Titre : Les Deux vies de Pénélope
Scénariste – Dessinatrice – Coloriste : Judith Vanistendael
Éditeur : Le Lombard
Parution : Septembre 2019
Prix : 19,99€
Pénélope rentre chez elle après une mission à Alep en Syrie. Elle est médecin-chirurgien dans un camp de réfugiés pour un organisme humanitaire et, de fait, elle est très souvent absente. Lorsqu’elle regagne son foyer où son mari, très aimant, et sa fille de 13 ans l’attendent, elle ne se sent plus vraiment à sa place. Elle revient souvent avec ses blessures, ses cicatrices mais elle arrive toujours à gérer ses deux vies et à faire la part des choses. Cependant cette fois-ci c’est différent car un fantôme a voyagé avec elle. Une visite au psy s’impose. Malgré l’absence, Otto et Hélène se sont habitués à ces allers-retours. Par contre, sa mère et sa sœur Maïa ont encore du mal à comprendre son choix et à chaque fois ce sont toujours les mêmes discussions et réflexions qui ont cours lors des repas de famille. Quoi qu’il en soit, pour sauver de nombreuses vies, Pénélope a sacrifié ce que la société attendait d’elle. C’est-à-dire d’être une femme modèle qui attend son Ulysse à la maison en prenant soin de leur Télémaque. Elle a décidé de ne pas être celle qui tisse, quelles qu’en soient les conséquences.
Judith Vanistendael livre toujours des récits graphiques vraiment particuliers, empreints d’émotions et de vérité. L’auteure a réalisé le présent album après Salto alors que l’idée était déjà présente dès la fin de David, les femmes et la mort. Un décalage dans la réalisation qui a engendré une évolution de l’histoire. Un mal pour un bien ! Afin d’avoir de la matière et pendant la création des Deux vies de Pénélope, Judith Vanistendael a visité en 2017 un camp de réfugiés sur l’île de Lesbos où les conditions sont extrêmement difficiles. Un événement éprouvant dont est né un « Grand format » diffusé sur le site du journal Le Monde : Moria, l’enfer de Lesbos. Avec beaucoup d’intelligence, plutôt que de nous plonger dans ce monde sordide, Judith Vanistendael prend le sujet à contre-pied et narre le revers de la médaille des missions de ces médecins engagés bénévolement et qui ont du mal à reprendre une vie normale. Ici une femme dont les proches ne comprennent pas le choix, car ce n’est pas l’apanage des hommes que de prendre cette direction. Cela donne un ton féministe à cette bande dessinée, tout comme le renversement du paradigme de L’Odysée (inversion des rôles d’Ulysse et de Pénélope) voulue lors de l’inscription de la BD dans un dialogue avec le classique de la Littérature. L’ensemble est très poignant et subtilement servi par un dessin à l’aquarelle où les traits ne sont pas là que pour accentuer des formes, des visages et des expressions à discrétion. Une belle proposition graphique au diapason des écrits où les poèmes de Bernard Dewulf, prêtés à Otto, se font une jolie place.
Après la lecture de ce récit sans faux-semblant, il en revient aux lecteurs de s’interroger sur la place de la Femme dans notre société, le sort des réfugiés à travers le monde et de ceux qui leur viennent en aide bénévolement.
Stéphane Girardot
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