Angoulême a été l’occasion de rencontrer un auteur touche-à-tout en la personne d’Artur Laperla. En effet, que ce soit avec sa série Superpatate dédiée aux jeunes lecteurs ou Melvin réservée à un lectorat averti, l’auteur espagnol démontre des aptitudes dans chaque secteur. Rencontre.
Après une première incursion sur le marché français avec les éditions Paquet, tu es de retour avec Bang ediciones, d’abord avec Superpatate et plus récemment avec Melvin, deux projets diamétralement opposés.
Effectivement ce sont deux séries qui possèdent chacune un lectorat différent mais je crois que l’esprit est le même, ce sont toutes deux des BD d’aventure et d’humour. Mon travail sur les planches, que ce soit celles de Melvin ou de Superpatate, est similaire, sur le nombre de cases et leur positionnement, même si pour Melvin le format de l’album est plus petit.
Si Supermax (futur Superpatate) joue de son physique et est imbu de sa personne, Melvin lui semble plus discret même s’il rencontre un certain succès avec la gente féminine.
Melvin n’est pas le plus beau, il ne parle pas mais c’est une force de la nature qui dégage une attraction physique sans que l’on comprenne pourquoi. Il possède en quelque sorte un pouvoir magique qu’il utilise sur les femmes. Je pense que s’il se mettait à parler, il perdrait son attractivité et son côté mystérieux. On peut penser que Melvin est sage mais on ne le sait pas vraiment car il ne parle pas. S’il est doué avec les femmes, je pense qu’il est doué en tout avec une spécialisation dans le domaine des femmes malgré tout (rires). Dans une chronique, un journaliste a comparé Melvin avec une série télé des années 70-80 qui s’intitule Le Vagabond, cela raconte l’histoire d’un chien qui va de village en village et qui fait le bien. Évidemment, vu que c’est un chien, il ne parle pas, tout comme Melvin.
Avec Superpatate il s’agit de l’histoire d’un super-héros dédié plutôt au public jeunesse. Comment est née cette série ?
Après mon expérience aux éditions Paquet, je me suis spécialisé dans l’illustration jeunesse, j’ai un petit peu délaissé la bande dessinée même si c’est ce que je préfère faire malgré tout. Vu que je faisais de l’illustration jeunesse, à un moment je me suis dit que ça pourrait être pas mal de me tester sur de la BD jeunesse. En Espagne, il n’y avait que la collection Mamut qui existait, j’ai donc envoyé un dossier et voilà… Mais je ne me souviens pas exactement comment j’en suis arrivé à faire Superpatate (rires). Auparavant j’avais travaillé sur une série de littérature jeunesse qui parlait de super-héros, alors peut-être que cela m’a influencé.
Et pourquoi une patate ?
Parce que c’est facile à dessiner. C’est très iconique, même si c’est une patate cela peut ressembler à un œuf.
Avant d’être Superpatate, le super-héros était SuperMax, un personnage narcissique bien que toujours prêt à aider ses prochains. Tu as souhaité lui donner une bonne leçon en lui donnant une apparence quelconque ?
En fait, SuperMax est un mauvais exemple pour la jeunesse. Maintenant tout le monde vieillira et mourra un jour, il faut donc profiter quand tu es beau je crois, ce n’est pas mon cas (rires). C’est donc plutôt une leçon vis-à-vis du narcissisme mais pas de la beauté car tu peux être beau et gentil à la fois.
Même s’il est narcissique, SuperMax a un côté gentil puisqu’il vient en aide à ceux qui en ont besoin.
C’est le bon côté qui caractérise la philosophie de l’héroïsme : « je fais le bien pour me montrer au Monde, pour que l’on me lance des compliments sur mes actions mais aussi sur ma beauté ». Ce sont donc des actes intéressés mais je pense que tous les super-héros recherchent un peu cela. Les seuls qui, selon moi, ne recherchent pas la lumière sur eux sont les mutants de Marvel. En fait, je ne lis pas beaucoup de comics de super-héros mais par contre je lis les parodies de super-héros. Il y a par exemple en Espagne une BD qui s’appelle Superlópez, cela m’a peut-être un peu influencé.
Avec Melvin au contraire, il s’agit d’une série réservée aux adultes. Comment est née cette série et son personnage atypique ?
