Série TV connue et reconnue, Lazy Company est depuis quelques semaines également présente dans les rayons de toutes les bonnes librairies. Pour cette adaptation, rien de tel que le co-créateur de la série, Samuel Bodin, pour scénariser l’album et un dessinateur de talent, Ullcer, pour la transposer en images. Nous sommes allés à la rencontre de ces deux sympathiques auteurs.
Bonjour Samuel et Ullcer, ma première question s’adresse à Samuel. Tu es fan de BD, voir la série TV que tu as co-créé adaptée en BD c’est une forme d’aboutissement ?
SB : Un aboutissement je ne sais pas, mais cela faisait longtemps que j’avais envie de voir ce que ça faisait d’écrire pour une bande dessinée et surtout de réfléchir à ce qui change narrativement par rapport à ce que je fais habituellement. Je suis très content d’avoir pu goûter à cette nouvelle expérience.
Imaginais-tu cette adaptation possible ou est-ce un concours de circonstances qui fait qu’aujourd’hui la BD existe ?
SB : Pas du tout. Quand on a fait la série, on était déjà très occupé à l’idée d’essayer de faire quelque chose qui nous plaise et qui réponde à l’envie de ce que l’on souhaitait raconter dans ce format-là. Cela a pris toute notre concentration. Je suis une personne qui pense très peu à tout ce qui touche aux produits dérivés, les choses se sont présentées après, la série était déjà nourries de bande dessinées car c’est un univers que l’on voulait approcher mais je ne me disais pas qu’à un moment elle serait adaptée. En fait c’est quand quelqu’un nous l’a demandé que l’on s’est mis à se poser la question.
Ullcer, tu connaissais déjà la série TV avant de t’attaquer à l’adaptation. Y a-t-il eu une forme de pression pour le fan que tu es au moment de te lancer ?
U : En fait, je connais Samuel (Bodin) et Alexandre (Philip) depuis pas mal d’années, avant même qu’ils fassent la Lazy Company. J’ai assisté à la naissance de la série, plus ou moins de l’intérieur, donc même si je suis fan, je pense que j’ai un regard un peu différent de quelqu’un qui découvrirait la série à la TV (même si j’essaie de rester le plus « frais » possible quand je découvre de nouveaux épisodes, en demandant aux auteurs de ne pas me spoiler, par exemple). Mais oui, il y avait forcément une forme de pression que je me suis mise moi-même, car j’avais envie de rester fidèle au ton de la série, à l’esprit des personnages, et j’avais surtout à cœur que Samuel soit satisfait de mon boulot, car il est pas mal exigeant. On a mis un peu de temps à s’apprivoiser et on a fini par trouver notre équilibre de travail au bout de quelques séquences.
Comment s’est passée votre collaboration ?
SB : Johann (NDLR : prénom d’Ullcer) a commencé par m’envoyer des scripts de BD histoire que je vois techniquement comment les auteurs travaillaient car c’est différent de ce que l’on fait dans le cinéma ou pour la télévision. Je me suis rendu compte qu’en fait chacun faisait un peu comme il voulait, cela dépend de l’implication que l’on souhaite avoir dans la mise en scène. J’ai proposé une manière de faire à Johann de manière assez instinctive, j’ai travaillé, j’ai décrit mes premières pages et suite à cela nous avons trouvé une façon de nous exprimer qui correspondait à nous deux. J’avais déjà fait tout un traitement de la bande dessinée, un découpage et de là on s’est entraîné sur les premières pages et dès qu’on a trouvé le truc on a déroulé. Sur certaines scènes j’ai mis des propositions de mise en scène très détaillées et d’autres où je lui disais carrément « mise en page libre, éclate toi ».
