Titre : Muertos
Scénariste – Dessinateur : Pierre Place
Éditeur : Glénat
Parution : Janvier 2020
Prix : 25,50€
Mexique, début du XXème siècle. Alors que Pancho raconte sa douloureuse opération à ses acolytes contremaîtres Benito et Alfredo, que la grande tablée de bourgeois mange copieusement en pérorant et que les bonnes font le point de leurs dettes avec Emiliano le majordome, une horde d’êtres étranges attaque leur hacienda. Des péons qui se sont transformés en calaveras, ces figures écorchées du folklore mexicain. Enragés, hébétés, muets et ne tenant debout que grâce à leur envie de tuer, ils poussent les rescapés à prendre la route pour échapper à une mort certaine. Sans distinction de classe ni souci d’affinité ou d’origine, Luz De Iturbide Y Corral, ses riches parents et leurs amis, les contremaîtres, les bonnes comme Maria Guadalupe ou Maria Concepción, Emiliano, des péons et le poète Eulalio se soutiennent et tentent de gagner Cintalapa afin de trouver de l’aide. Mais plus ils avancent et moins ils sont nombreux. Et plus la vraie nature de chacun ressort. Pourquoi et comment ces hommes et ces femmes sont-ils devenus des monstres ? Comment se fait-il que le groupe soit traqué sans fin en ayant l’impression que quelque chose de précis motive ces squelettes vivants ? Mais surtout, quelqu’un en réchappera-t-il ?
Pierre (Place) est plus que dans la « Place » avec son Muertos ! Un roman graphique de 150 pages qui, avec la révolution mexicaine en toile de fond et usant du folklore local, propose un récit choral tout autant qu’un film « sur papier » d’horreur très intense et oppressant. Un grand spectacle, un thriller/western spaghetti macabre et mouvementé à la sauce zombie, qui offre une réflexion profonde sur les inégalités entre riches et pauvres ainsi que sur la véritable nature de l’Homme. Il y est également question de morale. Où les plus aisés, qui dominent habituellement le monde, font preuve de couardise et essayent de reprendre le pouvoir face à des contremaîtres comme Pancho qui se complaisent (presque) dans ces situations de violence extrême. Si le nombre de personnages est assez important, leur excellente caractérisation permet de ne pas se perdre durant la lecture. Les pages défilent sans que l’on ne s’en aperçoive jusqu’à un final flippant digne du grand écran. On a beaucoup apprécié le fil rouge constitué par l’histoire de Dolores, la leader des calaveras ! La retranscription graphique est qualitativement au diapason du récit. Comprenez qu’il s’agit là d’une véritable tuerie ! Sur la longueur, le dessinateur tient ses personnages et offre des cadrages cinématographiques des plus efficaces. Le noir et blanc accompagné d’aplats de gris est élégant et parfaitement approprié aux ambiances délétères. Mais surtout quelle expressivité dans le trait ! L’horreur, les inquiétudes se lisent sur les visages. Avis aux amateurs : une exposition autour de Muertos sera proposée durant la 17ème édition des Rencontres du 9ème Art d’Aix-en-Provence. Miam !
Une grosse, une très grosse claque ! À lire de toute urgence !
Stéphane Girardot
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