J’aime vraiment la BD au sens large du terme, que ce soit Les Schtroumpfs, Johan et Pirlouit, Astérix, Lucky Luke, les BD érotiques des années 70 de Georges Pichard ou bien encore les BD italiennes érotiques. J’aimerais aussi m’essayer au western et à la science-fiction mais pour le coup j’ai testé l’érotisme avec Melvin afin de me prouver à moi-même que j’en étais capable. Une de mes références pour Melvin a été un des films de Russ Meyer dont j’apprécie le travail, il s’agit de Supervixens.
Melvin a un succès fou auprès des femmes malgré qu’il ne parle pas et qu’il ne possède pas à première vue un physique de mannequin. Comment expliques-tu cela ?
Melvin pourrait représenter en quelque sorte le fantasme féminin car un mec comme cela n’existe pas, même si avec son physique tout le monde pourrait aussi s’identifier à lui. J’ai rencontré des lectrices qui m’ont dit « Je veux un Melvin pour moi » mais désolé il n’existe pas (rires).
On le disait juste avant, Melvin est un personnage muet. Le restera-t-il éternellement ou nous réserves-tu une surprise pour la suite ?
Non, il n’a rien à dire, il fait tout simplement ce qu’il a à faire. Il ne perd pas de temps avec les mots, c’est un homme d’action, il agit. Melvin c’est le physique mais pas l’intellect. Il n’a pas de relation longue avec les femmes car, même s’il se débrouille très bien au lit, à un moment il faut parler un petit peu pour les satisfaire pleinement. La série évolue au temps des hippies avec l’amour libre, donc cela joue aussi dans le déroulement de ses rencontres.
D’ailleurs , outre le fait d’être muet, tu le représentes systématiquement de façon à ce qu’il regarde le lecteur. Pourquoi ?
C’est comme pour un mauvais film pornographique, ce n’est pas naturel donc j’aime bien en jouer avec Melvin. Il regarde le lecteur comme un voyeur mais aussi comme un témoin de ses aventures.
Et le petit côté kitch de la série, c’est quelque chose que tu assumes pleinement ?
Oui oui, cet érotisme des années 70 n’est pas un érotisme chic. J’aime bien dessiner le style vestimentaire de cette époque mais également les coupes de cheveux et la façon de porter la moustache. Je fais des recherches documentaires justement pour coller à l’époque et c’est une part du travail que j’apprécie.
Où nous mènera la troisième aventure de Melvin ?
Pour la troisième aventure, je pense l’envoyer en Floride du côté de Miami avec une histoire d’héritage. Ce sera un polar érotique avec des trafiquants, des marécages et les crocodiles qui vont avec.
Et Superpatate ? Sur chaque tome, tu mets en avant un thème différent pour le plus grand plaisir de tes jeunes lecteurs.
C’est une sorte de jeu pour moi de traiter de sujets différents avec Superpatate mais c’est une chose que je ne m’interdis pas non plus avec Melvin. D’ailleurs je l’imagine bien voyager dans l’espace ou même le faire évoluer durant le Moyen-Âge, on peut tout faire avec ces personnages. Cela me permet de changer de ce que je fais, que ce soit dans le temps ou géographiquement. Avant de commencer un nouveau tome de Superpatate je me demande toujours ce que j’aimerais dessiner et cela m’aide à créer une nouvelle aventure. Je ne fais pas de BD pour souffrir, donc autant dessiner ce que j’aime.
D’autres projets à venir ?
J’ai également un autre album déjà publié en Espagne qui va paraître en France. C’est un titre que j’ai réalisé avec le scénariste Mario Torrecillas, et c’est une histoire qui n’est pas inconnue du public français puisque l’adaptation cinématographique est sortie en 2019, il s’agit du film Fourmi avec François Damiens. Je fais également une BD d’horreur intitulée Maudite maison hantée pour un lectorat plutôt ado, c’est déjà paru en Espagne mais pour la France ce sera édité aux éditions Paquet, chez qui je ferais mon retour.
Merci à toi d’avoir répondu à nos questions.
Merci à toi.
Propos recueillis par Nicolas Vadeau
Interview réalisée le 30 janvier 2020.
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