Le vendredi 9 mars à 16h se tenait à Tours, l’une des nombreuses avant-premières du film Gaston Lagaffe, en présence de Pierre-François Martin-Laval, alias Pef, réalisateur et acteur incarnant Prunelle, et Théo Fernandez, l’interprète de Gaston. Ayant gagné nos places à la suite d’un concours, nous pouvons vous donner dès à présent notre avis sur cette adaptation, parfois attendue avec appréhension ou résignation par les amateurs de bande dessinée. M’enfin ! Faut-il aller le voir à sa sortie officielle, le 4 avril ?
Commençons une fois n’est pas coutume par évoquer la fin de la séance, où les acteurs ont gentiment accepté de répondre aux questions du nombreux public (la salle était archi pleine, d’enfants, notamment, en cette période de vacances scolaires) et de se prêter au jeu des photographies et autres « selfies » avec qui voulait bien les rejoindre près de la scène. Ce sont surtout les enfants qui ont posé des questions, ne faisant pas la différence entre Gaston et l’acteur du film, au point de lui demander ce qu’il avait fait de ses inventions après le film, comment il avait construit un gigantesque phare en sable, s’il s’était vraiment mouillé en essayant de sauver un poisson rouge, etc. Si les acteurs ont, en réponse, essayé de les faire rêver un peu, il a fallu les ramener à la réalité en saluant les exploits techniques de l’équipe des Versaillais, qui a travaillé aux effets spéciaux du film. Le réalisateur a tout de même précisé que la plupart des cascades (et il y a du mouvement dans ce film, vous pouvez vous en douter, tant Gaston provoque les cataclysmes), avaient été effectuées par les acteurs du film, dans un décor de studio, avec le moins de recours possibles au fameux fond vert.
Pef, affublé d’un magnifique pull vert aux couleurs du film, a également répondu à une question sur les motivations qui l’ont poussé à réaliser Gaston Lagaffe, en précisant que l’éditeur (Dupuis, donc) l’avait choisi car ils avaient bien aimé son premier film, Essaye-moi, et son succès avec Les Profs. Pour lui c’était un rêve d’adapter cette bande dessinée, et beaucoup auraient souhaité être à sa place ou même jouer dans le film. Il raconte avoir pu se lâcher sur le rythme et les gags, qui sont l’essence même de ce long-métrage.
Théo Fernandez a affirmé ne pas être de la génération des lecteurs de Gaston (en précisant que c’était plutôt Kid Paddle dans sa jeunesse) mais ses parents étaient fans et avaient des albums dans les toilettes. Ironie du sort, la start-up du film s’appelle Aupetitcoin. De là à faire un mauvais jeu de mots sur la qualité du film…
La tentative était périlleuse, et Pef ne s’en sort pas si mal. Les gags nous ont paru très forcés et à destination d’un jeune public. Les enfants, qui peuplaient la salle en majorité, n’ont pas pour autant éclaté de rire, et semblaient davantage impressionnés par le dynamisme des gags et la découverte de certaines inventions spectaculaires.
Techniquement, il faut reconnaître que c’est très réussi dans l’esprit cartoon – l’univers inventif du héros apparait tout au long du film – et certains personnages, comme Mademoiselle Jeanne, De Mesmaeker ou la secrétaire Sonia, passent plutôt bien à l’écran. On regrettera toutefois que la nonchalance de Gaston en fasse un jeune gamin antipathique, de même que ses copains Bertrand Labévue et Jules de chez Smith en face, alors qu’on a envie de les aimer dans la bande dessinée. Ensuite, le problème d’inscrire Gaston dans la réalité – et peu importe qu’il atterrisse dans une start-up contemporaine plutôt que dans une rédaction, au contraire, même, finalement, car cela crée des gags assez bons – est qu’on perd la magie du dessin de Franquin, qui laisse bouche bée le lecteur tant il est précis et dynamique. Dès lors, voir un vrai Prunelle s’énerver ou un De Mesmaeker se ridiculiser, même avec les meilleurs acteurs du monde, sera toujours moins impressionnant que de découvrir leurs péripéties en BD. Il faut donc percevoir Gaston Lagaffe comme un film familial honnête, fait avec passion, et qui, on l’espère, donnera au public l’envie de se plonger dans les albums s’ils ne l’avaient pas fait avant.
S’il faut comparer ce film à Spirou et Fantasio, sorti peu de temps auparavant, on peut dire que les deux ciblent en priorité un public familial et jeune, l’adaptation de Spirou se risquant un peu plus dans les vannes adultes. Comme dans les bandes dessinées respectives, Spirou et Fantasio est davantage tourné vers l’aventure, alors que Gaston Lagaffe repose sur des gags qui, malgré de belles prouesses techniques, passent moins bien à l’écran que sur papier. La qualité de ces films est à peu près équivalente et, si l’on met de côté les nombreux spectateurs qui ne lisent pas de bandes dessinées, chacun jugera selon son propre ressenti (effet madeleine de Proust ou non, série BD préférée).
À choisir, nous préférons, de peu, Spirou et Fantasio. Le duo d’acteurs Thomas Soliveres et Alex Lutz fonctionne bien, l’intrigue est (trop) faible mais on voyage avec les personnages de notre enfance qu’on se plait finalement à retrouver sur grand écran. La nostalgie arrive à fonctionner. Le casting répond finalement bien aux attentes malgré les craintes légitimes à l’annonce des différents acteurs. Ces craintes, doublées d’un puritanisme duquel il faut s’affranchir pour apprécier une adaptation qui ne sera de toute façon jamais la copie conforme d’un album de bande dessinée, auront été fatals à ce film, qui a été davantage décrié que vu en salle (tout juste un peu plus de 200 000 entrées après trois semaines d’affiche). On peut le regretter, et on prédit un succès plus gros pour Gaston, qui hérite d’une meilleure promotion et d’un a priori plus positif, après le succès au Box-Office de Pef avec Les Profs (près de 4 millions d’entrées pour le premier, et plus de 3 millions pour le second volet). De quoi attirer un large public, composé en grande partie d’enfants, voire de parents, qui n’auront jamais ouvert un album de Franquin.
Nicolas Raduget
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