Quai des Bulles 2017 a été l’occasion pour La Ribambulle de rencontrer des auteurs jeunesse des labels des éditions Bayard et Milan. Après Ulysse Malassagne (Grafiteen), c’est Glen Chapron qui a accepté de nous parler de son adaptation en bande dessinée du roman jeunesse à succès Les Dragons de Nalsara de Marie-Hélène Delval, parue chez BD Kids. Dans l’ambiance feutrée du bar de l’hôtel Océania, il faut avouer que les créatures mythiques aillées manquaient un peu de place. Attention aux flammes !
Bonjour Glen. Tu as fait pas mal d’illustrations jeunesse. Tu as également participé à des séries plus adultes comme Les Autres gens ou encore fait des albums comme Vents dominants ou L’Attentat.
Bonjour. Oui, d’ailleurs c’est la première fois que je fais de la bande dessinée jeunesse avec Les Dragons de Nalsara. Ce que j’aimerais, ce serait faire plus de BD adulte. Je fais également des illustrations jeunesse pour des petits romans et, avec les éditions Bayard, pour des J’aime Lire. J’ai fait aussi une couverture pour Astrapi.
Ton actualité est le premier tome des Dragons de Nalsara. Comment as-tu été choisi pour cette adaptation du roman éponyme ?
En fait, j’avais réalisé une couverture pour Astrapi, comme je viens de le dire, pour tout autre chose. C’était autour de Martin Luther King. Et l’éditeur a proposé ma candidature pour illustrer cette série, Les Dragons de Nalsara. Nous étions plusieurs auteurs un peu en « compétition ». Nous avons fait des planches d’essai et c’est moi, qui suis breton, qui ai été choisi pour l’adaptation.
Quels sont les points qui t’ont attiré dans ce projet ?
Ce qui est marrant, c’est que l’Heroic Fantasy n’est pas trop mon truc. En fait, à part Game of Thrones…
Cette série est justement un peu un Game of Thrones pour les jeunes !
D’ailleurs ma doc, c’est Game of Thrones. Ce n’est pas très dur ! À part Game of Thrones et un peu Le Seigneur des anneaux, que je n’ai pas lu étant petit, j’étais plutôt comics américains, manga avec Dragon Ball ou des trucs comme ça. Donc cela m’a fait rigoler car c’était un univers sur lequel je n’avais jamais travaillé. Et je me suis dit que ce serait vachement bien d’essayer quelque chose de nouveau pour savoir si cela allait marcher et plaire. J’ai trouvé cela marrant. Si on m’avait dit, il y a cinq ans, que j’allais dessiner des dragons pour une série jeunesse, je n’y aurais jamais cru. « N’importe quoi ! » (Rires) Les planches que j’ai faites ont plu aux éditeurs chez Bayard et Astrapi. Et voilà !
Adapter un roman n’est pas chose aisée, d’autant plus qu’il s’agit d’un roman jeunesse. Quelles étaient tes appréhensions en tant que dessinateur ?
En BD adulte et en illustration jeunesse, je travaille toujours avec des gens qui écrivent les scénarios. Et comme j’avais déjà fait une BD qui était une adaptation, L’Attentat, j’avais déjà travaillé avec un scénariste qui adaptait un roman. Du coup, avec Pierre Oertel, qui adapte le roman de Marie-Hélène Delval, j’avais déjà des idées en ce qui concerne les cadrages par rapport au découpage des planches qu’il m’avait envoyé et donc pas forcément d’appréhension. En gros, cela lui a convenu et, en fait, cela a bien fonctionné tout de suite entre nous. Il y a eu pas mal d’aller-retours quand même, beaucoup d’échanges.
Quel est le rôle de Marie-Hélène Delval, la créatrice de l’univers ?
Au départ, elle était censée avoir un droit de regard et être en retrait. Et puis en fait, je crois que cela lui plait bien de participer à la relecture et à ce que l’on adapte ça de la manière la plus fidèle possible. Elle n’intervient pas souvent mais elle revient souligner des choses au niveau de la compréhension de certains points. En ce qui me concerne, j’ai plus de contacts avec Pierre.
Comment as-tu procédé pour ta recherche de personnages ?
