Si vous n’avez pas encore écrit au Père Noël ou que vous cherchez des idées de cadeaux pour un proche tintinophile, vous pourrez vous pencher sur deux essais parus cette année. L’un s’empare longuement du thème religieux dans l’œuvre d’Hergé, le second un peu plus rapidement de celui des femmes dans les albums, faute de matière diront les mauvaises langues.
Tintin, le Diable et le Bon Dieu, d’abord, par Bob Garcia, détaille en près de 250 pages le lien entre le héros à houppette et les différentes religions. Il commence par évoquer longuement le catholicisme, évidemment, puisque Tintin est baptisé dès la naissance en étant publié dans les pages du Petit Vingtième de l’abbé Wallez. L’influence du catholicisme dans la BD des premières décennies du XXe siècle, via la presse notamment, fait l’objet d’un développement, comme l’environnement religieux d’Hergé lui-même. Une fois ce décor planté, l’auteur choisit ensuite une double présentation : d’abord un retour chronologique et exhaustif sur chaque album d’Hergé (incluant Quick et Flupke, les aventures de Jo, Zette et Jocko ainsi que les deux pièces de théâtre tintinesques moins connues), puis une synthèse générale transversale, ce qui rend l’analyse très complète. Bavard et érudit (l’ouvrage est par ailleurs très bien sourcé), Bob Garcia n’oublie pas d’évoquer les multiples allusions à toutes les religions existantes, et termine en y ajoutant les mythes, croyances et superstitions jouant un rôle dans l’œuvre d’Hergé. Contrairement à ce qu’on lui reproche parfois, le jeune scout, ensuite homme de foi, n’a pas oublié d’être ouvert sur le monde au fil du temps et de ses albums, et c’est cet humanisme qui fait la force et l’universalisme de Tintin.
Le second ouvrage est signé Renaud Nattiez qui s’intéresse aux femmes dans l’univers de Tintin, dont la place relativement réduite vaut souvent à Hergé d’être fortement critiqué. Intelligemment, et avec quelques pointes d’humour bienvenues, l’auteur ne blanchit pas totalement le maître de la ligne claire (dont les propos en début de carrière sont indéfendables) mais replace dans le contexte général d’écriture des histoires ce manque de personnages féminins, loin d’être un cas isolé. C’est l’absence de cadre familial traditionnel (les Lampion étant l’exception) et la rareté des couples qui écarte de facto les femmes des aventures de Tintin, lui-même étant asexué, célibataire et éternellement mystérieux sur ses origines (parents, éventuels frères et sœurs, etc.). Il montre qu’on ne peut pas reprocher à Hergé d’être misogyne lorsqu’il anime la Castafiore, au pire est-il caricatural comme avec certains casse-pieds imbuvables et même ses personnages principaux. On pourra simplement lui reprocher d’être enfermé dans les habitudes du vieux monde, ne sortant que rarement ses personnages féminins (Mme Clairmont) d’une situation sociale modeste sinon précaire. En outre, on constate l’augmentation, sans qu’il explose non plus, du nombre de femmes dans les albums de la seconde moitié du XXe siècle, y compris dans l’histoire inachevée. Nul doute que s’il avait continué son œuvre jusqu’aux portes du XXIe siècle, la place des femmes aurait encore été plus forte. Cette thématique permet à Renaud Nattiez d’être à la fois exhaustif et rapide, en listant la vingtaine de personnages féminins nommés mais aussi toutes les dames mentionnées ou jouant un rôle muet mais parfois important dans les albums du héros à houppette.
Il faudra toutefois en lisant ces livres ranger au vestiaire son amour des illustrations, en dehors des très belles couvertures signées Stanislas. C’est le seul dessin perdu dans l’océan de mots du premier ouvrage. Aucune case non plus dans le second qui s’en sort toutefois mieux en jouant parfois la carte de l’humour avec des illustrations hors Tintin mais rappelant certains faits marquants des albums, et permettant à Stanislas, encore lui, de briller le temps de quelques dessins d’après Hergé insérés à l’intérieur. Ce n’est pas étonnant eu égard à la poigne de fer des ayant-droits de Georges Rémi quant à l’utilisation de ses planches mais c’est un peu dommage. Qu’à cela ne tienne, les lecteurs les plus concernés ouvriront leurs albums en parallèle pour satisfaire aux multiples renvois à l’œuvre.
En conclusion, ces deux ouvrages écrits par des spécialistes d’Hergé (l’un comme l’autre en ont déjà publié plusieurs) offrent un regard intéressant sur deux thématiques bien précises de l’univers de Tintin, à un prix accessible, ce qui n’est pas toujours le cas dès lors que l’on veut explorer l’œuvre d’Hervé en profondeur ! Je dirais même plus, les ouvrages avec images coûtent plus cher !
Tintin, le Diable et le Bon Dieu, par Bob Garcia
Editions Desclée de Brouwer – 248 pages – 17,90€
Les Femmes dans le monde de Tintin, de Bianca Castafiore à Peggy Alcazar, par Renaud Nattiez
Editions Sépia – 72 pages – 15€
Nicolas Raduget
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