Lors du dernier festival international de la bande dessinée d’Angoulême, Daniel Hansen était présent pour défendre son premier album Alva dans la nuit, en compétition pour le Fauve du Polar. Nous avons profité de sa venue pour aller à sa rencontrer et en savoir plus sur la genèse de ce thriller nordique hors du commun.
Bonjour Daniel, Alva dans la nuit est votre première bande dessinée. Pouvez-vous nous dire ce que vous faisiez avant la bande dessinée ?
Oui. C’est bien ça. Ces dix dernières années, j’ai fait de la direction artistique pour des effets spéciaux. J’ai beaucoup travaillé en Inde. J’ai été basé à Dubaï pendant un certain temps, maintenant, je vis en Chine, mais j’ai travaillé en Inde.
Mais vous venez de Suède ?
Oui je viens de Suède. J’ai été dans les films, les jeux et toutes sortes de choses…
Qu’est ce qui vous a décidé à faire de la bande dessinée ?
Je pense que j’ai toujours voulu faire de la bande dessinée. Je pense que c’était mon objectif, mais je n’étais pas assez discipliné pour le poursuivre. Je me laissais distraire par d’autres choses, et je faisais tout ce qui se présentait à moi, concept art, storyboard. De plus, quand j’étais jeune, je faisais partie de la scène des fanzines en Suède. J’ai donc dessiné auparavant, tout au long de ma carrière, j’ai fait beaucoup de développements visuels, de présentations pour des projets. Je les présentais toujours comme des bandes dessinées, ou je faisais comme si le projet était une bande dessinée. Alors je le dessinais comme si c’était une bande dessinée.
Oui, vous n’avez pas fait de bande dessinée mais presque…
Oui c’est ça.
Et comment travaillez-vous avec Aksel Studsgarth ? Parce qu’il n’est pas en Chine comme vous si je ne me trompe pas. Est ce que vous vous rencontrez ? Ou bien tout se fait à distance ?
En fait, je travaillais à l’étranger, je faisais des films en Inde. Et puis la pandémie est arrivée et je ne pouvais plus faire d’aller-retour. Et aussi tout s’est arrêté à Bollywood. Et j’étais assis en Chine et j’ai pris une décision consciente. D’accord, il est temps pour moi de faire une bande dessinée avant de mourir. J’avais quelques projets… Et Axel, je ne le connaissais pas. On s’échangeait seulement des messages sur Instagram. Il m’a envoyé une nouvelle qu’il avait écrite, et qu’il pensait pouvoir être une contribution à une anthologie d’horreur ou quelque chose comme ça. Il m’a demandé si je voulais le faire. Cette nouvelle, c’est la première apparition de la sorcière. Je l’ai lue, et on en a parlé… J’ai pensé que c’était assez bon pour commencer. Je veux dire, nous l’avons tous les deux pensé. Plutôt que de faire une nouvelle ambitieuse.
Est ce que l’album a été édité en Suède avant la France ou uniquement en France ?
Uniquement chez Glénat.
Pourquoi avez-vous choisi de faire une bande dessinée pour la France ?
Parce que le marché de la bande dessinée est plutôt réduit, France, Etats Unis… Pourquoi la France et pas la Suède ? Parce que la Suède est un peu une terre stérile, en ce qui concerne les bandes dessinées, il n’y a pas de marché pour nous. Et surtout pas pour les choses fantastiques. Traditionnellement, on pourrait dire que les seules bandes dessinées qui ont été autorisées à exister sont la satire politique ou le roman autobiographique. Certains d’entre eux sont très bons. Mais ce n’est pas ce que nous voulions faire.
Avez-vous envoyé une présentation uniquement à Glenat ?
Nous l’avons envoyé à plusieurs éditeurs. Enfin, pas tant que ça, parce que Glenat a répondu très vite. En fait, je pense qu’il y en a eu une poignée lors du premier envoi, mais, Glénat a répondu presque immédiatement et on a démarré assez rapidement.
Est ce qu’ils vous ont demandé de faire quelques changements pour s’adapter au marché français? Peut être sur le format de l’album ?
Non, pas vraiment. Ils ont été très généreux
Parce que c’est un gros livre, ce n’est pas forcément un format classique…
C’est un gros livre. Mais il n’était pas aussi gros avant. Il devait faire environ 200 pages. Et je n’arrêtais pas de supplier pour avoir plus d’espace. Il fait finalement 264 pages… Ils sont donc extrêmement généreux.
D’après ce que nous avons pu voir sur Instagram qu’il y aura une suite. Etes vous déjà en train de travailler dessus ?
Je devrais. Mais les préparatifs pour aller à Angoulême m’ont stoppé. Je pense qu’il faudra que je m’y remette de retour en Chine.
Alva dans la nuit est en sélection pour le Fauve du Polar. J’imagine que c’est un rêve d’être sélectionné pour le premier album que l’on fait ?
C’est ridicule. C’est incroyable.
Vous avez du être surpris lorsque vous avez appris que vous étiez sélectionné ?
Oui. Bien sûr. J’étais déjà heureux qu’il soit publié. Je veux dire, l’objectif était de le publier. Puis d’avoir un deuxième livre. C’était tout ce que j’espérais. Donc la sélection, c’est un bonus très inattendu.
