Vous croyiez que nous en avions fini avec nos belles rencontres réalisées lors de BD Aix 2015 ? Eh bien non ! Nous avons également eu le plaisir de croiser les lauréats du prix Raymond-Leblanc 2013 : Manon Textoris et Julien Lambert. Leur album Edwin, le voyage aux origines, publié aux éditions du Lombard, recevait durant la 12ème édition des Rencontres du 9ème Art le prix Premières planches organisé par l’I.U.T. d’Aix-Marseille. Nous vous proposons donc un focus post festival afin d’en savoir un peu plus sur ce duo d’auteurs très prometteurs.
Bonjour Manon, Bonjour Julien. Vous êtes deux jeunes auteurs et lauréats du prix Raymond-Leblanc 2013 organisé par les éditions du Lombard qui vous a permis de publier Edwin, le voyage aux origines. Une petite présentation s’impose concernant vos parcours respectifs.
Julien Lambert : Bonjour. J’ai étudié la bande dessinée à l’Institut Saint-Luc, à Liège, dont je suis sorti en 2008. Après quelques emplois sans rapport avec le dessin, j’ai eu la chance en 2011 d’être engagé pour travailler sur les décors du dessin animé Le Magasin Des Suicides de Patrice Leconte. J’ai ensuite migré vers Angoulême pour travailler sur un autre film jusque fin 2012 : Loul, L’incroyable secret de Grégoire Solotareff et Eric Omond. Ne perdant pas de vue la bande dessinée, j’ai découvert à Angoulême la Maison des auteurs où j’ai pu entrer en résidence. Et, en mars 2013, nous avons envoyé notre candidature pour le Prix Raymond-Leblanc, grâce auquel nous avons pu publier notre premier album.
Manon Textoris : Bonjour. J’ai d’abord fait des études de Lettres Modernes. En parallèle, je m’intéressais beaucoup à la bande dessinée et après mon diplôme, on m’a conseillé l’école Saint-Luc, à Liège. A la sortie, j’ai eu la chance d’être embauchée comme décoratrice couleur sur le film d’animation de Patrice Leconte, Le Magasin des Suicides, avec une super équipe. J’ai énormément appris. J’ai ensuite travaillé à Angoulême, pour le studio Normaal Animation. Et puis en 2013, avec Julien, nous avons participé au Prix Raymond-Leblanc.
Vous avez tous deux commencé en travaillant dans l’animation. Comment en êtes-vous venus à la bande dessinée ? Quelles ont été vos motivations ?
JL : En réalité, c’est un peu l’inverse qui s’est passé. Après l’école, parallèlement à mon travail, j’essayais de monter des projets BD, j’ai participé à un fanzine et je me suis essayé à quelques concours. Tous les prétextes étaient bons pour faire de la bande dessinée. Puis s’est présentée l’occasion de travailler dans l’animation. J’y ai appris beaucoup de choses et fait de très belles rencontres. J’espère avoir l’occasion d’y revenir.
MT : Je suis également arrivée à l’animation un peu par accident. C’est avant tout la bande dessinée qui m’intéressait. J’ai cependant très vite constaté que j’aimais beaucoup travailler en équipe et apprendre de nouvelles techniques. C’est enrichissant. Idéalement, j’aimerais bien alterner animation et bande dessinée.
Manon, tu es la scénariste et tu réalises les couleurs de l’album. Un récit qui mêle aventure, poésie et fantastique. Quels sont les origines de ce voyage que tu nous proposes ?
Je pense qu’il y a d’abord les récits d’aventures, que j’ai découverts petite et qui m’ont toujours passionnée. Que ce soit en roman ou en BD, j’aime bien ces histoires où des hommes se retrouvent confrontés à des situations inattendues, des lieux hostiles ou simplement inconnus. Je trouve très intéressant de voir comment l’environnement dans lequel on évolue change notre façon de penser, de regarder. En voyageant, Edwin va devoir s’interroger sur ce qui l’entoure et sur lui-même. Un peu plus tard j’ai découvert l’histoire de certains explorateurs du 19ème et du début du 20ème siècle. Des hommes prêts à tout risquer pour découvrir les sources du Nil ou être les premiers à atteindre les pôles. Leur engagement dans ces expéditions m’a captivée. Edwin est sans doute un hommage à tous ces personnages, réels ou fictifs, qui m’ont fait rêver et dont j’ai suivi les aventures avec tant d’intérêt.
Sauf qu’Edwin est bien moins efficace et bien plus maladroit qu’eux !
Tu avais envie d’aborder des sujets particuliers dès le départ ?
Je crois que ce qui m’intéressait avant tout, c’était l’évolution du personnage d’Edwin. Son enthousiasme, ses questionnements, ses doutes, ses peurs. J’avais envie d’un personnage passionné mais un peu inconscient et qui, confronté à une autre réalité que celle qu’il avait envisagée, devrait se remettre en question. Edwin a une vision très idéalisée du voyage, de l’aventure, et lorsqu’il décide de se donner les moyens de réaliser son rêve, il ne réfléchit pas aux risques qu’il prend. Il fonce, sans écouter personne. Ni son majordome, ni son chien !