U : Comme je le disais, on s’est un peu cherchés au début, chacun venant avec ses envies, sa vision. Sam avait envie d’aller vraiment « ailleurs » par rapport à la série, et moi j’avais tendance à le ramener vers le ton de la série, parce que c’est aussi pour ça que j’ai voulu faire cet album, pour retrouver ces personnages que j’aime. Et on a fini par trouver un équilibre qui fait que c’est totalement une aventure de la Lazy Company, mais que ça va aussi vers d’autres choses, ça pousse des aspects (le fantastique par exemple) qu’ils n’ont pas trop les moyens de faire à la TV. Après, visuellement, Samuel m’a apporté pas mal de choses. Comme il est réalisateur, il a forcément déjà des images en tête, et il m’a proposé pas mal d’options de mise en scène. Ça a été un peu difficile au début, car j’ai l’habitude de mettre en scène moi-même, mais encore une fois, on a appris à se comprendre, et à trouver un bon équilibre entre nos deux visions. Il m’a poussé vers plus de radicalité, je l’ai parfois ramené vers plus de clarté. Je trouve que Sam a remporté avec brio le challenge du premier album. Il lit beaucoup de BD, il a bien capté comment marche le support, ce qui est loin d’être évident quand on n’est pas habitué.
Samuel, as-tu rencontré des difficultés pour transposer tes personnages en BD ? On pense par exemple au personnage de Jeanne qui a un langage bien particulier et que l’on retrouve dans le prologue.
SB : A vrai dire pas trop. C’est assez curieux le début de l’album car le prologue a été fait suite à une demande de l’éditrice et Johann, personnellement je n’avais pas la même vision, je voyais plutôt l’histoire commencer dans l’avion qui mène les personnages au Tibet et non sur les champs de bataille en Normandie. Du coup vu que Marion Amirganian et Johann souhaitaient que l’on fasse un pont avec la série, que l’on se fasse plaisir sur une première petite partie. A ce moment je me suis dit d’accord mais dans ce cas-là j’aimerais qu’il y ait le personnage de Jeanne. Il fallait en quelques pages raconter qui sont ces gens et le contexte tout en n’omettant pas le ton de la série. C’était assez fun et ça n’a pas été compliqué à faire mais par contre il fallait qu’on fasse court pour ne pas empiéter sur l’histoire principale. Pour revenir à Jeanne, cela n’a pas été difficile car le langage de Jeanne est déjà très décrit dans la série, les mots que dit Aurelia Poirier (NDLR : comédienne qui incarne le personnage de Jeanne dans la série) sont écrits, elle le dit ensuite à son rythme en ajoutant un accent. Tous les mots sont déjà là donc j’ai pris son dialecte et je l’ai écrit comme tel dans la BD.
Et toi Ullcer, quel personnage as-tu préféré dessiner et lequel t’a posé le plus de souci ?
U: Chester est chouette à dessiner, parce qu’il est très volubile, c’est une espèce de capitaine Haddock, donc on peut le faire passer par plein d’expressions. Jeanne et Henry me sont venus très vite, et j’adore faire Jeanne en dédicace, avec ses grands yeux. Les plus délicats sont sans doute Niels et Slice. Niels parce qu’il faut flirter en permanence entre le côté bonne gueule, et le côté « alcoolo-couard », et Slice parce qu’on a pris le parti de la dessiner beaucoup plus féminine que dans la série, mais il ne s’agit pas pour autant d’en faire une bombe.
Tu as retrouvé l’équipe de la série au Comic Con de Paris qui s’est tenu au mois d’octobre. Que t’ont dit les acteurs vis-à-vis de la BD ?
U : Je n’ai eu que des retours positifs, voire élogieux, et je dois avouer que c’est un grand plaisir, et un soulagement. C’était vachement important pour moi que les comédiens retrouvent fidèlement les personnages qu’ils ont incarné. Toute l’équipe s’est prêtée au jeu de la dédicace parce qu’ils ont un vrai plaisir à se retrouver ensemble, et parce qu’ils ont sincèrement apprécié notre démarche sur le livre. Du coup, même s’ils ont un rapport lointain avec l’album, ils sont venus le soutenir comme ils soutiennent la série et ça m’a beaucoup touché.
