Nous avons profité d’une des rares présences en festival pour rencontrer le dessinateur portugais Jorge Miguel, auteur des Décastés d’Orion, une adaptation du roman La Croix des Décastés de Julia Verlanger pour les Humanoïdes Associés. Dans le cadre toujours aussi convivial de Quai des Bulles, il est revenu avec nous sur sa participation à cet agréable diptyque fleurant bon la science-fiction à l’ancienne.
Bonjour Jorge ! Les Décastés d’Orion est de la vraie bonne science-fiction. Est-ce un univers qui vous plaît ?
C’est un peu un hasard parce que je n’avais jamais fait de série de science-fiction avant. Mais j’ai dit à l’éditeur que j’aimerais avoir ce genre d’expérience. Et quand on m’a dit que c’était un scénario de Corbeyran, j’ai tout de suite dit que je le faisais, sans problème ! J’ai vu des films de science-fiction qui rappelaient un peu ce genre d’univers et puis je m’y suis mis.
Avez-vous pu lire le roman d’où est tirée l’histoire, par curiosité ?
Non, et en plus dans le pays où j’habite, je n’ai pas réussi à le trouver. (rires) Mais on en a parlé à l’occasion de l’écriture du scénario. Je crois que Corbeyran trouvait aussi que ce n’était pas plus mal, du coup je me suis senti moins mal. Ça m’a aussi permis de tout inventer, le bestiaire, tout ça. Je n’ai pas eu d’influence. C’est peut-être mauvais, c’est peut-être mieux, je ne sais pas. En fait, j’ai adapté l’idée que Corbeyran avait du roman, c’est déjà une adaptation. (rires)
Est-ce que le format a posé problème ?
Les critiques qu’on a eues le plus souvent disaient que c’était trop court. Mais c’était inévitable.
Vous faites maintenant partie des dessinateurs bien installés chez les Humanoïdes ?
Oui, et j’ai des grands prédécesseurs. Quand on m’a dit que j’allais travailler dans une boîte qui avait été fondée par Moebius, j’ai dit OK, j’accepte, c’est un honneur.
Ça ne vous a pas fait peur ?
Dans ce métier, il n’y a pas à avoir peur. Dans mon pays, on a l’habitude de dire « on se jette à l’eau et quand on est dans l’eau on apprend à nager ». C’est ce que j’ai fait. Et puis j’ai fait Z comme zombies, puis le premier tome de Seul survivant. Ça m’a permis de pouvoir demander de faire quelque chose de différent de ça. En général, tout ce qu’ils m’ont proposé, je l’ai accepté en connaissance de cause, rien n’a été imposé.
Est-ce qu’on vous a proposé de voir ce qui avait été déjà adapté de la même romancière, comme Horlemonde ou L’Autoroute sauvage ?
Oui, mais un petit peu après avoir commencé, et j’ai vu que ce n’était pas mon genre de dessin. Et j’ai préféré ne pas suivre cette voie. Si bien qu’après, la seule chose qui a été un peu imposée est le choix des couleurs, qui sont beaucoup plus sombres que ce que j’ai l’habitude de dessiner, pour se rapprocher un peu de Horlemonde. Mais j’ai quand même essayé de me rapprocher de mon style, et ça a donné ça. Horlemonde je l’ai lu, mais uniquement après avoir commencé le premier tome.
A-t-il fallu beaucoup de recherches et d’essais ?
Avant de commencer, on a fait un ping pong par Skype parce qu’il y a eu des essais du bestiaire, des animaux, des costumes. Pour les personnages, par contre, ça a été au premier coup. J’avais imaginé Tryanna un peu plus pulpeuse, on m’a obligé à la mincir un peu. (rires) Mais dès le départ j’avais vu Rebecca très mince, avec des lèvres très fines, et ça a marché du premier coup. Voilà, il aura juste fallu enlever quelques kilos à Tryanna…. Pour les vaisseaux, j’ai essayé de sortir un peu des chemins battus. Je ne suis pas le premier à le faire, mais j’ai modelé ça sur 3D, j’ai incorporé des morceaux d’appareils électroménagers qu’on ne reconnaît pas et j’ai mélangé tout ça avec des choses un peu plus classiques. Pour les vaisseaux, mais aussi pour les armes. Et puis ça a donné un truc qui, j’espère, fonctionne bien.
Avez-vous aussi conçu les couleurs pour créer des ambiances ?
Oui. Jusqu’à présent j’ai toujours fait les couleurs, sauf sur ce que je suis en train de faire en ce moment parce que j’ai demandé à ne pas les faire. C’est la chose qui me donne le moins de plaisir à faire. J’adore dessiner, j’adore découper, mais les couleurs c’est pour moi moins amusant. D’ailleurs, sur le prochain projet je m’attends à avoir une surprise puisque ça va être quelqu’un d’autre qui va coloriser. Peut-être que je serai très déçu mais je pense que ce sera le contraire, et tant mieux si on fait mieux que moi. Mais on n’a pas encore choisi qui ce sera. Je ne vais pas trop en dévoiler, car l’éditeur ne serait peut-être pas content, mais ce sera dans un univers réaliste. Je pense que je peux juste dire que ça se passera au milieu du 20ème siècle. On va bientôt faire quelques tests, j’aurai mon mot à dire, l’éditeur aussi évidemment. Et puis on verra si le coloriste est disponible. Ou la coloriste… j’aime beaucoup les couleurs des femmes.
Avez-vous déjà commencé le dessin ?
Oui, mais comme il y a eu beaucoup de recherches historiques, je suis déjà un peu en retard. (rires)
Vous êtes né au Portugal. Comment devient-on auteur de BD dans un pays où ce n’est pas tellement répandu ?
J’ai fait deux albums là-bas qui sont passés inaperçus. Et puis j’ai tenté ma chance avec un scénariste qui travaillait déjà pour les Humanos. Il a proposé un projet en France avec mes dessins. Je voulais vraiment faire de la bande dessinée depuis tout petit. Mais j’ai arrêté d’en lire parce qu’il n’y a pas de bande dessinée au Portugal. Du moins, il n’y a pas d’auteurs mais il y a beaucoup de choix de lecture sur les bandes dessinées franco-belges. Tout ce qu’il y a ici est édité là-bas, même s’il y a plus en plus de comics américains.
Est-ce que vos albums sont traduits en portugais ?
Non, même pas… en hollandais, en italien, en allemand, en anglais, oui.
C’est dommage, vous n’êtes pas nombreux comme auteurs portugais.
Je crois que je suis le seul qui travaille pour le marché français. J’en connais d’autres qui travaillent pour des comics, pour Marvel par exemple. C’est peut-être eux qui sont le plus connus. Mais je ne sais pas comment ça marche pour eux, ce n’est pas vraiment mon monde, même si j’aurais pu aller sur cette voie car je dessine pratiquement n’importe quoi ! (rires)
Mais pas n’importe comment !
Voilà, vous avez bien complété la phrase !
Merci beaucoup !
Propos recueillis par Arnaud Gueury.
Interview réalisée le 27 octobre 2017.
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