Titre : Le Burn out
Auteur : Danièle Linhart
Dessinatrice – Coloriste : Zoé Thouron
Éditeur : Le Lombard
Parution : Mai 2019
Prix : 10€
Cela faisait longtemps que Jacques et sa fille n’avait pas bu un coup en terrasse et discuter de la famille. Le sujet tourne autour de Matthias, petit-fils de l’un et fils de l’autre, qui inquiète Jacques. En effet, il doit passer aujourd’hui son évaluation individuelle au boulot et il était anormalement excité quand il l’a appelé la veille. Sa fille étant sociologue du travail, ils évoquent le burn out. Auprès d’elle, Jacques cherche des explications pour comprendre pourquoi et comment on peut en arriver là car, de son temps, cela n’existait pas. Les travailleurs étaient solidaires et, si ça n’allait pas, une bonne grève suffisait à remettre les pendules à l’heure. Comme en 68 ! Malheureusement, le tournant des politiques managériales contemporaines se situe à cette époque. Elles se basent désormais sur un isolement et une précarisation des travailleurs qui vont jusqu’à les faire douter de leurs propres qualités et légitimité. De nos jours, la définition de la professionnalité chez le manager n’est pas du tout la même que celle du travailleur. Individualisation de la gestion des salariés, « Win Win », « Storytelling », « Lean out » dans le privé ou « New public management » dans le public, « Benchmarking » sont autant de concepts mis en place qui peuvent mener certains à travailler jusqu’à en perdre la raison !
L’histoire du mal évoquée dans la préface de David Vandermeulen apporte des éclaircissements sur les premières apparitions de celui-ci jusqu’à nos jours. Nommé par Les Pères du désert acédie, de grec akêdéia (négligence, indifférence), il touchait ces ermites chrétiens – les copistes pour la plupart – qui vivaient en Égypte entre les IIIème et le IVème siècles. Les Chrétiens usaient souvent de l’expression consummatum est (tout est consumé) tant les dégâts étaient grands. Ce n’est qu’il y a 50 ans que le terme burn out est apparu réellement. Une fois cette très intéressante entrée en matière lue, Danièle Linhart, sociologue spécialisée dans l’évolution du travail, nous explique, sous les traits de la fille de Jacques, pourquoi et comment une personne peut faire un burn out. Et c’est éloquent, voire effrayant tant les similitudes avec notre propre environnement professionnel sont nombreuses. Si cet opus de La Petite Bédéthèque des Savoirs ne soigne pas la maladie, il n’en constitue pas moins une mine d’informations qui peut permettre de se protéger afin de ne pas croiser sa route. Certes, il y a beaucoup de textes. Certes, la hiérarchie et ses managers sont caricaturés à l’extrême (ils sont dépeints comme des manipulateurs, des tortionnaires), ce qui entraîne celle des employés (que l’on voit comme objets sans réaction, des victimes). Mais, comme tout le monde le sait, il y a du bon et du mauvais en chacun de nous. Et cette approche est telle qu’elle ne peut que vous interpeller et par là même, vous faire prendre conscience de certaines choses au sein de la structure où vous évoluez. Le dessin foufou et la mise en couleurs très énergique de Zoé Thouron (Highway to love) apporte toute la légèreté nécessaire à cette lecture en regard de la masse de données délivrée. La dessinatrice tire largement son épingle du jeu en réalisant une retranscription graphique tout à fait intelligible.
À la fois passionnant et effrayant. Un livre très utile pour tous les salariés afin de comprendre et/ou d’éviter cette maladie dévastatrice !
Stéphane Girardot
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