Pour les dragons, je voulais qu’ils marchent sur l’avant des pattes, ce qui est utilisé dans Game of Thrones aussi, et qu’ils soient façon chauve-souris pour leurs corps. Car je trouve que c’est plus esthétique ou plus crédible en tous cas que les petites ailes ou les grandes ; ou encore quand derrière, il y a les petites pattes atrophiées qui ne servent pas à grand-chose. Après, c’est compliqué à dessiner quand même ! Ensuite, en ce qui concerne les enfants, il fallait qu’ils soient bruns car leur mère est brune. Mais après quelques essais, c’est venu assez naturellement. Pour le garçon, c’était un peu plus facile. Pour la fille, cela a été un petit peu plus compliqué. Il fallait que cela plaise aux éditeurs et j’avais envie qu’elle ait un peu des gros sourcils, une petite frange. Elle pouvait être un peu trop masculine, avoir la tête un peu trop ronde ou encore l’apparence trop bébé. En plus, c’est le premier épisode et j’ai l’impression que j’ai commencé à la fin à un peu mieux les maîtriser. Au début, il y a toujours une petite hésitation. On cherche toujours un petit peu avant que les personnages prennent par la suite leur envol.
Le trait de ton dessin est très fin et colle très bien au récit. Un choix que tu as fait dès le départ ?
Ben, c’est mon dessin quoi ! Alors, j’ai dessiné un peu plus grand. C’est un format A4 et là pour l’album, c’est un petit peu plus réduit (NDLR : les publications BD Kids proposent des planches au format 20.5*15.5). En illustration jeunesse, c’est la technique que j’utilise avec un crayon de couleur noir que je taille tout le temps, au grand dam de mes collègues d’atelier. Parce que j’ai un petit taille-crayon, pas électrique mais manuel, et ça fait « crrri crrri crrri » toutes les trois secondes à peu près. Donc, ils en ont un peu marre ! (Rires) Avant sinon, je mettais de la poudre de mine de crayon sur mes dessins et j’en mettais partout. Sur mon bureau, c’était tout sale ! Maintenant, j’ai la petite machine et c‘est plus propre. Donc, pour en revenir au trait, c’est mon style. C’est le dessin que je produis. Pour la bande dessinée adulte, je rajoute un peu plus d’encre. C’est un peu plus marqué. Là avec ce crayon, il y a une sorte de petite douceur dans le traité. Ce que j’aime bien avec cet outil, c’est qu’il peut être assez léger et assez noir, fort. Donc s’il y a des scènes d’action, on peut appuyer plus et marquer plus. Il y a beaucoup de nuances de gris qui peuvent apparaître aussi.
En ce qui concerne la mise en couleurs, tu as procédé comment ? L’as-tu traitée informatiquement, parce qu’il y a des petites nuances bien travaillées?
Oui. J’ai travaillé sous Photoshop et, pour les nuances, j’ai une sorte de petite brosse pour donner des effets comme si c’était fait au crayon. Cependant, pour la couleur, on a eu un peu de mal. Au début, c’était quelqu’un d’autre qui la faisait. Et moi cela ne m’allait pas, même si je n’avais pas le temps de la faire. Au final, c’est moi qui aie repris la main. En fait, j’ai du mal à déléguer, je crois. Un peu même… c’est sûr ! Du coup, comme c’était un début de projet, j’avais besoin de tout maîtriser. L’album est découpé en chapitres. Et pour les trois premiers chapitres, j’ai refait la couleur pour la publication en album. J’ai donc changé ce qui avait été fait pour la prépublication dans Astrapi.
Un projet qui pourrait t’ouvrir d’autres portes en tant que jeune auteur.
Oui, en effet. Pour l’instant, je travaille sur la suite. D’ailleurs, il y a des gens qui voulaient me rencontrer à Quai des Bulles. Je pense que c’est parce que la BD est sortie il y a peu. Après, j’aimerais bien me consacrer à des projets personnels. Du coup, je finis une BD chez Glénat et, avec Les Dragons de Nalsara, on est plutôt sur trois ou cinq ans où périodiquement j’aurais à travailler là-dessus. Entre, je vais essayer de garder du temps pour travailler sur des projets à moi.
Il est vrai qu’avec le système de prépublication, cela procure des parenthèses, des récréations par rapport à des projets plus durs…
Oui, c’est ça. Des petites respirations. Là en tout cas, la BD que je fais chez Glénat est une BD adulte autour de la Corse. C’est vraiment un peu plus dur. Et quand je dessinais des dragons, il y avait vraiment des temps de respiration. C’est ce que j’aimais bien quand je faisais des commandes d’illustration jeunesse, que je fais toujours un peu : avoir pendant deux semaines ou un mois cette petite récréation, on va dire, et après retourner sur un sujet plus dur, plus costaud sur lequel on travaille depuis un an ou deux ans et sur lequel on peut, des fois, un peu s’essouffler. Cela permet d’équilibrer un peu. C’est pas mal.
Merci Glen d’avoir répondu à mes questions et bon festival.
Merci à toi.
Propos recueillis par Stéphane Girardot.
Interview réalisée le 28 octobre 2017
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