Titre : Das Feuer
Scénariste : Patrick Pécherot
Scénariste – Dessinateur : Joe G. Pinelli
Éditeur : Casterman
Collection : Écritures
Parution : Novembre 2018
Prix : 22€
Première Guerre Mondiale. Un groupe de soldats allemands se retrouve sans tranchée et doit chercher un nouvel abri. Inéluctablement, ils sont la cible des feux nourris des Français mais il n’y a pas que cela. Les intempéries sont aussi un ennemi qui transforme la terre en boue, glace les os, alourdit les vêtements et masque les morts dans le sol. Le narrateur expose son ressentiment et celui de ses camarades d’escouade : Kropp, Katczinsky, Müller, Kemmerich, Wolf, Kurt et Him Melstoss entre autres. Ils viennent tous de différents horizons mais sont tous réduits au même dénominateur commun, au radical minimum de l’humanité. Des grains de poussière dans la grande plaine de la guerre. Cela dure depuis 396 jours, depuis 15 mois. Et ce satané boyau qu’ils ne retrouvent pas ! Passeront-ils la nuit ? Leurs corps nourriront-ils la colonne de macchabées de ce marécage lugubre ?
Das Feuer signifie littéralement Le Feu en allemand. Quoi de plus logique pour cet album qui est l’adaptation libre du roman éponyme d’Henri Barbusse, Prix Goncourt en 1916 (rappelons que le romancier et poète, antimilitariste, communiste et antifasciste, s’est pourtant engagé dans l’armée lorsque la Première Guerre Mondiale a éclaté, et dénonce purement et simplement les horreurs de la guerre dans son livre). Libre dans le sens où Patrick Pécherot (Grand Prix de la Littérature policière 2001 avec son roman Les Brouillards de la Butte paru chez Gallimard) et Joe G. Pinelli (Féroces tropiques) ont transposé l’action de l’œuvre du côté teuton afin de nous faire comprendre que l’horreur de la guerre est universelle, c’est-à-dire nous faire appréhender le fait que si les Français ont vécu des abominations durant ce conflit, il en est de même pour leurs ennemis. Et le message qu’ils veulent véhiculer est clair : ne pas oublier pour que cela ne se reproduise jamais. Les textes sont forts et bousculent mais le dessin de Joe G. Pinelli démultiplie tout leur ressenti, marque les esprits et glace. L’auteur retranscrit l’ensemble au cours des treize chapitres via des illustrations pleine-page ou des planches de deux à quatre cases dans un style expressionniste terrifiant où la grisaille prédomine, à l’image du temps orageux. Une pluie omniprésente représentée par de la verticalité qui contraste avec les courbures des monticules de boue et de morts.
Une adaptation originale et glaçante qui sort des « tranchées battues » pour ne pas oublier.
Stéphane Girardot
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