- Titre(s) : Antipodes
- Scénariste(s) : David B.
- Dessinateur(s) - Coloriste(s) : Éric Lambé
- Editeur(s) : Casterman
- Parution : Août 2024
- Prix : 22,00 €
- EAN : 9782203257726
1557, dans un village tupinambas près de la baie de Guanabara au Brésil (aujourd’hui Rio de Janeiro). Jean vient chercher Nicolas car le gouverneur Villegagnon requiert sa présence à Fort-Coligny pour une raison qu’il ignore. Mais Jean a une certitude, Villegagnon n’est pas content. Il faut dire que Nicolas vit nu dans la jungle au milieu des Tupinambas après qu’ils l’aient capturé. Ses ravisseurs ayant renoncé à le manger grâce à son talent pour le chant auquel ils sont très sensibles, il a décidé de rester auprès des autochtones plutôt que de retrouver ses congénères. Le chef Ouacan lui a même donné Pépin pour femme. Et c’est exactement là où le bât blesse. Villegagnon a interdit aux hommes de la colonie de vivre avec des femmes qui ne soient pas baptisées et mariées selon les lois de l’Église. Nicolas est arrêté malgré le fait que ce soit le gouverneur lui-même qui lui aie demandé de rester chez les Tupinambas pour apprendre leur langue et servir d’interprète. C’est à partir de cet instant que toute la sauvagerie des uns et des autres se fait jour au cœur de cette improbable France Antarctique !
Basée sur une réalité historique méconnue, David B. propose cette fiction de réflexion et d’aventure à la fois fantaisiste et sérieuse où des violences s’opposent : celle avec les armes et l’autre avec le cannibalisme. Le scénariste situe son action en plein milieu de la période où Villegagnon est présent (1555-1559) dans cette colonie située dans une zone dite France Antarctique et destinée à donner aux protestants un lieu pour exercer leur religion en sécurité. N’oublions pas que l’inquisition sévit en France à cette époque et que les manifestations de protestantisme sont sanctionnées par la mort depuis l’édit de Compiègne. Voilà pour ce qui est de l’éclairage sur la situation historique qui sert de toile de fond. À partir de là, le scénariste entame les tribulations du Tupinamba Nicolas, héritier de deux cultures, qui vont mettre en évidence le fait que la notion de sauvagerie/barbarie est relative au point de vue de chacun. Les missionnaires européens considèrent les Tupinambas comme des barbares en raison de leur pratique du cannibalisme alors qu’eux-mêmes considèrent de la même manière une autre tribu pour la seule raison qu’ils consomment de la chair humaine sans la faire cuire. Inversement, Villegagnon et les autres sont des soldats, des militaires, violents et autoritaires pour les autochtones. Heureusement, l’humour, la musique, l’amitié (entre Nicolas et Jean, d’ailleurs ne s’agirait-il pas de Jean de Léry ?) et l’amour (entre Pépin et Nicolas) distillés dans le récit contrebalance à merveille avec la gravité ambiante. Éric Lambé se laisse porter par cette histoire et propose une représentation graphique qui s’en fait le parfait écho. Le dessinateur belge s’évite – et nous évite – les scènes de cannibalisme sanglantes mais les illustre malgré tout de façon détournée via des interprétations de gravures de Théodore de Bry sur le sujet en pages de garde. L’idée est bien trouvée, tout comme celle d’utiliser différents contours pour les phylactères afin de souligner que Nicolas chante en plusieurs langues.
Le récit idéal pour finir l’été dans les meilleures conditions et aborder la rentrée avec sérénité !
Stéphane Girardot
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