Il est le parrain de La Ribambulle. Présent dès le début de notre aventure, Crisse nous a soutenus et nous a offerts les visuels des mascottes qui décorent notre site. C’est en toute logique qu’aujourd’hui tous les membres de l’équipe sont derrière lui pour le lancement de sa nouvelle série SF : Gunblast Girls. Nous vous avons proposé la preview, la chronique de l’album et, avec toute la gentillesse qu’on lui connait, l’auteur s’est prêté au jeu des questions/réponses pour en parler. Et bien plus encore comme vous pourrez le constater. Bazinga, ça « blaste » dans tous les sens !
Bonjour. Avant de parler de ton actualité et donc de Gunblast Girls, je crois que tu as envie – voire besoin – de dire certaines choses à tes fans, notamment en ce qui concerne les séries que tu as mis sur les rails et que tu n’as pas pu continuer. Pour faire taire certaines rumeurs qui te gênent !
Bonjour. Oui, j’attends ça depuis longtemps. Je viens d’arriver au bout de mes problèmes contractuels et judiciaires avec Soleil (cinq ans, quand même !). Tout est réglé et ma « dette » apurée. Je peux enfin parler sans équivoque et sans crainte que cela ne relance de mauvaises relations. Je tiens tout d’abord à remercier monsieur Guy Delcourt qui s’est trouvé devant le fait accompli lors du rachat de Soleil. Il a fait au mieux pour qu’on puisse sortir de cette situation sans trop de casse. Aux lecteurs, je commencerais par leur demander s’ils croient vraiment qu’un auteur abandonne ses personnages, ses séries, de gaieté de cœur ? Croient-ils vraiment qu’un auteur se dise : « Tiens, j’en ai marre, je vais faire une autre bande dessinée ? Je gagne tellement bien ma vie en faisant ça, que je vais plutôt faire autre chose… » Et ce, après avoir galéré à trouver preneur et se faire éditer ? Sérieusement ? On n’est maître de rien ! En plus, nous ne sommes plus face à des éditeurs, nous sommes face à des marchands de savonnettes. Des comptables, des directeurs de collections qui ont des comptes à rendre aux dits comptables et qui demandent aux commerciaux si la couverture leur semble vendeuse. J’ai connu un temps béni où un éditeur avait envie de lire la bande dessinée qu’il éditait et où il voulait absolument lire la fin et ce même si les chiffres n’étaient pas bons. Il était le premier lecteur et fan de l’auteur. Et la couverture finissait sur les murs de son bureau. A l’époque, ils avaient une éthique professionnelle. Ce temps-là n’existe plus. C’est peut-être un mal pour un bien car, parait-il, la BD se porte bien. Les maisons d’édition aussi. Les auteurs, non ! Et je ne suis pas à plaindre. Je suis même plus enthousiaste que jamais. A moi de faire en fonction ! Si je dis tout ceci, c’est pour répondre à ce que je lis partout, que j’entends parfois, à savoir : « Crisse ? Ah oui, le gars qui ne finit jamais ce qu’il commence… » C’est faux ! Voici le détail : Nahomi – arrêt de l’éditeur, Les Ombres du passé – arrêt de l’éditeur, L’Épée de Cristal – série terminée, Lorette & Harpye – arrêt de l’éditeur, Cosmos Mylady – arrêt de l’éditeur, Perdita Queen – changement d’éditeur (du coup, si un dessinateur peut travailler pour une autre maison d’édition, les personnages, eux, ne peuvent pas bouger comme ça, c’est un peu comme au foot… il y a un transfert à payer…), Private Ghost – arrêt de l’éditeur, Petit d’homme – série terminée, Les Ailes du Phaeton – série terminée, Luuna – série en cours mais terminée en ce qui me concerne (la boucle était bouclée et pouvait se finir, je n’avais pas d’idée suffisamment forte pour développer un autre cycle; le dessinateur désirant continuer, je l’ai laissé débuter, sans moi et avec un très bon scénariste, un nouveau cycle), Thalulaa – arrêt de l’éditeur (va être rééditée et poursuivie par un autre éditeur et un autre scénariste), Ishanti – trop cher à réaliser et ce malgré de bonnes ventes, La Contessa – arrêt de l’éditeur, Kalimbo – arrêt de l’éditeur, Nicodémus Red – arrêt de l’éditeur, Clochette au pays des merveilles – en cours.
