Titre : Un amour de guerre
Scénariste : Olivier Keraval
Dessinateur – Coloriste : Leyho
Éditeur : Locus Solus
Parution : Octobre 2020
Prix : 16€
Lorsqu’elle reçoit un appel du médecin de sa mère, hospitalisée en EHPAD suite à la maladie d’Alzheimer, Françoise prend le premier train. Si les dernières conversations ont tourné court, la mémoire de la vieille dame s’effaçant progressivement, ces retrouvailles vont être bouleversantes puisque Hélène confie à sa fille que son vrai père n’est pas celui qu’elle a connu. Sous le choc malgré le doute, Françoise entreprend un retour dans le passé à travers les souvenirs entassés dans la maison familiale. Paris, 1942. Sous l’occupation allemande, Hélène rêve de devenir actrice et franchit la porte de la société de production Continental-Films. Le directeur adjoint, Rudolf Bauermeister, sous le charme, entreprend de la faire jouer rapidement dans un projet de propagande nazie tourné dans le petit village breton de Corps-Nuds…
« Corps-Nuds a des chances d’être choisi comme lieu de tournage pour un film de cinéma. Qu’en dites-vous?
– Que ça sent les ennuis, monsieur le maire. »
Au cours de recherches, Olivier Keraval a découvert ce mythe qui fait de la ville de Corps-Nuds, située près de Rennes, le lieu de tournage d’un film de propagande destiné à montrer au peuple allemand la réussite de la conquête de l’armée sur le front russe. Originale par l’aspect byzantin de son église Saint-Maximilien-Kolbe, un élément de décor à même de paraître sommairement soviétique, la rumeur hante la bourgade bien qu’aucune preuve n’en existe concrètement. Qu’à cela ne tienne, le scénariste imagine sur ces bases une histoire crédible, qui s’élargit au rôle du cinéma sous l’Occupation, faisant intervenir des figures populaires connues telles que Raimu ou Henri-Georges Clouzot. Si le personnage de Françoise sert principalement à faire le lien avec ce passé trouble en faisant la paix avec ces événements, l’auteur évite tout manichéisme en montrant les frontières floues de la collaboration. Un dossier complète d’ailleurs cet album, permettant d’en apprendre plus sur la Continental-Films et son directeur, Alfred Greven, tiraillé entre son devoir et son amour du cinéma. Mais ce qui marque au moins tout autant, c’est le trait subtil de Leyho (Chiens bleus, chiens gris). Ce jeune dessinateur illustre l’intrigue avec un grand talent, et un style aussi personnel que maitrisé, tout comme sa colorisation. Une révélation qui devrait l’amener à d’autres projets qu’on a hâte de découvrir.
Une histoire forte et surprenante, magnifiée par un dessin de grande qualité.
Arnaud Gueury
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