Titre : Phoolan Devi, reine des bandits
Scénariste – Dessinatrice – Coloriste : Claire Fauvel
Éditeur : Casterman
Parution : Août 2018
Prix : 22€
1994, prison de Tihar à Delhi. Phoolan Devi apprend par la radio sa prochaine libération. Mulayam Singh Yadav vient d’annoncer qu’il abandonnait les 52 charges qui pesaient contre elle. Libre ! Elle est enfin libre après tout ce qu’elle a enduré. En effet, c’est tout ce qu’elle a subi qui a fait d’elle une dacoït : le mépris, les humiliations, les viols, l’opposition entre les castes indiennes, plus précisément celle entre les Mallahs dont elle fait partie et les Thakurs. Mais ce sont aussi un sens inné de la justice et sa volonté de vengeance qui l’ont mené à devenir une rebelle, puis une paria et enfin la reine des bandits qui, tel un Robin des bois moderne, prend aux riches pour redistribuer aux pauvres. Tout commence vingt ans plus tôt dans l’Uttar Pradesh à l’époque où elle devait avoir neuf ans. Déjà à cet âge, des sévices lui sont infligés. À onze ans, elle est mariée à un homme de trente-trois ans qui la viole pendant des mois avant que ses parents ne la récupèrent. Et rien à ce moment-là ne laisse entrevoir ce que sera son destin. Celui d’une icône élue députée au Parlement indien, en 1996 et 1999, et malheureusement abattue en 2001 à New Delhi.
Claire Fauvel (La Guerre de Catherine) réalise avec cet album une retranscription magistrale de l’autobiographie Moi, Phoolan Devi, reine des bandits parue aux éditions Robert Laffont. Une œuvre sur la vie d’une personne hors du commun, d’une Femme avec un grand, très très grand F : Phoolan Devi. L’auteure affirme dans sa préface qu’on ne ressort pas indemne de la lecture de ce livre. Et il en de même en ce qui concerne cette bande dessinée. Pourquoi ? Tout simplement parce que Claire Fauvel est restée parfaitement fidèle aux écrits dictés par Phoolan – elle était analphabète – qui sont tellement sincères, souvent violents mais aussi quelques fois naïfs. Un travail remarquable tant au niveau du scénario que du graphisme qui met parfaitement en exergue les motivations de la jeune femme. On appréhende parfaitement que ce que les journaux considèrent comme un crime n’est autre qu’une justice rendue pour elle. Phoolan s’en est toujours pris à ceux qui opprimaient les basses castes, violaient les femmes ou les jeunes filles et… à ceux qui l’on violée. D’ailleurs, il y a un passage terrible en page 89 : « Il a promis de ne pas me faire de mal. Mais c’est un homme et un homme, pour moi, c’est le viol. » Cela fait froid dans le dos et prouve combien elle a souffert. La finesse du dessin de Claire Fauvel apporte justement ce qu’il faut de douceur en regard de l’extrême dureté des propos. La mise en couleurs, quant à elle, nous embarque littéralement dans les ambiances tantôt lumineuses, tantôt sombres de cette Inde contemporaine qui révulse et choque. Jay Phoolan Devi, reine des bandits.
Une bande dessinée bouleversante et remarquable en tout point qui est un bel hommage mais dénonce également l’ordre religieux des castes à l’origine des luttes ainsi que la condition de la Femme de l’Inde rurale.
Stéphane Girardot
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