Alors que le deuxième tome des Contresang est en cours de financement sur la plateforme de crowfunding Sandawe (si vous êtes intéressés, c’est par ici !), nous avons eu la chance de rencontrer le dessinateur de la série. En effet, Grégory Delaunay était présent lors du Hero Festival – Session 2 qui se déroulait à Marseille, au Parc Chanot, le week-end des 7 et 8 novembre derniers. Une bonne occasion de connaitre un peu mieux cet auteur aux multiples talents.
Ce que l’on peut dire de toi est que tu es un véritable touche-à-tout. Pour éclairer ce propos, peux-tu nous raconter ton parcours jusqu’aux Contresang ?
Je dessine depuis toujours, depuis que j’ai des souvenirs en tout cas. Mais jusqu’à l’âge de seize ans environ, je souhaitais devenir astrophysicien ! Et puis je me suis rendu compte qu’il fallait surtout faire des maths. Pendant l’épreuve du bac, j’ai regardé autour de moi en me demandant ce que je faisais là. J’ai posé mon crayon et je suis sorti de la salle. J’avais décidé de devenir dessinateur. La suite n’a pas été simple bien sûr : formation de maquettiste (qui me sert bien aujourd’hui encore), puis un C.A.P de photographe. Je fais surtout des travaux de commande : affiches, mises en page et illustrations pour des parcs. Puis, je vais rencontrer Michel Crespin qui va énormément me faire progresser, surtout en couleur. Il voulait me confier la suite de Troubadour, une série médiévale, mais malheureusement il nous a quittés beaucoup trop tôt. Ça m’a tellement touché que, pour la première fois de ma vie, je me suis demandé si je ne devais pas faire autre chose. C’est un peu comme ça, et aussi par passion pour le moyen âge, que j’ai découvert la forge. Ensuite, je découvre le milieu du couteau en réalisant une BD pour la revue La Passion des Couteaux. Je deviens alors coutelier forgeron pendant presque dix ans !
Pourquoi ce retour vers la bande dessinée après plus de dix ans ?
Plusieurs choses : lassé de la forge, le physique qui commence à lâcher et surtout une très, très forte envie de redessiner, de raconter des histoires aussi. Je vais donc revenir au dessin en publiant Sylf, un roman illustré fantasy ayant pour thème principal la forge.
Dans ta vie, tu as eu l’occasion de côtoyer un auteur incroyable, Michel Crespin. Qu’as-tu retiré de cette expérience ?
Énormément de choses ! Bien sûr une progression technique car Michel était très rigoureux, dans le découpage entre autre. Mais surtout, il m’a permis de me libérer avec la couleur. Il m’a donné un peu plus confiance en moi en s’intéressant à mon travail. Le fait le plus marquant est que c’était quelqu’un d’exceptionnel par sa simplicité, sa gentillesse et j’en garde surtout des souvenirs humains…
Pour en revenir à ta série éditée chez Sandawe, comment s’est déroulée ta rencontre avec Olivier Vachey ?
Je voulais retenter l’expérience de la BD. Mais comme je suis plus illustrateur et que je ne suis pas très à l’aise avec le découpage, j’ai cherché un scénariste. J’ai donc passé une annonce sur le forum Café Salé. J’ai reçu plusieurs propositions de scénarios qui ne m’ont pas trop accroché. Plus tard, Olivier m’a contacté par mail en me disant qu’il était surement trop tard mais que, au cas où … en pièce jointe il y avait le synopsis des Contresang. Et là, ça a été le coup de foudre immédiat ! L’histoire, l’ambiance, le personnage d’Arken. Et puis, le côté très pro de la présentation, de l’écriture d’Olivier, qui m’a impressionné. Pour le coup, c’est moi qui avais peur de ne pas être à la hauteur !
Pourquoi le financement participatif pour éditer Les Contresang ?
En fait, on n’a pas choisi ce type d’édition en particulier. On a envoyé notre projet à plusieurs maisons d’édition et Patrick Pinchart nous a dit oui. C’est aussi simple que ça. Le côté sympa de Sandawe pour les auteurs, c’est que même si c’est du financement participatif, ça reste une vraie maison d’édition, avec un contrat, avec une super diffusion en France, Belgique, Suisse… J’étais très surpris de voir qu’on trouvait Arken vraiment partout.
On ne peut s’empêcher de penser en la lisant l’album qu’Arken est un hommage à Bragon et à La Quête de l’oiseau du temps. Es-tu un fan de la série et d’Héroic Fantasy en général ?