La recherche du berceau des origines de l’homme est surtout un moyen pour permettre à Edwin de découvrir qui il est et ses propres origines.
Durant la réalisation de l’album, quels ont été les problèmes que vous avez pu rencontrer ?
JL : Il y a eu plus d’apprentissages que de problèmes. Le plus significatif pour moi, c’est au niveau de notre communication. Nous avons dû apprendre à fonctionner l’un avec l’autre. Ça a été le vrai défi (auquel je ne m’attendais pas), apprendre à exprimer mes idées, apprendre à écouter celles de Manon et, ensemble, apprendre à construire quelque chose à partir de ce matériau.
Quel a été votre « modus operandi » ?
MT : J’ai commencé par écrire un texte d’une dizaine de pages, qui ressemblait davantage à une petite nouvelle et que nous devions donc adapter pour le médium bande dessinée.
JL : Nous partions du texte de Manon pour le traduire en découpage. Cela se faisait à grands coups de discussions, lectures, relectures, propositions et contre-propositions. Ensuite j’attaquais la planche définitive (crayonné et encrage) puis repassais les rennes à Manon pour la couleur. Bien sûr, notre mode de fonctionnement s’est construit tout au long de l’album. Hasardeux au début, il s’est stabilisé durant la seconde moitié du récit.
Quels conseils donneriez-vous à ceux qui voudraient, comme vous, tenter de remporter le Prix Raymond-Leblanc ?
MT : Si Julien n’avait pas été là, je n’aurais jamais tenté le concours, persuadée que nous n’avions aucune chance. Je crois que le seul conseil que je peux donner est de ne pas hésiter à participer. Ne pas se dire « qu’on y arrivera jamais ».
JL : Pour participer au Prix Raymond-Leblanc, on réfléchit à un véritable projet d’album, tout comme s’il s’agissait de constituer un dossier de présentation pour un éditeur. Je pense qu’il faut considérer ce concours comme une occasion privilégiée de présenter son travail à des professionnels de la bande dessinée (éditeurs, auteurs, journalistes et libraires).
Julien, tu as un style graphique déjà bien affirmé et personnel. Où puises-tu ton inspiration ?
JL : Merci. J’ai des dessinateurs qui m’inspirent énormément, comme Mike Mignola, Nicolas De Crécy et Taiyo Matsumoto. Mais j’essaie aussi d’avoir un dessin qui me ressemble. Quand j’étais à l’école, un professeur m’avait conseillé de m’inspirer, pour mes planches, de ce que je faisais en dessin d’observation. J’ai tenté d’appliquer ce conseil et de me rapprocher au maximum du trait et de l’interprétation qui me viennent « naturellement ».
Manon, tu as une belle sensibilité chromatique que j’ai pu observer de près lors de BD Aix 2015. Quelle technique as-tu utilisé pour l’album ? Pourquoi ce choix ?
MT : Merci beaucoup. Pour l’album, j’ai fait toutes les couleurs à l’ordinateur car faire une planche à l’aquarelle me paraissait extrêmement difficile. Je ne maîtrise pas assez la couleur pour avoir une idée précise de ce que je veux. J’ai besoin de tâtonner, de revenir en arrière, de pouvoir me tromper. C’est rassurant. En revanche j’ai pris beaucoup de plaisir à utiliser l’aquarelle durant les séances de dédicaces. Et du coup, j’ai appris plein de petites choses qui m’ont donné envie d’utiliser plus souvent cette technique.
Manon, as-tu envie d’un projet complet où tu dessinerais également ?
MT : Envie, oui ! J’essaierai peut-être un jour mais pour l’instant je travaille sur un projet avec une amie dessinatrice.
Julien, tes projets après ce tremplin ?
JL : Je prépare actuellement un dossier pour un projet sur lequel je travaillerai seul. C’est un polar fantastique, un peu rock’n roll, qui me tient beaucoup à cœur. Et j’espère vraiment qu’il pourra voir le jour.
Lors de BD Aix 2015, vous avez remporté le Prix premières planches organisé par l’I.U.T. d’Aix-Marseille (La liste des titres en compétition est visible ici). Une sorte de confirmation ?
MT : J’ai été vraiment très touchée par ce prix ! Quand on réalisait Edwin, je me posais beaucoup de questions, j’avais beaucoup de doutes. J’ai été tellement contente de savoir que l’album avait été lu et apprécié. C’est un merveilleux encouragement !
Merci à tous les deux d’avoir pris le temps de répondre à ces questions.
MT & JL : Merci à toi !
Propos recueillis par Stéphane Girardot.
Interview réalisée le 18 septembre 2015.
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