Kookaburra et Atalante sont intimement liés. L’éditeur, étant un peu déçu des ventes des deux premiers albums de Kookaburra (ce qui fut une erreur car ensuite les ventes ont grimpé en flèche à la sortie du troisième tome), m’a demandé de faire une série d’heroic fantasy. Atalante a explosé les ventes dès le premier tome. Il était donc devenu pour moi compliqué de mener les deux de front. J’ai donc confié la succession de Kookaburra à Nicolas Mitric qui a bâti, avec talent, tout un empire sur ce sujet. Le dernier tome sortant en fin d’année. Malheureusement, Atalante a été prise en otage au plus fort du bras de fer qui dura dix-huit mois avec Soleil où les droits étaient bloqués. Lors de la reprise par Delcourt, le ressort était un peu cassé et je ne pouvais décemment pas planter les éditeurs (Ankama et Le Lombard) qui m’avaient secouru. Depuis cinq ans, un album sort tous les ans dessiné par Manu Grey. Je ne pouvais effectivement pas dessiner pour le Lombard et Atalante. Il est bien évident que lorsqu’il il a écrit à côté du titre de la série « arrêt de l’éditeur », c’est pour ventes insuffisantes… Bien que pour des séries comme Kalimbo, par exemple, elles ont gagné de nombreux prix et en sont à leur troisième réédition. Comprenne qui pourra… Donc, non, je n’abandonne pas mes personnages et, ami lecteur, si tu as un grief, adresse-toi à l’éditeur en lui demandant réparation d’avoir acheté un produit (ce mot-là, ils comprennent, le mot album, moins…) qui s’est avéré incomplet ! Dans la majorité des cas, l’auteur n’est pas responsable. J’espère que Gunblast Girls n’aura pas le même sort funeste. Cela n’en prend pas le chemin en tout cas et je serai vigilant. Ne lisez pas ces lignes en pensant que je suis en colère ou en guerre. Loin de là. Je me réjouis de la sortie de mon nouvel album et tout se passe très très bien avec mon éditeur. Je veux juste préciser certaines choses et donner ma version par rapport à ce reproche. Les éditeurs auront sûrement d’autres arguments à présenter. C’est juste dommage pour les lecteurs qui n’y sont pour rien. Je n’espère pas les convaincre, mais donner ma version des faits et présenter mes excuses pour les désagréments en espérant que cette fois, ils ne se reproduiront plus.
Outre les séries comme Kalimbo, Atalante – L’Odyssée ou Thalulaa où tu es au scénario et plus ou pas au dessin, tu n’as pas sorti de BD en tant que scénariste/dessinateur depuis 2014 et Clochette aux Pays des Merveilles. Un petit mot d’ailleurs sur cet album assez audacieux.
Une rencontre ! Virtuelle au départ (j’étais tombé sur son blog). Robi Pena a un talent fou ! D’ailleurs, c’est devenu depuis un super tatoueur. On est devenu amis et je lui ai soumis l’idée de faire une BD dans son style. Après plusieurs propositions et recherches, on est tombé sur Alice. En phosphorant, j’ai émis l’idée de mélanger l’histoire de Clochette et celle d’Alice. Ça lui a plu. Ensuite, il fallait trouver une façon de travailler ensemble. Fort de l’expérience d’Ishanti avec Fred Besson, je lui ai proposé une façon de travailler similaire. Sauf qu’avec sa technique de mise en couleurs, on serait toujours dessus. Genre à la page 10 (rires)… Du coup, je lui faisais un storyboard, il faisait les décors en le suivant et ensuite je crayonnais les personnages qu’il intégrait et mettait en couleurs avec sa technique de folie. Il a fini l’album sur les rotules et dégoûté de la BD… (rires). J’ai bien une idée pour la suite, mais, ce sera sans l’ami Robi… Le pauvre, il a vraiment abattu un boulot de titan. En même temps, être supporter du Real Madrid (nobody’s perfect !) ne le pousse pas à faire des efforts !
