Il était très difficile ces dernières semaines de ne pas entendre parler de Valérian par l’intermédiaire du blockbuster lancé par Luc Besson. Mais, alors que la saga a été conclue par ses créateurs, un nouvel album consacré au mythique agent spatio-temporel ne peut que faire l’événement. Encore plus lorsqu’il est porté par un scénariste aussi épatant que Wilfrid Lupano et un dessinateur venu d’univers plus sombres et épiques. Pour revenir sur cette collaboration inattendue, sur ses liens avec la série originale et son travail spectaculaire sur Shingouzlooz Inc., nous avons rencontré Mathieu Lauffray lors de sa venue au festival Quai des Bulles.
Bonjour Mathieu ! On vous retrouve aujourd’hui sur un projet assez particulier autour de Valérian.
Ce qui était marrant avec cette histoire de Valérian, c’est qu’en fait moi je connais Jean-Claude Mézières depuis très longtemps, il était venu donner des cours dans l’école où je travaillais en tant qu’étudiant, aux Arts déco à l’époque. Il était venu faire quelques interventions en section illustration et je lui avais montré mon book. Il m’avait cassé les reins – ça il sait très bien le faire (rires) – mais il avait bien accroché sur le travail couleur et il m’avait proposé de faire des mises en couleurs sur l’album sur lequel il travaillait à l’époque, qui était Les Cercles du pouvoir. J’ai fait deux pages, une séquence avec une ambiance un peu particulière. Et puis après il m’a donné des tas de conseils pour mon premier bouquin que j’ai sorti la même année et qui était Le Serment de l’Ambre, chez Delcourt. Je sortais de l’école avec mon premier bouquin sous le bras et il m’avait bien aidé. Il m’a donné des bons conseils, concis, radicaux, super-éclairants. Ça m’a permis de faire mon premier livre, après j’ai fait ma carrière, lui a continué tranquille, et on s’est recroisé des années après à une expo. Et là il m’a dit « écoute, ça se passe bien, si tu veux tu peux prendre mes jouets et faire un Valérian. » C’était il y a à peu près 4/5 ans, et après le problème a été de trouver un bon scénario. Moi j’étais prêt à le dessiner, je voulais y aller mais il fallait qu’on démarre sur un truc sérieux.
C’était à l’époque du Valérian de Manu Larcenet ?
C’était peut-être un poil après ou avant, je ne sais plus. Mais c’était à cette époque, le pli était pris, c’était éventuellement possible de faire quelque chose. C’était bien avant que le film soit en projet. Le temps a passé parce qu’on a pris du temps à trouver le bon scénario et Pierre Christin était sur la brèche. Je crois qu’il a été assez dur dans sa sélection. Puis je crois qu’il a bien adhéré à ce qu’a proposé Wilfrid Lupano qui du coup a développé le synopsis et le scénario complet dans la continuité. Je l’ai eu clé en main, finalisé et terminé il y a un an. Là il fallait se décider assez vite parce que j’avais déjà commencé autre chose, un autre projet de pirates. Et je me suis décidé parce que ça m’a fait hurler de rire, parce que le scénario était vraiment en béton armé… ce n’était pas confortable pour moi parce que c’était clairement un registre plus humoristique que d’habitude, mais c’était juste irrésistible. Et Wilfrid m’a plu, le scénario m’a plu, Mézières et Christin ont adoré… Il fallait y aller, je me suis lancé.
Est-ce qu’il y avait l’envie d’aller vers quelque chose d’assez humoristique et décalé ?
Non, mais Christin était dans cette ligne depuis longtemps. Lui a toujours un positionnement politique et une réflexion sur la société, et il a utilisé la science-fiction pour ça. Il l’a souvent fait, aussi bien avec Enki Bilal qu’avec Mézières, c’était quelque chose d’important. Lupano a fait le même exercice. Par contre, il va encore un peu plus dans l’humour, mais il y a quand même des albums de Valérian qui sont clairement des comédies et pour lesquels on est tout à fait dans la même ligne. Et puis c’est un « Vu par », donc on a pu y aller franchement, ce n’est pas la série, c’est un regard, une interprétation libre sur un one shot, on n’était pas tenu à une espèce de continuité par rapport à la série. Au niveau visuel et au niveau scénario, il était encouragé pour qu’on s’en éloigne.
C’était une liberté totale ?
