Titre : Stuck Rubber Baby – Un monde de différence
Scénariste – Dessinateur : Howard Cruse
Éditeur : Casterman
Parution : Mai 2021
Prix : 22€
Toland Polk revient sur son passé et raconte comment il a changé au fil des ses rencontres et de ses amitiés. Tout commence dans les années 60 à Clayfield où il a grandi dans une famille tout ce qu’il y a de plus classique. C’est dans cette petite ville du sud des États-Unis que le jeune homme blanc timide va réellement ouvrir les yeux sur le monde qui l’entoure grâce à se amis Ginger, Riley, Mavis, Lester, Sammy, ou le pasteur Harland Pepper. Peu à peu, Tol’ prend conscience du racisme et de la violence, rendue banale, qu’elle soit policière ou pas et auxquels doivent faire face les afro-américains, et s’engage dans la lutte contre les inégalités. Mais l’histoire n’est pas si simple car Toland doit également gérer le fait qu’il se découvre homosexuel, ce qui n’est pas très bien toléré dans la société de l’époque. Durant très longtemps, il se convainc qu’il est hétérosexuel et tente de vivre comme tel avec Ginger. Mais un événement banal, « the stuck rubber », marque le point de départ vers son acceptation de soi.
25 ans après sa création et 20 ans après sa première édition en français, Stuck Rubber Baby, œuvre majeure d’Howard Cruse (1944-2019), est de nouveau présent en librairie grâce aux éditions Casterman. Enrichie d’une préface inédite d’Alison Bechdel et incluant un riche dossier de 20 pages en fin de livre (postface de l’auteur, making of, éléments biographiques, etc.), la production donne l’occasion de (re)découvrir cette fiction qui repose sur de nombreux éléments autobiographiques et des événements réels de l’Histoire contemporaine. Elle remet en avant le titre original, bien loin d’Un monde de différence, qui a été conservé comme sous-titre, dont la signification est littéralement « Le Bébé de la capote collée », ce qui est fort judicieux à la lumière de la lecture. Ce récit initiatique à la fois personnel et collectif de plus de 200 planches met en évidence le fait que les États-Unis que nous connaissons aujourd’hui ne sont pas si éloignés de ceux de Toland Polk. Le mouvement Black Lives Matter et les luttes pour les droits des communautés LGBT sont malheureusement là pour étayer ce fait. Howard Cruse livre ainsi une histoire touchante, composée avec sincérité, objectivité et courage, qui dégage une force incroyable. Tout cela se retrouve dans le graphisme qui est absolument extraordinaire. Chaque composition de planche est très recherchée et chaque personnage, aussi bien blanc que noir, est méticuleusement hachuré avec de délicates nuances pour rendre les couleurs de peau. Une technique chronophage certes mais généreuse, tout comme les recherches pour restituer au plus juste le sud des Etats-Unis dans les années Kennedy. Rappelons qu’Howard Cruse ne disposait pas d’internet et que tous les décors et objets sont dessinés sur la base de photos, d’objets de collectionneurs ou d’archives papier glanées dans les bibliothèques…
Une œuvre magistrale à (re)découvrir sans plus tarder !
Stéphane Girardot
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