Parmi les sorties de la pré-rentrée se trouvait une bande dessinée jeunesse qui ne pouvait pas passer inaperçue. Il s’agit du deuxième tome d’Alexandrine, la petite fille qui s’exprime en faisant des rimes. Une création originale de Michel-Yves Schmitt et Thomas Priou, publiée par les éditions Casterman, qui arrive à point nommé pour motiver nos chères têtes blondes en cette période de l’année. Mais avant que les cours ne commencent, nous avons rencontré les deux auteurs afin qu’ils nous en disent un peu plus sur cette brillante élève.
Bonjour Michel-Yves et Thomas, tout d’abord nous aimerions savoir comment est née la série Alexandrine ?
MYS : Bonjour. La naissance d’Alexandrine vient de mon amour pour les livres de mon adolescence tels que Cyrano de Bergerac et Ruy Blas, où la richesse des alexandrins et leur musicalité ont toujours eu pour moi une fascination. Un personnage s’exprimant par rimes capte de suite l’oreille des enfants et bien sûr des adultes. Une petite fille douée de cette faculté naturelle était donc l’occasion d’aborder une thématique de « gamine pas ordinaire », se sentant rejetée par ses camarades. J’ai proposé ce thème à Thomas qui en a fait une gamine à la large tignasse rose la caractérisant visuellement. Le sujet l’intéressait, on en a profité pour parler des thèmes de la « différence » et les « soucis de communication » entre les gens.
TP : Nous nous sommes rencontrés lors d’un salon de BD il y a deux ans déjà, et je lui avais fait part de mon envie de travailler avec lui, et quelques mois plus tard, les prémices d’Alexandrine étaient dans ma boîte mail. J’ai assez vite adhéré à l’idée et me suis lancé dans des crobars avec pour objectif de rendre la gamine reconnaissable de loin, d’où le choix de la tignasse de couleur.
Pourquoi la faire s’exprimer en alexandrins ?
MYS : Pour les raisons exprimées plus haut, mais également pour la beauté de la poésie, et l’originalité des dialogues. Peu de bandes dessinées osent l’alexandrin ou la rime comme dialogue dans un récit contemporain, car c’est soi-disant une forme de langage un peu ancien. La littérature jeunesse l’utilise souvent pour le plaisir de lire des contes et des fables, mais moins la BD. Il y a aussi le challenge d’actualiser un langage jamais employé dans la vie quotidienne.
Dans quel but avez-vous introduit Stokk et Mastokk qui sont deux personnages importants, à la fois imaginaires et réels ?
MYS : Peu comprise par les enfants de son âge, il fallait pour Alexandrine des faire-valoir avec qui communiquer en rimes. Ces deux êtres imaginaires parlant comme elle était la solution idéale pour visualiser les pensées d’Alexandrine et ses questionnements sous forme de dialogues amusants. Et puis ils permettent d’insuffler une bonne dose d’humour dans les situations, car Stokk et Mastokk n’arrêtent pas de se chamailler, de trouver des solutions décalées et d’inciter Alexandrine à relativiser.
Beaucoup de thèmes sont abordés, comme l’intolérance, l’amitié, la compassion et la solidarité que l’on retrouve dans le tome 2, car Alexandrine devient la meilleure amie d’un certain Gwen ! Sont-ce pour vous des messages essentiels à faire passer ?
MYS : Absolument. L’intolérance est sans doute le mal le plus nuisible de notre société actuelle. Il est bon de rappeler et souligner que si l’on n’est pas tous pareils, la communication est le lien unique pour accepter l’autre. Juger sur la simple différence est trop commode pour les crétins.
Thomas, tu travailles jusqu’à maintenant uniquement dans la jeunesse, as-tu une envie de faire quelque chose de plus adulte ?
TP : J’aimerais bien oui. Au départ, je me suis tourné vers la jeunesse parce que mon trait s’y prêtait, mais le temps avançant, l’envie d’une narration et d’un trait plus adultes me travaille pas mal. On verra comment les choses évoluent.
En tant qu’auteur de BD tu travailles avec divers éditeurs, mais également pour plusieurs magazines. Abordes-tu le travail sur un album de la même façon que ton travail pour les magazines ?
TP : Plus ou moins, dans la mesure ou les contraintes sont différentes. Le point commun entre aborder un album et un jeu pour la presse est le souci de lisibilité et de narration. Mais raconter des choses avec des cases, bien choisir et amuser sur une double page de jeu, ce n’est pas tout à fait la même chose. Dans tous les cas, le but est de prendre un maximum de plaisir.
Michel-Yves, vous, vous écrivez aussi bien pour les adultes que pour les enfants. Qu’est-ce qui vous plaît dans ces récits pour la jeunesse ?
MYS : Les récits jeunesse permettent pour ma part d’allier imaginaire et humour. Dans mes récits adultes, pour le moment, j’ai toujours eu tendance à garder une part de crédibilité réaliste parfois contraignante. Avec l’humour pour enfants, j’explose le rationnel, je me lâche plus dans des situations décalées, voire j’aborde le burlesque. C’est bien plus plaisant. Et puis s’exprimer pour les enfants, c’est magique. C’est un public qui cherche constamment l’émerveillement, la fantaisie, la surprise. Ça motive encore plus mes méninges. ^^
Chaque album d’Alexandrine compte 32 pages. Est-ce un souhait de votre part ou de l’éditeur de ne pas avoir réalisé de 46 pages ?
MYS : L’éditeur a souhaité faire deux albums de 32 pages par an pour lancer la série et fidéliser ainsi le lecteur à Alexandrine. C’est vrai que c’est un peu court pour détailler certaines situations, mais ça permet de diversifier les thèmes et les personnages d’album en album.
D’autres albums d’Alexandrine sont-ils prévus ?
MYS : Logiquement un tome 3, à condition que les ventes du tome 2 soient bonnes. Alors, achetez-en plein ! ^^
TP : Plein plein !
Merci à vous d’avoir répondu à nos questions.
Propos recueillis par Stéphane Girardot et Nicolas Vadeau
Interview réalisée le 7 septembre 2015.
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