Titre : L’Anarchie
Auteur : Véronique Bergen
Dessinateur : Winshluss
Coloriste : Annomane
Éditeur : Le Lombard
Parution : Octobre 2019
Prix : 10€
Persuadés de le surprendre en train de consommer de la pornographie, les parents de Jean-Baptiste font irruption dans sa chambre. Là, c’est l’horreur ! Car bien pire que le péché masturbatoire, ils constatent un péché révolutionnaire et le mènent derechef chez le psychiatre qui, après analyse d’un prélèvement, affirme que la bactérie anarchiste est en train de détruire le système capitaliste du jeune garçon. Un seul traitement pour cela : l’électropropagande ! Pris d’une peur panique, Jean-Baptiste prend ses jambes à son coup et fuit. Pendant ce temps, le psy fait un rapide cours sur l’Anarchie aux parents. Malheureusement, la situation se gâte pour Jean-Baptiste. En effet, toute la ville est à ses trousses. Pour s’en sortir, il prend la mer mais fait naufrage sur une île : le Monde l’Anarchie Perdue où il est accueilli par Nanar, qui va tout lui expliquer sur les théories et les pratiques libertaires, mais aussi lui apprendre qui sont les précurseurs du mouvement et ses principales figures. Leur devise, « Ni dieu ni maître », définit leur ligne de pensée et d’action non-violente ou pas. Pour les reconnaître, c’est simple. Le drapeau noir est leur signe de ralliement depuis 1831. En 1864, le A cerclé fait son apparition.
Qu’est-ce que l’Anarchie ? D’aucuns diront que ce sont des « types cagoulés qui pètent des vitrines » (Black Blocs). Mais la méconnaissance fait dire des bêtises et la vérité est ailleurs. Du grec « An » (absence) et « Arkhê » (commandement), « l’Anarchie propose un système alternatif de société sans État où l’Homme est libéré des Dieux et des Maîtres ». À partir de cet éclaircissement vital, Véronique Bergen met en lumière tout ce qu’il faut savoir sur ce mouvement dont « les apports théoriques et les actions dans l’histoire ont été occultés » et « l’importance refoulée dans la mémoire collective ». L’étendue des explications est assez impressionnante car l’Anarchie est présente un peu partout (anarcho-syndicalisme, anarcho-féminisme, anarchisme écologique, anarcho-pacifisme…). Notons également que l’influence des Anarchistes a été décisive dans les grands soulèvements révolutionnaires : la Commune de Paris, la révolution russe, la révolution mexicaine, la guerre d’Espagne, etc. Cependant, l’agencement de l’exposé est assez fluide et clair, ce qui en permet une lecture agréable. Et force est de constater que nous sommes tous un peu anarchiste quelque part. Bien sûr, cet opus de La Petite Bédéthèque des Savoirs n’aurait pas la même saveur sans la mise en images de Winshluss (Pinocchio) qui, avec un graphisme au ton résolument humoristique associé aux couleurs d’Annomane, fait passer les messages avec aisance. Figure majeure de la bande dessinée indépendante, l’illustrateur était tout indiqué pour ce projet et, une nouvelle fois, le choix du duo est vecteur de réussite. Comme à l’accoutumée, la préface de David Vandermeulen, qu’il dédie à Vladimir Grigorieff, est une petite perle d’écriture.
Un thème bien expliqué qui permet de remettre les choses à leur place dans notre contexte sociétal plutôt trouble.
Stéphane Girardot
Réagissez !
Pas de réponses à “Petite Bédéthèque des Savoirs (La) #29”