
© 2020 Massot Editions
Titre : Aung San Suu Kyi, rohingya et extrémistes bouddhistes
Scénariste : Frédéric Debomy
Dessinateur – Coloriste : Benoît Guillaume
Éditeur : Massot
Parution : Mars 2020
Prix : 21,90€
Un portrait d’Aung San Suu Kyi vient d’être déployé en plein centre-ville birman sur une façade d’immeuble. L’occasion de nous rappeler combien cette femme dissidente a rallié un peuple et a œuvré pour la paix dans le monde jusqu’à en obtenir son ultime récompense : le Prix Nobel. Puis la chute, et son silence sur les rohingya musulmans victimes d’un nettoyage ethnique, leur fuite, leur exil passé sous seing, et toutes ces vies anéanties et détruites. Frédéric Debomy et Benoît Guillaume racontent en dessins leurs quêtes, cette volonté de comprendre ce qui a tout fait basculer : la démocratie qui laisse place au racisme, le silence des autorités. Cette chasse aux musulmans, ces armes, ces machettes, les mosquées qui flambent. Et cette femme sacralisée un temps et qui, aujourd’hui, semble abandonner les valeurs pour lesquelles elle s’est justement battue. Les deux auteurs, au cours de l’enquête, rencontreront des familles, des influents et prendront la mesure de cette dictature militaire.
Cette bande dessinée est une véritable enquête journalistique. Le lecteur est très rapidement pris au jeu et se sent enrôlé dans un documentaire à la limite télévisuel. Au fil de leurs différentes rencontres birmanes, ils éclairent la problématique des Rohingya, ce groupe ethnique musulman vivant à l’ouest de la Birmanie. Des milliers de personnes sont tuées, poussées à la fuite ou se retranchent dans des camps. On se glisse alors dans la peau de ces familles persécutées par l’extrémisme bouddhiste et cette intolérance notoire des moines pratiquant cette religion. L’occasion est d’ailleurs rappelée de la condition féminine dans ce pays, mais également celle des chrétiens et des homosexuels qui font également l’objet de rejets. Le dessin hachuré, lége,r permet de prendre de la hauteur, du recul, et de s’intéresser plus en amont à l’Histoire, héroïne de cette œuvre malgré elle. Le jeu de couleurs choisi, plutôt primaire, nous laisse aller à l’essentiel, avec sobriété, classe et rigueur journalistique.
Une œuvre très réussie, qui sort de l’ordinaire. Une documentation assez exceptionnelle et une manière très intéressante et originale de comprendre les enjeux de cette crise et la problématique birmane.
Jérôme Prévot
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