Gunblast Girls signe donc ton grand retour en tant qu’auteur complet. Ce qui est une volonté de ta part si je ne m’abuse ? D’ailleurs, on te sent très excité et motivé !
C’est plus pour faire plaisir aux lecteurs, en fait. Aux dédicaces, ils me le disent bien, ils veulent revoir mes dessins sans l’intervention d’autres artistes. Même les couleurs, ils regrettent le temps où je les faisais moi-même (avec l’aide de feu mon épouse). Ça m’a fait bizarre d’ailleurs de tout mener de front à nouveau. L’encrage m’est devenu pénible. Mais, petit à petit, j’y reprends goût… Quand j’écris pour les autres, les BD se vendent moins bien. Les dessinateurs ne sont pas en cause, au contraire, j’ai toujours eu de la chance de travailler avec des auteurs talentueux. J’ai juste fait l’erreur, je crois, d’écrire pour eux comme pour moi. J’aurais dû écrire en tenant compte uniquement de leur personnalité. Il n’y a que Nicolas Kéramidas qui n’en a fait qu’à sa tête (rires). En même temps, c’est la seule BD que j’ai écrite pour un autre dessinateur qui a marché. Il devait donc avoir raison. N’empêche que j’ai mis trois albums à être en phase avec lui… À l’époque et grâce à sa personnalité, on nous a laissés continuer.
Une fois de plus chez Le Lombard !
Oui, on s’était croisés au début de ma carrière avec Nahomi. Puis récemment pour Clochette et Les Dieux du Nil. Ce sont des gens biens. Après des années de combats chez Soleil et les autres maisons d’édition françaises, ça faisait du bien de travailler avec des gens gentils, compétents et à l’écoute. Pas de discours comme : « Viens chez nous, on est les meilleurs du monde ! ». Non, juste des gens simples et professionnels. Au plus fort de la tempête, ils ont été là pour m’aider et faire en sorte, et tout en douceur, que je puisse me sortir des griffes de… Enfin, bref, ils étaient là ! Ils n’ont pas été les seuls. Ankama aussi m’a sauvé. Un jour, j’espère pouvoir leur montrer ma reconnaissance. Pour le Lombard, je vais me mettre minable et leur donner le maximum pour les remercier.
C’est surtout un retour à ce que tu aimes le plus, la SF et les space operas.
En fait, bizarrement, je suis plutôt fan de polar et de thriller. Mais si je dessine autre chose que du space opera ou de l’heroic fantasy, les gens ne me reconnaissent pas (rires). Écrire un polar, c’est de la fine mécanique. Tout doit être prévu et calculé. Surtout en BD avec quarante-six pages. Pour de l’aventure, que ce soit en SF ou en HF, c’est moins compliqué. Si l’histoire se déroule trop vite, hop, on fait intervenir un dragon… Ou le contraire, si on n’a pas assez de place, on le retire sans que cela nuise au récit. Par contre, c’est plus fun à dessiner. On crée un univers en entier. Le seul truc, c’est que je ne suis pas bon en décors et en technologie. Je passe mon temps à tracer des perspectives. Le pire, c’est que je n’ai aucune imagination pour tout ça. Avec Kookaburra, j’avais pris le parti d’en jouer et de faire participer le lecteur en faisant plein de clins d’oeil et en truffant la série de références. Là, dans Gunblast Girls, il faudra que je trouve une autre aire de jeux. Encore que le nom donné par les filles à leur vaisseau est « Maman ». Comme dans Alien ! J’envie des séries comme Largo Winch. Personne ne reprochera à Philippe Francq de dessiner la Tour Eiffel. Et plus elle sera ressemblante, plus le lecteur s’en réjouira. Personnellement, si je dessine le vaisseau de Star Trek, je serais accusé de plagiat… En fin d’album de Gunblast, je commençais à prendre la mesure de ces décors et des vaisseaux. J’espère progresser dans le tome 2 et ne plus à avoir besoin de regarder les designs de films ou de jeux. De toute façon, l’intérêt pour moi est ailleurs. Ce qui m’intéresse, c’est l’histoire et les personnages ainsi que les rapports qu’ils ont entre eux.