Oui, il fallait juste que ce soit bien. Ils étaient juges. Moi j’étais sélectionné au graphisme donc a priori il y avait l’aval de la part de Mézières, mais sur le scénario il fallait qu’on ait un ton juste qui colle avec ce qui leur plaît. Après ils nous ont laissés totalement tranquilles. Ils voulaient juste que le contenu corresponde en terme d’idées, en termes de ton… que ça leur plaise. Et on a eu la chance de leur plaire.
Étaient-ils donc ouverts à l’autodérision ?
En fait, ce n’est pas une parodie, c’est ça qui était important. On n’est pas dans une satire. C’est dans l’esprit de la série mais un poil plus marrant, un poil plus loufoque, un poil plus déluré. Mais on n’est jamais en train de se foutre de la gueule de la licence d’origine, il n’y a pas de moquerie, il n’y a même pas de distance. Les personnages vivent vraiment des dangers, ils se battent pour s’en sortir, on n’est pas en train de faire les cons. Ça se joue à très peu de choses donc le réglage leur a paru dans la ligne.
Et comment avez-vous trouvé votre place graphiquement ?
Graphiquement c’était libre de la part de Christin et Mézières, mais ça ne l’était pas du tout du côté de Wilfrid, parce que son écriture était extrêmement précise, millimétrée, comme souvent sur des comédies, avec des vraies logistiques de lieu. Donc moi ça m’a imposé une école de la rigueur que je n’avais pas toujours. (rires) Mes autres séries sont assez baroques, assez romanesques, je suis beaucoup dans la puissance et moins dans la précision, et là il a fallu gagner en rigueur.
Est-ce que ça a nécessité beaucoup de recherches ?
J’ai une grosse expérience de designer dans le cinéma alors je suis assez habitué à côtoyer des univers et à les designer, donc ce n’est pas quelque chose qui m’a posé d’énormes soucis. Et ce n’était pas l’enjeu, c’est à dire que j’ai fait quelque chose qui me paraissait bien mais je ne vais pas me réapproprier et redesigner la série parce que ce n’était pas mon rôle. Mon rôle était vraiment une petite parenthèse, une récréation où ils nous ont prêté leurs jouets. Alors oui j’ai refait un peu les costumes comme j’aime, j’ai refait deux ou trois petites choses, comme le vaisseau des Shingouz qui me plaît bien, lui je l’ai redessiné de A à Z. L’essentiel était quand même qu’on retrouve à peu près les éléments de la série d’origine, je les ai dessinés à ma façon mais il n’y avait pas pour enjeu de recréer la mythologie. J’ai aussi fait une proposition de design sur Galaxity parce qu’il n’y avait pas vraiment de design établi depuis 25/30 ans, là j’ai posé un truc parce que le sujet le demandait, mais mon objectif n’était pas le relooking de Valérian. C’était un album, maintenant je ne fais plus d’ex-libris, etc., j’ai redonné les jouets à leurs propriétaires car je n’ai pas envie de faire des dessins de Valérian ad vitam aeternam. On m’a prêté ça et j’ai essayé d’en faire le mieux que je pouvais.
Sans aucun regret ?
Le regret c’est que je me suis bien amusé, ça a été drôle. D’abord, le scénario est drôle et amusant, finaud, bien dialogué. Je ne pouvais pas dire non à ça, c’est un super super super scénario ! Il y a peu de gens qui sont capables d’écrire ça. Wilfrid sait parler à des publics sur des quantités de strates différentes. Il peut faire une histoire absolument facile mais il va l’émailler de quantité de choses qu’on découvre à la relecture, donc c’est un livre qui est beaucoup plus touffu et finaud qu’on le pense au premier abord. Et c’est amusant de faire rire. Moi j’étais plutôt dans le drame et dans les choses un peu spectaculaires, donc je sais susciter des réactions, mais voir des gens qui se marrent et un public familial – car j’ai des gamins qui viennent me voir – c’est nouveau pour moi. Donc ça élargit les possibles, c’est le premier bouquin que j’ai fait que mes gamins peuvent lire. Je ne l’avais pas anticipé. C’est de la ligne claire, c’est rigolo, il n’y a rien de problématique pour un enfant, c’est nouveau pour moi et c’est vachement agréable. Et c’est agréable de faire quelque chose de « feel good », avec l’idée qu’on en sorte avec le sourire.
Ces touches humoristiques ont-elles changé quelque chose dans votre dessin ?