Aviez vous déjà imaginé être à Angoulême pour présenter votre album ?
Non, non. Et si je l’avais fait, j’aurais certainement appris le français.
Est-ce l’histoire de la sorcière est une vraie légende ?
Non, j’ai déjà eu cette question plusieurs fois. Non, ce n’est pas une réinterprétation littérale d’un vrai mythe, mais c’est en quelque sorte inspiré par une poignée. C’est un amalgame de différentes sortes de folklore et de mythologie nordique. Mais vous ne pouvez pas dire que cette sorcière est réellement celle de ce mythe en particulier. Nous n’avons pas reproduit l’histoire. C’est un mélange du mythe du meurtre du jeune Baldr et toutes sortes de mythologies nordiques.
Pourquoi avoir choisi de dessiner en noir et blanc. Est-ce à cause de l’histoire ? Ou simplement parce que vous vouliez dessiner en noir et blanc ?
Je dois dire les deux parce que, bien sûr, le noir et blanc se prête bien à ce genre de choses. C’est la nuit. C’est l’hiver. C’est la neige et l’obscurité. Mais, oui, j’aime beaucoup travailler en noir et blanc. Mais je pense que la décision est venue du sujet de l’histoire.
Est ce seulement Aksel qui a écrit le scénario ou bien avez vous participé ?
Nous avons composé l’ensemble du concept à deux d’une certaine manière. Je veux dire, il avait la nouvelle, c’était en quelque sorte la définition de l’univers. Mais ensuite, nous avons collaboré sur l’élaboration de l’univers. Et une fois que nous l’avons fait, il est retourné écrire. Et notre accord est qu’il ne fait pas de storyboard. Certains auteurs de bandes dessinées précisent qu’il faut huit cases par exemple. Il n’y a donc rien de tout cela. Il a écrit le scénario de l’histoire comme s’il s’agissait d’un scénario de film. Et c’est à moi de l’interpréter. Mais ça, il l’a fait tout seul, et ensuite il me l’a donné. Nous avons donc divisé le travail et nous n’avons pas beaucoup interféré l’un avec l’autre. Une fois que nous avions défini les paramètres du projet, il a fait son travail, puis il me l’a donné. J’ai fait ce que j’avais à faire.
Je suppose qu’au fur et à mesure, vous lui avez envoyé ce que vous aviez dessiné. Il n’a jamais demandé à changer quelque chose ? Peut-être une interprétation différente d’une scène…
Non. Il n’y a pas eu besoin de modifier quoique ce soit.
Peut être parce que vous avez la même vision pour les livres….
Je pense que oui. Je pense que nous partageons certaines sensibilités à cet égard. Mais je pense également que ça vient du fait que nous ne sommes pas une vieille équipe qui a déjà travaillé ensemble. C’est la première fois que nous travaillons ensemble. C’est donc aussi une sorte de respect mutuel.
Vous travaillez toujours à Bollywood ?
Oui en quelque sorte…
Avez vous envie de seulement des bandes dessinées maintenant ?
J’ai quelques engagements que je traîne et dont je dois m’occuper à Bollywood, mais je suis extrêmement mauvais pour diviser mon attention. Donc je vois cela comme un pivot, je vais faire des bandes dessinées maintenant.
Avez-vous l’intention de faire un jour votre propre bande dessinée, seul, en écrivant également l’histoire ?
Bien sûr. Je pense que tous les dessinateurs de BD le veulent.
Ah oui ? Nous avons interviewé certains artistes qui ne veulent pas parce qu’ils ne pensent pas être légitime pour écrire, seulement pour la dessiner…
Très bien. Je vais me risquer à dire qu’ils ne sont pas tout à fait sincères. Je pense qu’ils veulent écrire eux-mêmes, mais qu’ils n’osent pas, ce que je peux tout à fait comprendre. Mais je pense qu’être attiré par les bandes dessinées, c’est en quelque sorte raconter des histoires. Raconter une histoire, c’est écrire.
Et avez-vous déjà des idées de bandes dessinées ?
J’ai fait mes débuts en tant qu’écrivain en écrivant une nouvelle dans Métal Hurlant qui va bientôt paraitre. Mais d’abord, je veux la conclusion de Alva dans la nuit. Cette collaboration avec Axel a été très enrichissante. Cela a très bien fonctionné.
Combien avez vous prévu de tomes ? Deux, ou peut-être plus ?
Nous visons une trilogie. Donc, le prochain livre est la partie centrale.
Vous aviez prévu trois albums dès le départ ?
Nous savions qu’il y aurait un deuxième livre. Nous avions prévu de faire une sérialisation au départ. Nous espérions faire comme une sorte de manga, dans les 4000 pages ou quelque chose comme ça, mais, donc ce n’est pas comme si nous avions un point final clair, mais il y a une sorte d’arc de l’histoire que nous suivons.
Merci beaucoup Daniel pour ce moment passé ensemble et pour toutes ces réponses à nos questions !
Propos recueillis et traduits par Laëtitia Lassalle
Interview réalisé le 26 janvier 2024
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