Dans la bulle de… Enrico Marini

Par | le 25 novembre 2016 |

Comme chaque fin d’année, Enrico Marini offre à ses lecteurs une nouveauté. Pour 2016, c’est le tant attendu quatrième tome des Aigles de Rome ainsi que le troisième tome de L’Etoile du désert dont il est directeur artistique. Nous avons profité du festival Quai des Bulles de Saint-Malo pour lui poser quelques questions sur son actualité.

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2016 © La Ribambulle

Le tome 3 de L’Etoile du Désert vient de paraître. Depuis quand l’idée a-t-elle germé dans vos têtes, à Stephen Desberg et toi, de repartir sur ce diptyque ?

Cela fait deux-trois ans que nous avons commencé à en parler, nous trouvions que c’était sympa de raconter l’histoire de cette fille qui porte le nom de la série mais que l’on n’avait pas eu l’occasion de voir dans le premier cycle. Comme je n’avais pas le temps de dessiner ces deux albums et que je suis très fan du travail de Hugues Labiano, j’ai proposé à Stephen Desberg de lui confier cette tâche. Hugues s’est montré très intéressé pour nous rejoindre dans cette aventure, je savais qu’il avait très envie de réaliser un western et j’étais donc ravi qu’il accepte le projet. Je souhaitais un dessinateur de grand talent qui n’imite pas mon style mais au contraire qui s’approprie la série.

En tant que directeur artistique, quels conseils lui as-tu apporté pour ce premier album ?

J’ai tout d’abord donné quelques idées au niveau du scénario, notamment celle de traiter le sujet sur cette Indienne que je n’ai pas eu l’occasion de dessiner dans les deux premiers tomes. L’histoire que Stephen Desberg a écrit n’est pas simplement basée sur cette fille, ce sont les destins croisés de quatre personnages où l’on retrouve l’ambiance de l’époque avec la confrontation entre les Indiens, les colons et les cow-boys. C’est en quelque sorte une étude de la société de cette période de l’Histoire. Mon rôle de directeur artistique était très simple, il consistait plutôt à motiver Hugues et le freiner un peu aussi, parce qu’il était tellement généreux dans ses planches au niveau des détails qu’en album cela ne se serait pas vu.

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© 2016 Dargaud

Qu’apprécies-tu dans son travail au point de l’avoir choisi pour te succéder ?

J’aime beaucoup sa façon d’encrer, il a une façon bien à lui de rendre les personnages originaux, ses décors sont somptueux. Il y a beaucoup de poésie dans son dessin, une élégance dans son trait qui me plaît énormément. Il arrive à faire des choses dont je ne suis pas capable et je suis donc très admiratif de son travail. Cela choquera peut-être des lecteurs que Hugues n’ait pas copié mon style pour cette suite mais qu’au contraire il ait utilisé le sien, tout l’intérêt est là pourtant. Je ne vois pas ce troisième tome comme une suite mais plutôt comme un autre western qui peut se lire indépendamment de ce que j’ai fait avant.

Aurais-tu aimé dessiner ce préquel ? Est-ce par manque de temps que tu ne l’as pas fait ?

Je n’avais pas spécialement envie de revenir sur L’Etoile du désert parce que j’ai d’autres projets, d’autres envies. J’ai aussi envie de faire à nouveau du western mais l’approche sera différente, je réaliserais également le scénario comme sur Les Aigles de Rome.

Pas trop dur de confier le dessin à un autre dessinateur ?

Je ne pense pas que ça le soit, en tout cas pas pour L’Etoile du désert, car ce sont des personnages complètement nouveaux. Dans le cas du Scorpion, si jamais je les confiais à quelqu’un d’autre, ce serait plus dur après onze albums car ça fait une longue série que j’ai porté pendant une bonne vingtaine d’années. C’est une série à laquelle je me sens beaucoup plus attaché puisque c’était un récit plutôt court. Avec Jean Dufaux, nous avons parlé d’une suite à donner à Rapaces, j’y suis tout à fait favorable car cela fait une quinzaine d’années que la série s’est arrêtée et qu’il y a moyen de raconter encore pas mal de choses. L’important est que, comme pour L’Etoile du désert, ça soit fait avec beaucoup de sincérité et de plaisir et non pas dans un but qui soit commercial. Par contre, je laisserais là aussi ma place à un autre dessinateur pour reprendre cette série, nous avons quelques idées de repreneur ou repreneuse pour le dessin mais aujourd’hui rien n’est fait.