Ah oui, largement, déjà il n’y a plus de noir quasiment. J’ai fait de la ligne claire pour être lisible car il y a beaucoup de choses à raconter dans une page. Si j’avais commencé à charbonner comme un malade, ça aurait été loupé.
Aviez-vous lu l’album de Manu Larcenet, qui était déjà très décalé ?
Oui, c’était vraiment du Larcenet. Là on a essayé de faire une vraie histoire d’aventure familiale. Essayer de faire quelque chose qui soit écrit comme du grand drame ambitieux mais qui soit léger et sans prétention, c’est un réglage qui est assez chouette et extrêmement difficile à faire. Il y a très peu de scénaristes qui savent faire une histoire qui soit aussi drôle avec des thèmes forts. Et il a réussi à compacter ça en 54 pages. Il y a de quoi lire. C’est très tenu dans le récit mais il y a beaucoup de thèmes qui sont abordés.
Comment appréhendiez-vous le retour des fans ?
Très objectivement, j’étais embêté d’une chose – je ne sais pas si je devrais le dire – c’est que, quand on a commencé cet album, c’était un album sympathique entre deux vieux copains, c’est à dire Mézières et moi, et ça n’avait pas d’enjeux commerciaux parce que moi j’aurais juste une visibilité différente de mes séries de pirates sur lesquels j’avais bien marché. Et c’était le plaisir de se dire qu’on allait faire une espèce de petit pique-nique sympa ensemble. Progressivement, avec la sortie du film, c’est devenu une espèce de gros truc qui pourrait être ressenti comme un produit d’exploitation ou un produit lié à la mise en avant du film. Ce n’était pas l’intention. Ce n’est pas ça, c’est un album totalement honnête, sincère et simple, sur lequel on a mis une énergie qui était liée au fait qu’on aime profondément Valérian et Laureline et qu’on essayé de faire un bon bouquin. Du coup, j’ai l’inquiétude que les gens nous voient comme des auteurs qui veulent cachetonner parce que tout d’un coup c’est le moment de faire du Valérian, et ça m’embête parce que ce n’est pas ça.
On ne retrouve pas la police d’écriture du film sur la couverture, par exemple.
On n’était pas loin de ça et Dargaud a su éviter ce piège parce que c’est pas du tout la BD du film. Mais le fait qu’on soit aussi proche de la sortie du film, le fait qu’on en ait autant parlé au niveau médiatique, c’est difficile quand même que le rapprochement ne soit pas fait. Maintenant les dés sont jetés et j’aimerais que les gens le lisent et voient le contenu. Je crois qu’il est sympathique.
Dans un sens, on se dit qu’on a dans cet album tout ce qu’on aurait aimé voir dans le film, à commencer par la relation entre les personnages.
C’est gentil. Ce qu’il y a de vraiment charmant avec Valérian et Laureline, c’est que quelque part ils ont un côté vieux couple. C’est une dimension vraiment importante, on sent qu’ils ont voyagé dans l’espace cent fois. Ils se sont engueulés et réconciliés cent fois, ils se connaissent sur le bout des ongles. Ce n’est pas un jeune couple qui est en train de se créer, ils ont déjà baroudé. Ils ne sont pas glam. (rires) On a fait des remarques sur le côté femme-objet et compagnie, mais tout le charme de Laureline c’est qu’elle le sait, elle le fait dans la série d’origine avec un total détachement et un grand professionnalisme parce qu’elle sait que ça va être la solution et que le reste du temps elle mise sur l’intelligence, la stratégie, etc. C’est tout sauf la femme-objet. Au point même qu’elle peut s’en amuser de temps en temps et se mettre en maillot parce que la situation fait qu’on va dans un casino et que ça va scorer en faisant ça. Et c’est très amusant de voir la palette incroyable de Christin et Mézières à l’époque leur permettant d’aller à chaque fois dans une époque différente, sur une planète différente… ils vont faire un récit historique puis une survivance dans la jungle ou sur une planète avec Les Oiseaux du Maître, puis repartir dans des intrigues politiques… la variété de ce qui est possible dans le monde de Valérian, c’est incroyable.
Aviez-vous tout relu ?
