- Titre(s) : Les Ouïghours, un peuple qui refuse de mourir
- Scénariste(s) : Éric Darbré
- Dessinateur(s) - Coloriste(s) : Éliot Franques
- Editeur(s) : Marabout
- Collection : Marabulles
- Parution : Octobre 2022
- Prix : 20,95 €
- EAN : 9782501163248
En 1996, Éric Darbré effectue un premier reportage dans la région du Xinjiang, cette province chinoise (« région autonome ») aux velléités d’indépendance exacerbées par la naissance en 1991 de cinq pays « en -stan » suite à la chute de l’Union soviétique (le Kirghizistan, l’Ouzbékistan, le Tadjikistan, le Turkménistan et, enfin, le Kazakhstan). En effet, la population du Xinjiang – appelé Turkestan (« pays des Turcs ») occidental par ses habitants afin de ne pas employer le terme chinois signifiant « nouvelles frontières » – est majoritairement turcophone et musulmane. La répression des émeutes y est violente mais Éric Darbré peine à convaincre les patrons de presse de lui accorder la place nécessaire pour visibiliser cette situation dont il sentait qu’elle allait s’aggraver. Parce que tout le monde se foutait de ses « yoghourts » et aurait préféré un sujet sur leurs voisins tibétains, autre minorité pour le mauvais traitement de laquelle la Chine était déjà pointée du doigt.
« Nous avions vu les destructions des vieilles cités oasis par le pouvoir chinois. J’avais recueilli des témoignages sur les sévices policiers, sur les stérilisations forcées des femmes ouïghoures. On m’avait même donné des photos de ces opérations. »
La situation s’envenime encore en 1997 et le Xinjiang est placé en état d’« alerte maximale », ce qui permet d’en tenir éloignés les étrangers et donc les journalistes : « Plus aucun témoin extérieur ne doit savoir ce qu’il s’y passe ». À partir de 1998, Éric Darbré multiplie les voyages, grâce à des contacts lui permettant de rencontrer certains rebelles en exil, en Turquie par exemple, ou certaines victimes du régime résidant toujours au Xinjiang. Dans cette bande dessinée ambitieuse, Éliot Franques met en images 25 années de la vie d’Éric Darbré consacrées à tenter de donner au peuple ouïghour la parole, jusqu’à la qualification extrêmement récente de « génocide » de la politique chinoise de « rééducation » qui y est mise en place. Certains choix graphiques sont à saluer (mention spéciale pour le traitement du témoignage d’« Erkin »), le reportage étant compliqué à traiter de manière originale. Ainsi, le format des cases est très varié, certaines scènes s’étalent sur des doubles pages, comme par exemple la preuve obtenue par le reporter de l’existence des camps. L’hypocrisie et l’instrumentalisation sont évidemment dénoncées : hypocrisie des médias qui financent un reportage pour ensuite en critiquer les potentielles conséquences diplomatiques ; instrumentalisation du risque terroriste par la Chine afin de justifier le massacre de ce peuple qui se rebelle en recourant parfois aux attentats ; mais aussi instrumentalisation par Donald Trump de ce scandale humanitaire pour critiquer une Chine qui menace le leadership étatsunien… Une vraie réussite !
Un reportage dessiné à mettre entre toutes les mains.
Chloé Lucidarme
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