
© 2020 Casterman
Titre : Au bonheur des dames
Scénariste – Dessinatrice : Agnès Maupré
Coloriste : Grégory Elbaz
Éditeur : Casterman
Parution : Juin 2020
Prix : 20€
Paris, XIXème siècle. Denise Baudu, une jeune Normande de vingt ans, débarque à la capitale avec ses frères Jean, 16 ans, et Pépé, 5 ans, pour travailler chez son oncle qui possède la boutique Au Vieil Elbeuf. Cependant, elle comprend rapidement qu’il n’y a du travail que dans les grands magasins, une des innovations du Second Empire. Elle, qui fut meilleure vendeuse de Cornaille à Valognes, se fait donc embaucher – non sans difficultés – Au bonheur des dames, un grand magasin de prêt-à-porter féminin dirigé par Octave Mouret, un provençal qui s’est fait une très belle place dans le secteur. Elle découvre alors la cruauté des petites vendeuses, la précarité de l’emploi, la mort des petits commerces alentours en même temps que la société de son employeur se développe de manière exponentielle. Malgré les frasques amoureuses de ce dernier, Denise suscite vivement son intérêt au point qu’il lui confie de plus en plus de responsabilités. En fait, il en tombe petit à petit éperdument amoureux jusqu’à en être malade. Mais la jeune femme, emplie de beaux principes, se refuse catégoriquement à lui. Jusqu’au jour où…
Que l’on ait lu ou pas ce roman d’Émile Zola qui est le onzième volume de la suite romanesque Les Rougon-Macquart, l’adaptation qui en est faite par Agnès Maupré (Le Chevalier d’Éon) immerge complètement le lecteur dans le superbe univers littéraire de l’écrivain ainsi que dans cette période dite du Second Empire. Le difficile travail de retranscription des textes est réalisé avec un très grand sérieux et surtout, se fond avec brio dans le dessin. Ainsi, les 126 planches d’Au bonheur des dames se dévorent littéralement tant elles servent à merveille les propos des acteurs et les thèmes développés. Le trait léger et méticuleux de la dessinatrice est parfaitement mis en valeur par la sensibilité chromatique très juste de Grégory Elbaz qui effectue une magnifique performance. L’association du graphisme et des couleurs nous permet de percevoir les volumes et les mouvements des étoffes et de l’architecture haussmannienne lors de certaines mises en page. Même si Émile Zola voulait ce roman optimiste et en faire « un poème de l’activité moderne », il n’empêche que de nos jours il serait perçu comme une critique de l’attitude du patronat vis-à-vis des salariés et de la grande distribution qui tue les petits commerces. Mais la fraîche intrigue amoureuse de Denise et Octave, ainsi que toute la vie décrite autour d’Au bonheur des dames, rend toute son humanité à l’ensemble.
Une adaptation très réussie qui donne envie de (re)lire l’oeuvre et pourquoi pas toute la suite romanesque.
Stéphane Girardot
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