Titre : Trajectoire de femme
Scénariste – Dessinatrice – Coloriste : Erin Williams
Éditeur : Massot
Parution : Mars 2021
Prix : 26€
Erin vit à New York. Elle se lève, se prépare, promène son chien et va prendre le train pour se rendre au travail. Tant de rituels quotidiens. Avec les mêmes personnes qui attendent le train chaque matin. Mais ce jour-là, un nouveau passager, qui ressemble vaguement, très vaguement, à un mec ramené à la maison une fois. Et puis les souvenirs affluent pendant que les regards (plus ou moins insistants et lourds) se croisent et que les passagers montent et descendent du train… avec leur vague ressemblance à des connaissances passées.
« L’homme qui me reluquait sur le quai s’assoit pas loin de moi, alors qu’il y a des places libres près de la sortie. Il continue à m’observer. Quand il regarde ailleurs, je prends une photo de ses chaussures. Une ridicule intrusion dans sa vie privée, sans comparaison avec son attitude déplacée, mais je n’ai pas le courage de faire autre chose. »
La moindre des choses que l’on puisse dire, c’est que cet album ne laisse pas indifférent(e), de par les thèmes abordés mais également leur traitement. Un avertissement, pour commencer : le récit est cru et honnête, en résulte une sensation de libération violente plus que d’analyse, et un essai hétéro- et « blanco »-centré (intéressant mais limité pour qui rechercherait plutôt une œuvre pour réfléchir de manière plus générale aux thématiques féministes). Si le sous-titre original parle de « honte » (Commute – An Illustrated Memoir of Female Shame), celui de la traduction française de Carole Delporte s’attarde plus sur la notion de « combat » : combat pour « maîtriser [s]on corps, en public comme en privé », combat contre l’alcoolisme, combat contre la peur de l’accouchement (« la maternité, c’est faire le deuil de soi en tant qu’individu. C’est la mitose humaine. Les cellules se divisent. Un devient deux. J’ai été littéralement ouverte en deux. »). Et donc en filigrane, ce combat contre la culpabilité ou la honte : on pense évidemment à la fameuse « zone grise » du consentement. Ce mémoire graphique en noir, gris et blanc, aux très rares touches de couleur aussi surprenantes que ces nombreux contours festonnés tout sauf joyeux, se déploie jusqu’à sa conclusion poignante : « Ce ne sont pas des incidents isolés » et « La honte est un instrument d’oppression ».
Un récit autobiographique percutant.
Chloé Lucidarme
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