C’est désormais une tradition, Tony Sandoval est présent chaque année au festival international de la bande dessinée à Angoulême. L’occasion de revenir avec lui sur son dernier album sorti en 2016, dont le thème est dans l’air du temps. Rencontre.
Dans Rendez-vous à Phoenix, tu livres à tes lecteurs une partie de ton histoire, ton passage illégal du Mexique aux Etats-Unis. Était-ce quelque chose que tu voulais raconter depuis longtemps ?
C’est une histoire qui a 19 ans, cela fait longtemps que j’avais envie de la traiter en bande dessinée, mais j’ai préféré attendre de me faire connaître comme auteur. C’est un côté mystérieux que les lecteurs qui me suivent depuis plusieurs années découvrent, une sorte de révélation de mon histoire.
Quel est justement le retour de tes lecteurs qui découvrent cette partie de ton histoire ?
En général les retours sont plutôt positifs, il y a beaucoup de monde qui est intéressé par le sujet et qui me pose des questions afin d’en savoir un peu plus. On me demande souvent si j’ai toujours la même copine et je leur réponds que non, nous sommes restés dix ans ensemble aux Etats-Unis. Elle n’a pas encore lu la BD mais elle sait qu’elle existe.
La frontière mexicano-américaine fait l’actualité depuis quelques mois. Cela risque d’être désormais très difficile de passer clandestinement aux Etats-Unis.
Auparavant il était déjà difficile de passer la frontière mais maintenant ça ne rigole plus, c’est quasiment impossible de passer aux Etats-Unis. J’ai vu beaucoup de documentaires qui parlent du sujet et j’ai pu voir la différence avec l’époque où je suis passé clandestinement. Maintenant les passeurs et les clandestins doivent vraiment s’équiper de manière poussée pour avoir une chance de réussir car il faut passer par des endroits plus dangereux car moins surveillés. Cela fait forcément monter le tarif. Du coup, quand ils réussissent à passer aux Etats-Unis, ils ne s’amusent plus à retourner voir leur famille au Mexique de temps en temps.
Que retiens-tu en particulier de cette expérience ?
Je retiens beaucoup de choses positives. J’ai appris l’anglais, j’ai appris à mieux connaître mon pays et sa culture avec la distance, j’ai aussi appris de moi-même. Cette expérience m’a donné beaucoup d’assurance. J’ai appris des gens que j’ai croisés, certains semblaient méchants à première vue mais avec ils s’avéraient au final être les plus sympas, je pense par exemple au passeur qui m’a permis de rentrer aux Etats-Unis. Les gens que j’ai rencontrés dans ce pays étaient aussi super cool, j’y ai rencontré aussi beaucoup d’étrangers. Artistiquement parlant, j’ai aussi beaucoup gagné, j’ai pu observer de nombreux artistes et leur manière de travailler. Cette expérience est arrivée à un moment de ma vie où j’étais prêt à la vivre.
Auteur de BD fantastiques, de BD plus intimistes ou bien encore de BD pour enfants, on peut dire que tu sais tout faire ?
Non on ne peut pas dire ça, je fais ce que je peux et ce que j’aime. J’adore dessiner des histoires fantastiques car cela me permet de créer des choses qui n’existent pas. J’aime bien toucher à plusieurs genres pour voir ce que ça donne, souvent je fais un essai de dix planches pour voir si ça me plaît et ensuite je décide si je poursuis le projet ou non.
Y a-t-il un genre dans lequel tu es le plus à l’aise ?
C’est toujours facile de jouer dans sa zone de confort, en sortir est un challenge. Avant de me lancer dans un projet, j’essaie de voir avant tout si je suis compétent, c’est le plus important car si ce n’est pas le cas ce n’est pas la peine d’aller dans cette voie. Je me rappelle que l’autre jour je suis allé avec un ami à Paris voir une exposition sur Rembrandt, j’avais une envie de dessiner après, c’est ce que j’aime et qui me motive. Cela m’encourage à me surpasser et à progresser dans mon travail.
Quand on découvre ton travail sur un album, peu importe lequel, cela peut être déroutant d’en lire un autre en s’attendant au même genre alors que finalement ce n’est pas le cas. On pense par exemple aux parents qui souhaiteraient offrir un album à leurs enfants.
Cela me fait penser aux gens qui achètent des vêtements à leur chien, les gens ont froid et pensent que leur chien aussi, alors que pas du tout. C’est la même chose avec les enfants et les livres, les parents pensent que leurs enfants auront peur en lisant telle ou telle histoire alors que pas forcément. Quand j’étais enfant, j’adorais avoir peur et ce n’est pas forcément traumatisant. Bien sûr, dans mes récits il y a parfois de la violence, un peu de sexe mais je ne dessine pas de BD sodomiques, gores. Il ne faut pas interdire aux enfants de lire mes albums mais, par contre, quand je me trouve face aux parents, je les avertis sur le contenu de mes albums. Un jour, au Mexique, lors du salon du livre jeunesse, je donnais une conférence et je me suis retrouvé uniquement face à des parents. A la base ce n’était pas le sujet, mais on en est venu à partir sur une discussion là-dessus, ça a duré près d’une heure et demie et c’était vraiment super intéressant. J’ai appris beaucoup de cette rencontre.
Tes titres ont été réédités aux éditions Paquet afin d’uniformiser les formats et ainsi donner une unité au tout. Était-ce une demande de ta part à l’éditeur ou une idée commune ?
Avec Pierre Paquet, on est presque toujours d’accord, nous nous respectons mutuellement pour le travail que nous accomplissons l’un et l’autre. Le fait d’uniformiser mes albums en un seul format me plaît parce que ça me donne l’image d’un auteur régulier.
Quelle sera ton actualité en 2017 ?
J’ai créé une boîte avec un pote qui s’appelle Muertito Press dans le but de publier les albums que j’ai envie de faire. J’ai une liberté totale chez Paquet mais par contre je n’ai pas le dernier mot, ce que j’aurais avec Muertito. Cela ne remet pas du tout en cause mon travail pour les éditions Paquet. Je ferai mon roman graphique annuel pour eux et à côté je ferais tranquillement ma série prévue en six tomes. Ce sera une histoire pré-apocalyptique sur les artistes et surtout les dessinateurs de bande dessinée (Rires). Cela me permettra de montrer comment vivre sans les technologies modernes tels que les téléphones portables et c’est assez marrant de voir comment vont s’en sortir les personnages dans cet environnement nouveau pour eux. Ils seront confrontés à des problématiques comme comment manger et quoi manger. La série s’intitulera Futura Nostalgia.
Merci à toi d’avoir répondu à nos questions.
Propos recueillis par Sophie André et Nicolas Vadeau
Interview réalisée le 26 janvier 2017.
Réagissez !
Pas de réponses à “Dans la bulle de… Tony Sandoval”