Quel en a été le point de départ ?
J’avais proposé plusieurs projets au Lombard. Dans la masse des textes et des dessins, Gauthier Van Meerbeek, le directeur d’édition, a flashé sur un dessin qui faisait partie de l’envoi. Le seul qui n’avait pas de scénario de prévu. Il était là parce que je l’aimais bien. C’était la version modernisée de Taman Kha de Kookaburra, faite pour la couverture de l’intégrale. J’ai donc bâti une histoire sur ce visuel et beaucoup improvisé sur ce premier tome. L’histoire a vraiment pris corps au fur et à mesure que je la dessinais. Je me suis souvenu de la série Firefly et du film Serenity qui en découlait. J’ai mélangé ça avec L’Agence Tous Risques (ou Danger Girls) et l’affaire était faite. Comme j’avais bien compris que mon éditeur attendait des héroïnes, je lui en ai mis quatre au départ. Et puis j’adore les films comme Le Parrain… hop, les méchants sont des mafiosi !
Au niveau du dessin, tu es revenu à un trait apparent. Pourquoi ?
Il fallait ce retour. Les lecteurs attendaient ça, les éditeurs aussi ! Le Lombard a axé un peu sa communication sur ce fait. Je dois avouer que c’est effectivement agréable de se reconnaître. Dans Ishanti et Clochette, deux albums que j’adore, ce n’était plus du Crisse, c’était autre chose. Quelque chose que j’aimais bien car Robi et Fred ont apporté ce que je ne pourrai jamais faire avec un pinceau. Et comme je suis nul avec un ordi… Au point que pour Ishanti et tous les dessins faits dans ce style, on avait fait une signature commune, Fred et moi.
Et puis, ZdenkA rime avec ZoryA ! Clin d’oeil aux sources !
Ah, tiens oui… Je ne m’en suis pas rendu compte… Mais maintenant que tu en parles, j’ai fait la même démarche. Pour Zorya, je me suis souvenu que Jacky Goupil avait cherché dans les prénoms slaves pour trouver un nom sympa pour celle qui jusque-là s’appelait Zébra. J’ai donc fait pareil et je suis tombé sur Zdenka. En faisant des petites recherches sur ce prénom, j’ai découvert que c’était celui d’une actrice de charme ayant joué dans un film qui s’appelait Gunblast Vodka ! Du coup, en plus du nom de l’héroïne, j’avais trouvé le nom de la série qui jusque-là s’appelait Galactic Sista. À part le fait que Gunblast Girls est difficile à prononcer pour des francophones, ça sonnait mieux que l’ancien. Le Lombard a dit oui tout de suite… Mais, pour en revenir à ta question, il n’y avait pas de volonté délibérée de ma part de faire un clin d’oeil à L’Épée de cristal.
Tu es un homme plein d’humour. Cela fait partie des ingrédients incontournables de tes créations. Pourquoi ?
L’humour me permet de rythmer mes histoires. Et mon souhait est que le lecteur passe un bon moment. Mais cela ne m’empêche pas de faire des personnages avec de l’épaisseur et qu’ils aient une part de tragique. Atalante et Luuna en sont le parfait exemple. Sans humour, leurs vies seraient juste très tristes. Dans mes histoires, il y a toujours de l’humour, de la tendresse, de l’aventure… Et le ton léger et souriant. Grâce à ces ingrédients, je peux surprendre et faire encore plus mal lorsque le tragique arrive. C’est un choc en général car le lecteur ne s’y attend pas…
D’ailleurs, il y a une petite pépite – entre autres – en page 8 sur le dossier de la moto des miliciens avec l’inscription « Henry Death ». Peux-tu nous en révéler la petite histoire ?