En fait, je l’ai pas trop fait parce que je ne voulais pas me remettre de pression et je voulais profiter du souvenir, de la synthèse qui s’était passée dans mon esprit. Sinon je me serais forcé à recopier les designs, les cases qui m’ont plu, des choses dans ce genre et je pense que j’aurais trop été dans la référence. Il fallait interpréter, les auteurs étaient très clairs et nous ont dit « faites votre truc, on ne veux pas reconnaître nos personnages, faites comme si vous aviez eu la même idée pour le faire à votre façon. » Du coup, les lecteurs sont embêtés parce que ça ne ressemble pas complètement aux personnages de Mézières mais c’est le principe, il ne fallait pas qu’il y ait la moindre ambiguïté : on ne reprend pas la série. Valérian est dans l’esprit, il fait les efforts, se fait engueuler en permanence et il n’y arrive jamais complètement. C’est un bon gars, il fait de son mieux.
Le temps assez long entre les deux albums dérivés n’a-t-il pas été un peu gênant pour placer le vôtre ?
En fait, ce n’était pas du tout conçu pour être une série, je n’ai pas tellement réfléchi à ça. Je pense que ça se fait beaucoup à l’envie, cette affaire-là. Il n’y a pas d’enjeu commercial sur ces albums parce qu’on est décalé. Donc je ne suis pas sûr que les fans hardcore de Valérian y viennent tous parce qu’ils aiment surtout la série d’origine, et les fans de Lupano, de Larcenet ou de moi ont peut-être été un peu déconcertés parce que c’est décalé par rapport à nos productions, ce n’est pas Les Vieux Fourneaux, ce n’est Blast, ce n’est pas Long John Silver… On n’est pas dans notre cible fondamentale, ce n’est pas l’album le plus facile à vendre pour nous. Mais on aura des nouveaux lecteurs, on en récupérera peut-être quelques-uns mais je pense qu’un fan des Vieux Fourneaux ne va pas forcément se ruer sur mon graphisme comme un fan de Long John Silver va peut-être trouver ça un peu trop sucré, un peu trop rigolo, un peu trop léger. Donc là on est dans un nouveau secteur. Comme toujours, quand on modifie sa promesse, il se passe des trucs.
D’où encore une fois le fait de ne pas rattacher ça à un produit marketing.
Non, alors là pas du tout ! D’un point de vue financier élémentaire, on partage les droits à quatre, c’est vachement moins intéressant que de faire nos séries perso d’un point de vue strictement pécuniaire. On perd des sous en faisant un album comme ça, c’est juste pour le plaisir, honnêtement.
Comment s’est passée l’attente d’un scénariste ?
J’ai fait le tome 4 de Prophet et après j’ai commencé le projet de ma prochaine série de pirates. Pour avoir vu les scénaristes potentiels, j’affirme que Valérian est parmi les choses les plus difficiles à écrire. Parce qu’il faut un gros bagage culturel et un gros bagage sur le message SF. Après il faut écrire une intrigue qui tienne en divertissement. C’est super dur parce que faire une thèse et la faire sérieusement, on trouve. Trouver des gens pour faire de la comédie, on en trouve. Mais quelqu’un qui a l’énergie de faire une thèse et qui sait ensuite la traiter par la dérision, c’est à dire en perdant d’office le retour des grands médias qui veulent faire des rapprochements parce mêler un devoir de mémoire avec de l’humour et de la science-fiction… Du coup, je ne pense pas qu’on ait beaucoup de papiers sur tout le fond thématique, alors qu’il y a un gros fond thématique. Mais comme c’est maquillé derrière du divertissement, les gens ne vont pas chercher, l’habitude est perdue. Alors que moi j’adore ça. Bref… donc oui, j’ai attendu Wilfrid pour faire mes premiers dessins parce qu’il s’est passé trois ans avant qu’on commence à avoir une option vraiment crédible. Je me demandais si on allait trouver le gars qui pourrait faire ça. Et puis un beau jour j’ai vu un fichier nommé Shingouzlooz Inc. débarquer en PDF dans ma boite, c’était en juillet 2016. Et il a fallu aller vite parce que Dargaud s’est quand même dit que le film pourrait nous aider. C’est vrai que j’étais embêté par la proximité, si j’avais pu j’aurais préféré sortir l’album six mois ou un an après.
Vous l’avez fait en moins d’un an alors.