Un hommage, je ne sais pas. Je trouve ça prétentieux de dire ça. La Quête de l’oiseau du temps est bien sûr LA série fantasy en BD dont Olivier et moi sommes de grands fans. Pour moi, cette série est à la BD fantasy ce que Le Seigneur des Anneaux est au roman fantasy. Mais je n’ose même pas faire de comparaison avec ce que je fais. Je ne relis d’ailleurs pas la quête en ce moment, ça me tétaniserait !
Quelles sont tes autres influences ?
En BD, Bourgeon ! Son travail est exceptionnel à tout point de vue. Je ne me lasse pas de relire toutes ses créations. J’ai eu la chance de le rencontrer cette année aux Imageries d’Epinal, et une fois encore, j’ai rencontré quelqu’un d’exceptionnel de par sa simplicité, sa modestie. Il n’aimerait sûrement pas entendre ça, mais pour moi c’est un Maitre, dans le sens noble du terme. Sinon, j’aime surtout les auteurs de ma génération (de lecteur je veux dire) : Hermann, Bilal, Cosey, Moebius. Enfin en dehors de la BD, il y a une œuvre qui m’a touché plus que tout et reste gravée en moi comme un graal artistique ; c’est le film Blade Runner. Tout dans ce film, même encore aujourd’hui, me touche profondément, dans sa sensibilité, sa finesse, son ambiance, sa violence. C’est une œuvre qui me motive et me démoralise à la fois par sa perfection.
Y-a-t-il quelque chose que tu souhaiterais changer dans ton modus operandi pour le tome deux ?
Oui et non. J’ai des soucis de format de planche par rapport à mon scanner (je scanne moi-même les pages) et j’aimerais travailler plus grand. J’hésite à réaliser les planches en plusieurs morceaux. Mais j’ai peur que cela fasse une grosse différence de résultat avec le premier tome alors je réfléchis encore.
On sent bien l’influence de Michel Crespin dans ta mise en couleurs. Mais utilises-tu la tablette graphique ou colorises-tu en direct ?
J’ai tout ce qu’il faut en tablette graphique… mais je ne m’en sors pas et n’y prends aucun plaisir. Alors, c’est technique traditionnelle : aquarelle. C’est de la couleur semi-directe, on va appeler ça comme ça. Lorsque je travaillais avec Michel Crespin, on s’était rendu compte que mon encrage écrasait complètement mon crayonné. Il perdait ainsi toute fluidité et spontanéité. Du coup, il m’avait conseillé de laisser le crayonné tel quel et de faire la couleur directe dessus. Mais, dans un souci de timing pour Arken notamment, pour éviter d’avoir à recommencer tout le dessin en cas de problème, ce que je fais, c’est que je scanne le crayonné, je le contraste un peu puis je l’imprime sur un papier aquarelle et je fais ma couleur là-dessus. Je garde ainsi le noir et blanc original et je peux travailler plus sereinement la couleur. Après, ma tablette me sert juste à retoucher les éventuels problèmes de tâches, d’oublis ou de débordements.
Tu t’intéresses également au Steampunk. Qu’est-ce qui t’attire dans ce mouvement ? Une idée de série dans cet univers pour plus tard ?
Le steampunk a explosé ces dernières années. Et j’avoue que ça me vexe un peu quand on me dit : « Ha ! Toi aussi tu t’y mets ?». Parce que je suis fan (même sans connaître le mouvement) de cet univers depuis La Cité des Enfants Perdus de Caro et Jeunet. Ce que j’adore dans le steampunk, c’est qu’il n’y a pas de limites. On peut le décliner à l’infini. Ce qui m’attire également dans ce mouvement, c’est le côté assez sombre, et à la fois classe, plus adulte que ce qu’on trouve en fantasy qui a parfois tendance à être un peu kitch. Je me dis peut-être aussi que j’arriverai plus facilement à me «rapprocher» de Blade Runner avec le steam qu’avec la fantasy. En tout cas, une série non ! Mais effectivement, j’ai un projet de roman illustré steampunk en cours. Comme pour Sylf, il associera une histoire à des illustrations, des photos, des croquis, des réalisations d’objets. Mais plus sombre et aussi plus poétique que Sylf. Deus ex Machina aurait été le titre parfait pour cette histoire mais il est déjà tellement utilisé. Alors, je cherche encore.
Merci Grégory d’avoir répondu à ces questions.
Merci à vous !
Propos recueillis par Stéphane Girardot.
Interview réalisée le 8 novembre 2015.
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