Titre : Journal
Auteur – Illustratrice : Julie Delporte
Éditeur : Pow Pow
Parution : Mars 2020
Prix : 22€
« Mon cerveau est tout éteint. Parfois à force de tâtonner je trouve l’interrupteur, mais les plombs n’arrêtent pas de sauter. » Cette confidence est livrée par la narratrice, ce jeu introspectif qui ne va cesser de s’interroger de livrer son quotidien. Car une rupture vient de se dérouler et elle en est l’objet, la cause, le symptôme, la poussière. Elle livre alors ses ressentis les plus profonds, ses émotions les plus vivantes, ses pensées les plus sombres. Vont ressurgir les rencontres, les plus beaux moments, les plus beaux souvenirs partagés, les projets naissants, les apprentissages de la vie à deux, à trois : les amis, la famille, les animaux de compagnie. Et puis les crises d’angoisse, les années qui passent, le talent qui s’use comme leurs deux vies, assez soudainement. Et comme c’était sa muse, sa passion, sa joie et sa noirceur, elle va vivre cette chute comme une rupture avec elle-même. « Est-ce qu’on sera capable de se dire la prochaine fois que cela durera le temps que cela durera ? Et d’être heureux avec cette idée ? ». Dans ce moment étrange, mélange de peurs d’avancer seule et volonté de rebondir autrement, elle va vivre les pires des doutes de toute sa vie : aura-t-elle encore du talent ? Vivra-t-elle sans lui ?
« Chaque fois que j’atteins la surface, c’est comme si quelque chose me repoussait au fond. »
Julie Delporte signe un ouvrage qui claque, qui mûre, qui surprend, qui prend aux tripes. Elle interroge, sur fond de crise de couple, la résilience et la force que chacun possède de refaire surface après chaque drame, après même être anéanti. Il se cache au fond de nous cette petite flamme qui reste sans cesse allumée, la petite bougie dont la lueur vacille lorsqu’on atteint le fond, et ce socle, notre passé, qui nous maintient trop souvent la tête sous l’eau. Avec des textes tirés de son journal intime, elle interroge le quotidien, elle regarde sa vie, elle analyse les moments les plus fous, les plus intimes et les plus tristes d’elle-même. Et puis, avec cette force composée d’une prose simple mais qui tire chacun vers ce qu’il a de plus beau et ces crayonnés magnifiques esquissés tels des dessins d’enfants collés sur le réfrigérateur, elle se reconstruit. Dans cette brutalité, elle allie avec hargne ses couleurs et s’apaise en octobre 2012 avec la palette de sa reconstruction, avec son arc-en-ciel à elle.
Le Journal de Julie Delporte est l’espoir que chacun porte en lui, c’est une lecture pour surmonter ses angoisses, c’est une sucrerie qui rassure, c’est un plaid qui fait du bien. C’est une bouée à la mer qui nous sauve tous en nous étreignant très fort. C’est un petit bijou magique.
Jérôme Prévot
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