Je l’ai fait en neuf mois, pages, couleurs et couverture. Je n’ai pas pris de vacances mais c’était drôle. C’est très amusant de découvrir des nouvelles choses. C’est comme de se retrouver sur un char à voile et de s’éclater alors que toute la nuit on s’était dit que ce n’était pas pour nous. C’est ce qui m’est arrivé sur cet album. Il faut se lancer et on se découvre, il y a un âge où ça fait du bien. Moi j’étais sûr que mon truc c’était le romantisme, l’épique… hé ben là je me suis bien marré, je ne peux pas me mentir. J’ai passé un moment super marrant et tant mieux si le public rigole aussi. Honnêtement, je pense qu’on a fait un bon livre. Il y a un truc, il est fun, il est sympa, il est vivant. C’est tout sauf un récit d’ambiance ou d’atmosphère, c’est l’inverse. Avec Wilfrid, il n’y a rien d’inutile, tout est justifié, à sa place.
Est-ce que cette collaboration vous donne des idées pour le futur ?
Je vais écrire une histoire de pirates. Je ne devrais pas le dire mais il y a une vraie influence de cet album parce que j’étais parti sur un premier draft il y a un an et demi qui était un vrai drame très romantique, très dur. Et je m’aperçois que je suis en train de le storyboarder et qu’en fait ça devient plus marrant, je vois plus le comique des situations. Surtout je me fais confiance, je laisse apparaître des situations que je m’interdisais, là j’y vais. Du coup ça va donner quelque chose pour laquelle je n’ai pas encore de certitude. J’ai écrit l’histoire il y a deux ans, elle est solide, j’ai mes deux albums, c’est bien. Mais la façon dont je la raconte n’est pas exactement la même qu’il y a deux ans, ça a changé mon regard. Comme quoi il suffit de peu de choses. Wilfrid m’a fait entrer dans son univers et c’est marrant. J’apporte un côté premier degré et le côté épique, avec des grands environnements et des grands décorums, ce qu’il ne fait pas souvent, il est plus proche de ses personnages. Alors on passe beaucoup de temps dans une cale de vaisseau spatial, dans le ventre d’une grosse bestiole, à faire de la pêche à la ligne sur un ponton, à prendre l’apéro sur une plage… je suis clairement celui qui a été un peu un peu dominé dans l’affaire mais c’était drôle de s’amuser, je crois que ça se voit un peu. (rires)
Avez-vous vu le film de Luc Besson ?
Non, je ne l’ai pas vu. Quand j’ai commencé à penser à ce bouquin et que j’ai vu toute la machinerie se mettre en place, je n’ai pas participé du tout au film, je n’ai pas voulu être dans ce truc-là et je n’ai pas voulu être embarqué dans cette grande opération d’envergure. J’ai voulu conserver mon attention sur mon bouquin et ne pas voir ce que le film allait faire. C’est une machine gigantesque qu’ils ont montée. Franchement c’est chouette d’avoir pu monter un budget pareil, d’avoir des niveaux de technicité aussi invraisemblables, d’avoir créé en France un film qui a une potentialité internationale et qui montre qu’on peut faire un show off démentiel en Europe et en France a fortiori. Tout ça je l’applaudis. Mais je devais croire dans mon truc et c’est dur, quand on va à Saint-Denis dans des studios qui font la taille d’une ville avec des moyens de malades, de revenir ensuite faire ses petits dessins. J’avais besoin d’être dans mon truc et d’y croire autant que Luc Besson à une autre échelle. Mais je sais que ce qu’on a fait est crédible et solide dans son ambition. Il n’y a pas de honte à avoir. Pendant longtemps j’ai trouvé que pour la BD et le cinéma – dans ma tête en tout cas – il y avait une espèce de notion hiérarchique, parce qu’on a l’impression que le cinéma est l’étape d’après… ça m’a complètement quitté. Particulièrement quand on fait de l’humour, la BD a plus de pertinence. Quand je pense à ça, il n’y a qu’un film qui m’évoque un petit peu tout ça, c’est Galaxy Quest. Je trouvais ça super bien écrit, super bien dialogué, assez drôle. On y croit et en même temps c’est quand même une grosse connerie. Je trouvais le réglage assez magique et je trouve qu’on est un peu sur cette même ligne. Il y avait ce côté à la fois respectueux et amusant que j’aime bien, qu’on a retrouvé chez Steven Spielberg dans Indiana Jones. Ce n’est pas très sérieux mais ce n’est pas que de la blague.
Merci beaucoup pour cette passionnante rencontre !
Propos recueillis par Arnaud Gueury.
Interview réalisée le 27 octobre 2017.
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