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© 2016 Dargaud

Le tome 5 des Aigles de Rome sort en avant-première à Quai des Bulles. Que nous réserve cet album ?

C’est un album crucial dans la série, qui m’apporte beaucoup et qui a été pour moi un peu long à faire car il y a énormément de personnages à gérer. Cela raconte un événement historique connu, peut-être pas en France mais en Allemagne oui, la défaite de Varus où il a perdu trois légions. J’avais envie de raconter cet épisode qui s’apparente à un genre de Vietnam pour les Romains, cette défaite a d’ailleurs bouleversé l’Empire. C’est un album qui ne changera pas seulement le destin mais aussi l’avenir de certains personnages et en particulier les deux principaux. Après cet opus, plus rien ne sera comme avant, la faille entre Marcus et Arminius sera encore plus grande que précédemment. Ce qui m’intéresse dans cette situation est de savoir s’il y a tout de même moyen qu’à un moment ils se réconcilient ou si ce sera désormais l’affrontement jusqu’à la mort. Après tout ce que le personnage de Falco va subir dans cet album, on va se demander si cela est vraiment possible. Est-ce que je trouverais des solutions à ça ? Je vois cela comme un défi, je sais où je vais mais je n’ai malgré tout pas encore toutes les réponses.

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© Dargaud

Comment t’es venue l’envie d’écrire une série sur ce sujet ?

J’aime lire les romans historiques ainsi que les biographies et j’étais tombé sur le sujet, mais le problème est qu’Arminius était toujours associé au nazisme durant cette période. C’est quelque chose qui me gênait mais quand j’ai approfondi le sujet, je me suis aperçu qu’il y avait plus que cet aspect négatif de cette instrumentalisation pour la cause nazie. J’ai trouvé que c’était un personnage haut en couleurs qui devait avoir beaucoup de caractère et de charisme puisqu’il a trompé l’Empire en grandissant parmi les Romains en tant qu’otage et en réalisant une carrière splendide dans l’armée romaine. Il avait autant le respect des Germains que des Romains. Quand j’ai commencé à écrire cette histoire, je me suis dit que ce personnage me faisait penser à William Wallace, héros du film Braveheart, ou à Robin des Bois, un personnage rebelle qui protège les siens. Et puis quand j’ai commencé à écrire l’histoire, j’ai suivi cette approche-là et je me suis dit que c’était peut-être un peu facile, à mon avis il avait d’autres ambitions, ça ne pouvait pas être simplement quelqu’un qui voulait sauver son peuple. Je ne voulais pas d’un personnage intègre considéré comme un sauveur, il est normal que le pouvoir corrompe même un idéaliste. Mon objectif était donc de créer un personnage plus complexe et ambigu afin de laisser aux lecteurs d’avoir leur propre point de vue.

Jusqu’où penses-tu justement aller avec cette série en nombre de tomes ?

J’ai envie de poursuivre au moins sur deux albums encore, peut-être trois, pour pouvoir raconter le parcours d’Arminius et de son ami d’enfance, Marcus. Ce sont des personnages qui ne sont pas facile à cerner et qui ont leurs ambitions et motivations propres. J’apprécie le fait de pouvoir donner deux points de vue différents mais aussi de laisser aux lecteurs la possibilité de choisir son héros et pourquoi pas de voir son jugement évoluer au fur et à mesure que l’on progresse dans le récit.

Merci à toi d’avoir répondu à nos questions.

Propos recueillis par Nicolas Vadeau.

Interview réalisée le 29 octobre 2016.

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Description de l'auteur

Nicolas Vadeau

Département : Eure-et-Loir Séries préférées : Les Aigles de Rome, Lincoln, Tony Corso, L’Homme qui n’aimait pas les armes à feu, Une nuit à Rome, Lastman, Mamette, Le Voyage des Pères… Auteurs préférés : Enrico Marini, Jérôme Jouvray, Wilfrid Lupano, Régis Hautière, Jim, Philippe Fenech, Bastien Vivès, Nob, Jean-Pierre Gibrat, Zidrou, David Ratte, Olivier Berlion… J’aime aussi : le sport et particulièrement le badminton, le cinéma, la musique et vivre à la campagne.

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