Pour leur première expérience en bande dessinée, Nina Jacqmin et Nicolas Antona ont marqué les esprits avec leur album La Tristesse de l’éléphant. Rencontre.
Nicolas, d’où t’es venue l’idée de développer une histoire autour du cirque ?
NA : En réalité, il faut savoir que La Tristesse de l’éléphant n’était pas à la base l’histoire que vous pouvez lire. L’idée de base n’était pas un jeune garçon qui s’évadait de son orphelinat mais un vieux monsieur seul qui trouvait quelque réconfort dans une activité. L’idée du cirque est alors apparue car il me fallait trouver un contrepoids joyeux à mon personnage triste. J’avais déjà en tête de faire un album avec peu de couleur et plutôt en noir et blanc pour accentuer les contrastes entre les divers moments de l’histoire. Puis est venue Nina Jacqmin…
Comment est né votre duo ?
NJ : On s’est rencontré sur le site Café Salé (un forum d’artistes) sur lequel j’ai posté une annonce. Je cherchais un scénariste pour pouvoir créer un projet et j’ai donc posté une petite annonce avec quelques planches de bande dessinée que j’avais faites durant mes études. On a beaucoup travaillé par Skype et la première fois qu’on s’est rencontré en personne, c’était au festival d’Angoulême 2016 lors de la première dédicace de La Tristesse de l’éléphant !
NA : Nina a tout dit, je peux rajouter que son annonce était agrémentée de planches qui m’ont tapé dans l’œil. J’étais conquis ! Elle voulait une histoire triste, j’en avais une… le reste vous le connaissez… ou presque ! Allez, révélons des secrets, dans la première version comme je l’ai dit, il s’agissait d’un vieil homme, pas d’éléphant, et pas de Clara. J’ai retravaillé pour lui proposer quelque chose de plus abouti et est arrivé Le Cheval cabre avant de mourir. Rapidement les personnages se sont affirmés et le pendant animal du rondelet Louis ne pouvait être alors qu’un éléphant. Pégase était né. Nous avons gardé le nom du cheval pour jouer sur le contraste entre le mot à consonance aérienne et le dessin de l’éléphant pataud. Pour Angoulême, petit bonus, je me suis fait passer pour un fan voulant sa dédicace !
Quelles ont été vos références respectives pour réaliser cet album ?
NJ : Pour la technique, j’avais été inspirée par l’album Frances de Joanna Hellgren qui était fait totalement au crayon. J’ai réalisé mon projet de fin d’études avec cette technique et j’ai décidé de la garder pour notre album parce que je commençais à la maîtriser un peu. Sinon, Google Images est toujours ma plus grande référence pour mes dessins. 😀
NA : Alors – et sans orgueil mal placé, aucune – je ne me suis inspiré de personne mais j’admire beaucoup d’auteurs : Patrick Cothias qui, avec André Juillard, m’a subjugué avec Les 7 vies de l’épervier, Xavier Dorison, Christophe Bec, le génie Alan Moore, Fabien Nury… D’ailleurs, si André Juillard nous lit et qu’il a un petit moment, je serai enchanté de lui proposer une histoire ! 😉 On nous a souvent comparés au Voyage d’Abel de Bruno Duhamel et Lisa Belvent. Un joli compliment !
Le cirque est-il un univers qui vous fait rêver depuis votre plus jeune âge ?
NJ : Oui, bien sûr ! J’ai souvent été au cirque étant petite et c’est un univers que j’adore. J’ai une petite préférence pour les vieux cirques qui exposaient des freakshows et des curiosités. J’ai été fort marquée par le film Freaks quand j’étais enfant et j’ai adoré les scènes de cirque du film Big Fish plus tard.
NA : Pas plus que ça… J’y allais avec mes parents, avec mes enfants plus tard aussi, j’y appréciais l’ambiance de fête mais je ne suis pas un fan absolu. C’est le côté charme un peu désuet du cirque qu’il m’a plu de raconter.
Une adaptation cinématographique est dans les cartons, peut-on en savoir un peu plus ?
