquoi ?

J’ai fait les couleurs sur le tome 1, et sur le tome 2 il fallait que je me dégage un peu plus de temps pour mes autres projets. Donc, j’ai proposé de bosser avec un coloriste. Et surtout, j’avais très envie de bosser avec Walter qui est quelqu’un que j’admire énormément. Et qui justement faisait des bandes dessinées avec des auteurs comme Joann Sfar ou Christophe Blain. C’était des BD que j’adorais et j’étais très admiratif des couleurs qui étaient là-dedans. C’était peut-être le seul nom de coloriste que j’avais repéré. Et je l’avais gardé dans un coin de ma tête en me disant que j’aimerais bien travailler avec lui un jour. Quand on est arrivé à ce tome 2 et qu’il fallait que je trouve un coloriste, j’ai de suite pensé à lui. Je l’ai contacté en le trouvant sur Facebook en me disant que ce n’était pas sûr qu’il accepte, qu’il devait être blindé de travail et que cela n’allait pas forcément lui plaire. Et en fait, ça l’a beaucoup intéressé, ainsi que le format mensuel. D’ailleurs, ça l’amusait beaucoup de travailler sur un univers un peu fantastique et il m’a dit que cela faisait longtemps qu’il n’avait pas eu une BD comme cela à faire. Ça s’est très bien passé et j’étais super content de travailler avec lui. Je lui avais laissé plus ou moins carte blanche car j’avais confiance sur les teintes qu’il allait trouver.

Outre Le Collège noir #3, tes projets d’animation, as-tu d’autres créations en tête ?

J’ai aussi un blog que je tiens assez régulièrement. Un blog de carnets de voyage où j’essaye de poster une page régulièrement. Pas un strip, une page pour raconter mes voyages. Quand j’ai le temps, malheureusement ! Et je ne trouve pas forcément le temps de m’occuper de ça. C’est un projet que je continue à faire et qui m’intéresse assez. Et j’aimerais beaucoup pouvoir le pousser un peu plus, trouver un moyen de gagner un peu d’argent avec ça pour pouvoir être plus régulier et pourquoi pas publier ces carnets de voyage. Je pense que c’est ce vers quoi je vais me tourner après avoir fini le troisième tome du Collège noir.

Merci Ulysse d’avoir répondu à mes questions et bon festival.

Merci à toi.

Propos recueillis par Stéphane Girardot.

Interview réalisée le 28 octobre 2017

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Description de l'auteur

Stéphane Girardot

Département : Bouches-du-Rhône / Séries préférées : Capricorne, Alter Ego, La Quête de l’Oiseau du Temps, L’Épée de cristal, Aquablue, Le Chant des Stryges, City Hall, Lastman, Sisco, END, Sky Doll, Rapaces, De capes et de crocs, La Nef des fous… / Auteurs préférés : Andreas, Régis Loisel, Barbara Canepa, Serge Le Tendre, Olivier Vatine, Mathieu Reynès, Matéo Guerrero, Turf… / J’aime aussi : ma famille, le cinéma, la cuisine vietnamienne, le tatouage et la boisson typique du Sud (devinez laquelle !).

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2 Responses to “Dans la bulle de… Ulysse Malassagne”

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  2. […] des frissons tout au long de sa lecture. Car comme nous l’expliquait son créateur lors d’un entretien il y a quelques années à Saint-Malo, il y a une bonne part de vérité dans l’ensemble du […]

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