Haha… Oui ! Ce n’est pas moi qui ai trouvé cette bêtise. C’est le chanteur d’un groupe Varois, Aïoli. Il avait un blouson de cuir avec écrit dans le dos de façon très rock : Henry Death. Ça m’a beaucoup fait rire. Je lui en avais parlé en « back stage » à Angoulême en sirotant un pastis et je lui avais dit que je lui piquerais bien l’idée. Il m’avait répondu : « Pas de problème ! » D’ailleurs, il faudra que je lui envoie l’album.
Alors, il est évident que tu aimes dessiner les Girls mais tes « chara design » pour les autres personnages, masculins ou animaux, sont tout aussi significatifs d’une griffe Crisse. Crisse l’autodidacte….
Oui, je n’ai jamais appris à dessiner. J’ai donc mis en place pas mal de trucs et je triche à fond avec le dessin. Du moment que ça passe… Pour les animaux, j’ai de bonnes références (Disney, Claire Wendling, Franck Pé). Pour les méchants, plus ils sont charismatiques, plus le héros, auquel s’identifie le lecteur, aura du mérite. J’aime beaucoup l’élégance du geste et fais très attention à l’acting de mes personnages. Pour moi, un bon dessinateur de BD doit être un bon raconteur d’histoires. Et cela passe par la mise en scène et le jeu des acteurs. J’utilise les mêmes ficelles qu’au cinéma à chaque fois que cela est possible. Je mets même en scène l’emplacement des phylactères, c’est dire. Au début, c’était une vraie gymnastique intellectuelle. Maintenant, c’est devenu naturel. Tout cela fini par donner un style. Une « Crisse Girl » vient surtout du fait que je dessine toujours la même femme auquel je change quelques détails. Comme un metteur en scène qui fait jouer toujours la même actrice. Le rôle change, c’est tout… Cela vient aussi du fait que j’ai une femme en tête (graphiquement) et que je n’ai pas encore réellement réussi à la dessiner… Mais je m’en rapproche…
Tes sources d’inspirations se trouvent où ?
Pour les scénarii, je puise dans les livres que je lis, les films et séries que je regarde. J’ai (re)commencé à écrire moi-même mes scénarii car tout ce que l’on me proposait, après L’Épée de cristal, était très moyen et ressemblait trop à des trucs que j’avais déjà vu et/ou lu. Du coup, je me suis dit que je pouvais très bien le faire tout seul. Ecrire pour d’autres est venu à mes 40 ans. Je me suis aperçu que si tout allait bien, j’allais faire une trentaine d’albums tout au plus dans ma vie. Cela m’a angoissé car j’avais plus d’une trentaine d’histoires à raconter… Du coup, je me suis mis à écrire pour d’autres. Pour les dessins, l’éventail est très large. Surtout côté illustrateurs. En BD, plein de dessinateurs américains et depuis peu certains asiatiques. Par chez nous, après m’être inspiré de Dany, Régis Loisel, Arthur Qwak et les Asylum, je reste fidèle à Olivier Vatine, Claire Wendling et Franck Pé. Et bien sûr, hors concours, Disney et les studios américains d’animation. En fait, ce que j’aime par-dessus tout, c’est de faire un livre ! Qu’importe si c’est moi qui les dessine ou non… Je me suis même essayé à faire des storyboards pour d’autres (Marlysa, les deux premiers) et d’être directeur de collection (mais je n’étais pas un bon « DC », je surprotégeais les auteurs et devenais pénible pour l’éditeur; en plus, être aussi auteur sur certains projets me mettait en porte-à-faux, l’expérience n’a pas été très concluante). Malgré tout, faire partie d’un livre est un grand bonheur.
Sur quel format envisages-tu cette nouvelle série ? Ce sera une série longue, une série au format I.R.$ avec des suites de diptyques ou encore une suite de one-shots ?
