Titre : Alicia – Prima Ballerina Assoluta
Scénariste : Eileen Hofer
Dessinatrice – Coloriste : Mayalen Goust
Éditeur : Rue de Sèvres
Parution : Avril 2021
Prix : 20€
New York, 1943. Une jeune ballerine cubaine est chargée, deux jours avant une représentation de Giselle, de remplacer la danseuse vedette au pied levé. Sans s’être ménagée, Alicia Alonso révèle alors tout son talent au public, certain d’avoir vu naître une future étoile. La Havane, 2011. Amanda intègre l’école de ballet et découvre la concurrence au plus haut niveau national. Créé par Alicia Alonso et son mari Fernando, qui en ont imaginé toutes les spécificités pour adapter la danse à la morphologie et la culture cubaines, le ballet national est une fierté pour le peuple, né en même temps que la révolution castriste. Mais, si son héritage fait encore rêver, que reste-t-il d’autre de cette époque ?
« On doit mettre notre compagnie au service de la révolution. On va créer des ballets sur l’alphabétisation dans les campagnes. Et on rajoutera du nationalisme. Mieux! De la Cubanidad! »
Journaliste et cinéaste suisse, Eileen Hofer a consacré son deuxième long-métrage documentaire à Alicia Alonso, la « Prima Ballerina Assoluta » dont le culte a accompagné la révolution cubaine et un nouvel espoir pour l’avenir du peuple. Autant dire que la scénariste maîtrise son sujet. Mais ce n’est pas pour autant qu’elle réalise une biographie, puisque le personnage d’Alicia accompagne principalement celui d’Amanda, projetant son ombre au fil des pages. Entrecoupant donc l’évolution de la jeune héroïne au sein de l’école de ballet, quelques anecdotes mettent en lumière le caractère inflexible de la ballerine vedette, disparue en 2019 à l’âge de 98 ans, confrontée à la révolution, à la cécité et à son propre culte. Par petites touches subtiles, on découvre ainsi une femme de caractère, pleine d’aspérités qui la rendent humaine. Mais on s’attache également à tous les autres personnages gravitant autour d’Amanda, une galerie haute en couleurs qui dépeint le Cuba d’aujourd’hui, fier de ses réussites mais d’une pauvreté accablante. Encore une fois, le tableau est subtil, sensible et réaliste. Force est de reconnaître le travail remarquable de Mayalen Goust qui, après la Russie (Kamarades) et l’Argentine (Vies volées), sait comment donner vie à des paysages typiques et immerger les lecteurs, non sans aborder des sujets difficiles avec une palette d’une grande finesse. La douceur de son trait et sa colorisation sobre brossent des tableaux superbes qui touchent au cœur.
Un portrait original et malin, avec en filigrane une immersion étonnante dans le Cuba actuel.
Arnaud Gueury
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