Titre : Ernesto ou la mémoire de l’exil républicain espagnol
Scénariste – Dessinatrice – Coloriste : Marion Duclos
Éditeur : Casterman
Parution : Août 2017
Prix : 18€
Cela fait une quarantaine d’années qu’Ernesto vit en France, depuis « la Retirada » durant la Guerre d’Espagne. Une période très dure de sa vie où il a beaucoup perdu, notamment celle qu’il aimait plus que tout, Lucia. D’ailleurs, il ne parle jamais de ce temps-là. Heureusement, il peut compter sur ses proches pour le soutenir. En effet, sa fille Paola s’occupe bien de lui. Elle lui rend souvent visite avec sa propre fille Isabelle et sa petite-fille Lucie. Il y a également son ami Tomas qui vient justement le chercher pour l’apéro habituel du mardi avec sa nouvelle voiture. Mais aujourd’hui, Ernesto est fatigué et n’a pas envie de venir. Cependant, il se laisse convaincre et le suit pour retrouver son groupe d’amis. Malheureusement, il fait un malaise avant même de rentrer dans le bar et se réveille à l’hôpital. Durant son séjour, de vieilles et douloureuses pensées remontent à la surface et Ernesto estime qu’il est temps pour lui de retourner chez lui, en Espagne. Il entame alors un « road trip » sur les routes de son passé, parsemé de discussions passionnées, d’échanges de souvenirs, de belles et surprenantes rencontres.
Comment parler de ces exilés républicains espagnols qui ont été obligés de quitter leur pays, leur famille, pourchassés au-delà des frontières du territoire ibérique par les franquistes et, qui plus est, mal accueillis et oubliés par la France ainsi que par les alliés espagnols, de manière impartiale et digeste ? Le tout à l’aube de la Seconde Guerre Mondiale ! Tout simplement en racontant une belle histoire qui s’entremêle avec l’Histoire, celle d’Ernesto. Un exercice de style parfaitement réussi par Marion Duclos dont le travail dégage une incroyable maturité globale. Logique quand on sait que l’auteure débute ce projet en 2006, qu’il est pré-publié en 2010 sur coconino-world.com avant d’être enrichi par de multiples rencontres et enfin de paraître aux éditions Casterman en 2017. De fait, le récit est très instructif, prenant, choquant par moments, émouvant très souvent mais aussi très drôle et très ancré dans le présent. Un devoir de mémoire magistralement exécuté où tous les personnages sont très attachants et dont la lecture ne vous laissera pas indifférent. L’ensemble est mis en images avec énormément de respect par le truchement d’un trait empreint d’une grande sensibilité et des plus personnels qui atténue la dureté des faits historiques et des horreurs vécues. Un effet accentué par le choix de la palette de couleurs aux teintes pastel et vives.
Un récit à la fois doux et dur, magnifiquement réalisé par une auteure de talent, dont on ne soulignera jamais assez l’utilité historique.
Stéphane Girardot
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