J’espère boucler cette histoire en deux volumes… Ou trois, je ne sais pas encore. Puis faire des one-shots avec ces héroïnes. En gros, pour l’instant, je mets en place l’univers. Après, chaque album racontera une histoire.
Pour cet album, tu collabores une nouvelle fois avec Fred Besson qui réalise les couleurs. Vous êtes inséparables ?
Fred et moi bossons ensemble depuis longtemps. Il fait partie intégrante de ma carrière. Grâce à lui, j’ai eu pendant des années les meilleures couleurs de la profession (après Sky Doll, je dois avouer…). Crisse/Besson, c’est presque devenu une signature. Du coup, j’oublie souvent de le citer tellement il fait partie de mes créations. Pour Gunblast Girls, c’était un peu tendu car je voyais autre chose. Je voulais changer et ses couleurs étaient trop violentes. Mais bon, le coup est parti et on va assumer. Ce qui est important, c’est que ce soit cohérent et ça l’est. Je m’y suis même fait. Lui aussi. Finalement, il devait avoir raison. Lorsqu’on travaille en binôme, c’est compliqué d’avoir des remises en question en même temps. Surtout que je l’ai toujours poussé à être à l’aise et créatif. On y gagnait tous les deux. Mais là, les autres coloristes se sont mis au niveau et rester au sommet sous-entend de ne pas s’endormir. On va y travailler pour le tome 2. Déjà, moi, je vais m’atteler à plus bosser les décors. Fred et moi, nous nous sommes aperçus depuis longtemps que quand je prenais du plaisir au dessin, lui derrière, il se régalait aux couleurs. Et que lorsque la base n’était pas bonne ou moins porteuse, il galérait. Ce qui est impressionnant, c’est que je lui disais rarement mes soucis sur tel ou tel dessin. Et puis derrière, ses couleurs ne sauvaient rien. En fait, les couleurs peuvent magnifier un dessin ou le pourrir mais elles ne peuvent jamais le sauver.
D’autre part, tu as un autre projet chez Kennes avec lui. Tu peux nous en dire quelques mots ?
Ça fait des années que je pousse Fred à devenir auteur à part entière. Si par chance on pouvait faire un succès, ce serait bien pour lui aussi d’avoir de vrais droits d’auteurs et assurer sa famille. On a commencé par Kalimbo. J’adore le premier tome. Fred était tellement à l’aise avec les animaux et on avait un vrai scénario. Comme Soleil/Delcourt ne continuait pas la série et nous bloquait pour aller voir ailleurs avec ces personnages, on a cherché un autre sujet animalier. Après plusieurs pistes, j’ai pensé aux Lemmings. Rien que le nom de cette petite bébête plaisait à Fred. On a monté un projet et Fred a trouvé un éditeur que je ne connaissais pas. Quelle bonne pioche ! Cette maison d’édition a un enthousiasme communicatif ! On s’est tout de suite entendus. Du coup, j’en ai profité pour leur présenter Evana et un projet jeunesse avec des chatons, Mini Cats. On a beaucoup d’espoir dans ces deux projets. Pour Lemmings, il s’agit d’une double-histoire. Une avec les petits Lemmings et l’autre avec les humains. Les deux sont intimement imbriquées.
Peut-on aborder Tales of Wolfonia. Où en es-tu ?
C’est un projet ambitieux. J’en suis encore à l’écriture et à la recherche de personnages. J’ai envie de faire un album qui marquera. Un « one-shot » ultime ou je mettrais tout ce que je possède comme qualités. Une sorte d’album ultime. Du coup, je me mets beaucoup de pression. Je devrais m’y mettre d’ici deux ans. Le temps de bien lancer les Gunblast Girls et de le faire en parallèle. Ce sera une sorte de Game of Thrones chez les gothiques.
As-tu envie de rajouter quelque chose, si ce n’est qu’il faut acheter Gunblast Girls ?
Il faut en acheter plein ! En garder un pour soi et offrir les autres à ses amis ! (rires)
Propos recueillis par Stéphane Girardot.
Interview réalisée le 15 août 2017.
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