NJ : Pour l’instant c’est vraiment à l’état de projet. Il nous a été proposé par Sébastien Bellaval, un jeune réalisateur qui attendait d’avoir un coup de cœur pour une BD afin d’en faire son premier long métrage. Je suis ravie qu’il ait choisi la nôtre ! J’ai regardé quelques courts-métrages qu’il a réalisé et je suis vraiment fan de son style. Je lui fais tout à fait confiance pour ce projet. D’ailleurs, si le projet fonctionne, Nico et moi seront mis à contribution pour l’aider et j’ai vraiment très envie de découvrir le monde du cinéma.
NA : C’est une belle aventure ! On plaisantait avec Nina un soir en se demandant qui l’on verrait dans les rôles et le lendemain j’ai une demande sur Facebook. Je regarde qui est cette personne et je vois que c’est un réalisateur. J’accepte et le lendemain il prend contact pour demander les droits ! Depuis, nous avons travaillé avec Sébastien sur l’adaptation du scénario pour le grand écran. Croisons les doigts !
Cette histoire était au préalable écrite pour un format cinéma. Comment en es-tu arrivé à dévier sur un album BD ?
NA : En fait, j’écris toujours en imaginant des scènes de cinéma, ce que m’a confirmé depuis Sébastien. Cela m’aide dans le découpage de mes histoires de m’imaginer les persos en mouvement. Chacun sa technique !
Surpris par les nombreux prix reçus pour votre album ?
NJ : Oui, absolument, je ne m’attendais vraiment pas à ça ! Et dans les moments où je me sens un peu découragée par le travail, je pense aux prix que l’on a reçus et aux retours positifs des lecteurs pour me remotiver. Nous n’avions vraiment aucune idée du succès que La Tristesse de l’éléphant allait rencontrer puisqu’il s’agit de notre premier projet à tous les deux, donc pour l’instant ce n’est que du bonheur.
NA : Surpris, ravis, enchantés… Que dire de plus ? Quand tu es jeune auteur (je ne suis plus si jeune homme) et que tu as la chance d’être édité, de recevoir des prix, une troisième impression et une potentielle adaptation ciné, que peux-tu dire ? MERCI ! Merci aux libraires qui jouent le jeu, à des sites comme BDGest qui nous ont soutenus, aux blogueurs qui parlent de nous et surtout à tous les lecteurs qui se sont appropriés le bouquin et le font vivre !
Quels sont vos projets pour les prochains mois ?
NJ : Je travaille en ce moment même sur une bande dessinée qui sortira prochainement chez les Enfants Rouges. L’histoire à été écrite par Cyril Legrais, elle s’intitule Les Ruines de Tagab et parle d’un soldat traumatisé par la guerre d’Afghanistan. Il y a 124 pages au total donc j’espère finir ce projet pour la fin de l’année !
NA : Mon deuxième album intitulé Nihasa sortira au mois de mai aux éditions Syel, nouvelle et prometteuse maison d’édition. Il s’agit d’un thriller ésotérique en trois tomes aux antipodes scénaristiques et graphiques de La Tristesse de l’éléphant. Sortira en fin d’année, si tout va bien, un autre album toujours chez Syel intitulé Prima Mater qui revisite en trois tomes le mythe des sorcières. Autre projet en cours, Le Fleuriste, mais c’est encore en développement. J’aimerais beaucoup passer de récits plus adultes comme La Tristesse de l’éléphant à des histoires de grande aventure comme les deux projets suivants. Je ne veux pas être enfermé dans un style, maintenant seul le public décidera !
Prévoyez-vous de retravailler ensemble sur un autre album ?
NJ : Oui, j’ai très envie de retravailler avec Nicolas parce qu’on s’est vraiment bien entendu sur ce premier projet. Nous voyons souvent les choses de la même manière et ça nous permet d’avancer assez vite. On en a déjà discuté et je sais qu’il me réserve quelques-unes de ses histoires pour plus tard. 😀
NA : Si je veux retravailler avec Nina Jacqmin ? C’est comme demander à Columbo s’il aime les cigares ! C’est une évidence ! Quand on a la chance de rencontrer quelqu’un qui a le talent de Nina, on n’espère qu’une chose, c’est qu’elle accepte vos histoires. Après on peut dire que c’est en bonne voie. 😉
Merci à vous deux d’avoir répondu à nos questions.
Propos recueillis par Nicolas Vadeau
Interview réalisée le 9 mars 2017.
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