Heureux de la façon dont tu les as dessinés ?
U : Alban (Lenoir) a trouvé que je ne l’avais pas trop arrangé (rire), mais il a complètement adhéré au parti pris graphique semi-réaliste. Dès les premières pages que je lui ai montré, il était à fond! Je crois qu’ils ont tous compris qu’il n’était pas pertinent, vu le ton du livre, de faire des portraits réalistes d’eux-mêmes, et qu’il était plus judicieux de réinterpréter les personnages à ma sauce. En fait, je ne dessine jamais Alban, ou Antoine (Lesimple). Je dessine Chester et Henry. Evidemment, j’utilise des caractéristiques physiques des acteurs, des mimiques, mais je prends uniquement ce qui m’intéresse, ce qui me semble caractériser le personnage, pour mieux lui donner vie en dessin.
Les fans rencontrés lors de Comic Con ont-ils apprécié l’album et la transposition en BD d’une série qu’ils aiment au format TV ?
U : C’était difficile à apprécier sur l’instant, car beaucoup venaient d’acheter l’album et ne l’avaient pas encore lu. Mais je sentais un vrai enthousiasme de leur part de retrouver leurs personnages sur un autre support. Et les retours que j’ai eu depuis sur le net me confirment qu’on a plutôt bien réussi notre coup, qu’on a bien gardé l’esprit de la série tout en l’emmenant un peu ailleurs aussi. Mais ce qui m’a fait très plaisir aussi, c’est de voir qu’on avait une part importante de gens qui découvraient d’abord la BD, et qui, du coup, avaient envie de voir la série dans la foulée. Et ça c’est vraiment chouette, parce que ça montre que le livre existe d’abord par lui-même, et que le côté « cross média » fonctionne dans les deux sens.
Samuel, cela te donne envie de travailler sur d’autres séries en BD ou c’est uniquement pour la Lazy ?
SB : Cela me donne beaucoup envie en effet, peut-être pas pour des séries mais plutôt des one-shot. J’aimerais beaucoup écrire une autre bande dessinée mais pour l’instant je suis pris sur d’autres projets, cela arrivera bien un jour et cette fois sur un autre thème, un nouvel univers.
Un second tome est d’ores et déjà prévu avec cette fois Alexandre Philip au scénario. Est-ce que cet album sera le dernier ou est-ce que la série BD se poursuivra et permettra de poursuivre les aventures de la Lazy Company qui prennent fin à la télévision avec la saison 3 ?
SB : On n’en sait rien du tout en fait, on va déjà attendre le tome 2 et on verra ce qui se passera. L’éditeur souhaitera peut-être un tome 3 voire plus, on verra à ce moment-là où on en est dans notre travail. Le deal au démarrage était que je fasse le tome 1 et si jamais il y avait un tome 2 ce serait Alexandre qui s’en chargerait. Nous nous sommes arrêtés là dans notre réflexion.
Après le Tibet, où vont être parachutés les personnages de la série dans le tome 2 ?
U : Le tome 2 sera écrit pas Alexandre Philip, l’autre créateur de la Lazy Company. Et là, on va quitter le froid du Tibet pour les chaleurs du Mexique ! J’ai hâte de m’y mettre !
La saison 3 de la Lazy Company est en cours de diffusion sur OCS. Comment s’annonce l’après Lazy Company pour toi Samuel ? De nouveaux projets ?
SB : J’ai de nouveaux projets qui sont en écriture et en financement donc qui n’existeront peut-être jamais. Pour l’instant je planche sur deux scénarios de long métrage mais ce n’est pas pour ça que j’exclue de revenir sur une série après. Ce sont deux projets bien différents, il y en a un qui pourrait avoir un peu de loin le ton un peu fou de la Lazy, en tout cas très fictionnel, puisque ce sera une comédie d’aventure.
Merci à vous deux d’avoir répondu à nos questions.
Propos recueillis par Nicolas Vadeau
Interview réalisée le 11 novembre 2015.
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