Titre : Terra Nullius
Scénariste – Dessinateur – Coloriste : Chanouga
Éditeur : Paquet
Collection : Cabestan
Parution : Septembre 2015
Prix : 15€
Le 11 octobre 1858, les naufragés du « Saint-Paul » sont recueillis à bord du shooner anglais « Prince of Denmark ». Mais ce n’est que bien plus tard, après un détour par Port-de-France en janvier 1859, qu’Herman, le Capitaine Pinard et quatre autres marins peuvent repartir avec le « Styx », un vapeur de la Marine française, en direction des lieux du naufrage afin de récupérer la « marchandise » abandonnée. Mais une fois sur place, ils ne trouvent que des os résultant d’actes anthropophages et pensent immédiatement avoir franchi la frontière des ténèbres. Cependant, ils retrouvent deux coolies en vie mais repartent en hâte de peur de subir le même sort que les autres. Et ce, même si Hermann insiste pour qu’ils essayent de retrouver Narcisse. Abandonné et laissé pour mort quelques temps auparavant aux confins des territoires du Nord de la Terra Nullius peuplés par des fantômes, le jeune marin a survécu. Miraculeusement recueilli par Maademan et sa fille Obaiva contre l’avis de Nabanja, il va peu à peu oublier son passé, sa propre culture et mourir sur les plages du Cap Direction pour devenir Amglo, aborigène Uuntaalnganu. Jusqu’au dimanche 11 avril 1875 où le lougre anglais du Capitaine Joseph Frazer le ramène de force vers son ancien monde.
Ce deuxième opus de Narcisse explique comment le jeune marin a survécu, a été accueilli, adopté par les naturels, comment sa conversion culturelle assez radicale s’est opérée et jusqu’où il a refoulé ses origines au cours de cette parenthèse de dix-sept années de vie aborigène. Si le travail de Chanouga est remarquable depuis le premier tome – il y a un travail de documentation énorme derrière la série – il l’est d’autant plus que, sur cet épisode de son existence, Narcisse Pelletier ne dit pas grand chose voire rien lors de son témoignage recueilli par Constant Merland. L’auteur a donc imaginé ce qui a pu se passé et son extrapolation est des plus plausibles. L’histoire nous porte sans mal du premier contact avec les « natives », dont Narcisse devient un des leurs, jusqu’à l’apparition des voiles blanches qui ramènent Amglo vers son ancien monde. Et n’oublions pas que la présence de plus en plus fréquente de ces navires dans cette zone est la conséquence du principe de « Terra Nullius » qui nie la présence légitime de ses habitants d’origine et légalise ainsi la spoliation des terres aborigènes. Ainsi débute la colonisation massive de l’Australie. Le récit n’oublie pas de revenir également sur le fait que Narcisse raconte lui-même son histoire via une séquence autour du phare avec Louisa et le petit garçon qui jouait aux alentours. L’implication de Chanouga dans son oeuvre est totale et très forte. Cela se ressent également à travers son dessin très précis, on pense aux bateaux bien sûr, mais aussi empli d’émotions. Quant à la mise en couleurs, elle est juste parfaite. Le roux des cheveux de Narcisse sur les fonds bleus sont d’un tranchant des plus poétiques.
Un second opus très réussi qui confirme la grande qualité de la série ainsi que le talent de son auteur.
Stéphane Girardot
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