Alors que le tome 4 de la série Zombillénium est paru en fin d’année 2018 en librairie, nous avons profité de la venue d’Arthur De Pins au Festival International de la bande dessinée d’Angoulême pour lui poser quelques questions sur sa série phénomène. Rencontre.
Quand on sait que l’aventure Zombillénium est née suite à la réalisation d’une couverture pour le magazine Spirou pour Halloween… Aujourd’hui la série compte quatre tomes et une adaptation au cinéma (sans compter le clip de Skip the Use), est-ce que tu imaginais cela ?
Quand j’ai fait la couverture non, en tout cas jusqu’au tome 1 on va dire, parce que c’était le premier album et qu’à ce moment-là on ne peut vraiment pas savoir que ça va devenir une série tant que le premier album n’est pas fini. Par contre, dès le tome 2, là j’ai commencé à avoir plein de projets en tête. Je ne pensais pas au clip mais par contre le projet de film commençait à mûrir à cette époque-là et puis de toute façon la série était démarrée et j’ai commencé à tout imaginer jusqu’à la fin du cycle.
Cinq ans séparent les tome 3 et 4. C’était nécessaire pour la réalisation du film mais un peu risqué de perdre tes lecteurs, non ?
Cinq ans c’est beaucoup, le risque je l’ai pris parce que je voulais faire ce film. Après je me suis demandé si ça allait être le même public car le cœur du lectorat de la série c’est 7-12 ans donc est-ce qu’en 5 ans ils ne sont pas passés à autre chose… En fait j’ai vite réalisé que cela n’avait pas été le cas et surtout qu’il y a plein de gens en dédicaces qui me disent avoir découvert Zombillénium grâce au film. Avec la sortie du tome 4, mes lecteurs ont la preuve que je ne laisse pas tomber la série.
Quel rôle tenais-tu précisément sur le film ? N’est-ce pas difficile de confier ses personnages à d’autres ?
En fait j’en avais plusieurs, c’est pour cela que j’ai mis la bande dessinée de côté. J’étais co-réalisateur, co-scénariste, directeur artistique, notamment pour que l’ensemble ressemble visuellement à la BD, je dirigeais les décorateurs, les storyboards. Avec mon co-réalisateur, on dirigeait toutes les équipes, il y en avait quatre en tout dans divers studios. je voulais vraiment être là pour pouvoir donner des indications, notamment aux animateurs ou aux comédiens qui faisaient les voix pour leur dire que tel personnage bouge comme ça ou parle comme ça, etc.
C’était important pour toi d’avoir un regard sur tout ce qui touchait à l’univers que tu avais créé précédemment ? On pense à Peyo et ses Schtroumpfs qui avait essayé de faire rectifier des choses avec les premiers épisodes produits par Hanna-Barbera puis qui avait finalement laissé peu à peu les mains libres aux Américains.
Disons que pour Zombillénium j’avais conservé les droits et par la suite je ne les ai pas vendus à Dupuis mais à un ami producteur, Henri Magalon, qui lui par contre s’est dit « Tiens je vais quand même m’associer à Dupuis Audiovisuel pour réaliser ce film ». Tout s’est fait avec une totale confiance car le producteur était très attaché à la BD. Je pense que j’ai eu le maximum de contrôle que l’on puisse espérer quand on adapte son projet en film. Par contre, quand on vend les droits à des Américains, il faut savoir que l’on ne peut rien faire derrière, on perd la main sur le projet. D’ailleurs j’ai reçu des propositions d’Américains qui voulaient que l’histoire se passe aux États-Unis, qu’il y ait plus de sorcières. Ils voulaient tout changer, j’ai donc bien évidemment refusé.
Le film a malheureusement été assez peu présent dans les salles de cinéma françaises.
Effectivement il devait y en avoir 400 copies et finalement il n’y en a eu que 150 et, avouons-le, on a été assez mal distribué. Ça c’est un peu à regret parce que je pense qu’il serait sorti à une autre date, ça aurait été différent. Comme le film est sorti juste avant les vacances de la Toussaint, c’est une date très prisée et il y avait quatre autres dessins animés en même temps que nous. Dans ce contexte, c’est assez compliqué d’exister surtout que généralement les salles de cinéma ne diffusent qu’un seul dessin animé. C’est assez impitoyable comme milieu le cinéma, d’ailleurs pour les dessins animés français il y a une espèce de malédiction qui fait que peut être tous les cinq ans il y a un film qui va se rapprocher du million d’entrées mais globalement tous les dessins animés français plafonnent à 250-300 000 entrées. On a un peu du mal à exister face aux dessins animés américains.
Certains films ne connaissent pas le succès au cinéma mais s’offrent une belle carrière en Blu-ray, DVD et vidéo à la demande.
Pour nous, c’est le cas avec le DVD, la VOD et les téléchargements sur internet, l’essentiel est que les gens le voient, le producteur est rentré dans ses frais. Il passe en ce moment sur Canal+ Family, c’est autant de chance que les gens le voient.
Tu sembles en tout cas heureux du résultat ?
Oui parce que c’est vraiment le film que j’ai voulu faire avec Alexis Ducord. En tant qu’auteur de la BD, c’est vrai que c’est complètement raccord avec l’univers. Cela s’est super bien passé avec les équipes, bien sûr il faut les diriger et il faut un certain temps pour que les storyboarders, les décorateurs ou les animateurs s’imprègnent un peu de l’univers mais après ils s’en sont imprégnés et même vers la fin trouvaient eux-mêmes des idées. Tout ça a vraiment été un beau travail collectif.
Cette expérience donne envie de rééditer ?
Complètement. On en parle, alors c’est vrai qu’après le film, j’ai bossé sur le tome 4 et je n’étais pas très enclin à réitérer l’expérience, déjà pour cette histoire de distribution qui m’avait un peu plombé. En plus de ça, on a eu de très très bonnes critiques mais par contre on n’a pas eu, même si ce n’est pas très important, de récompenses vis-à-vis de la profession. Le film a plu, les gens qui l’ont le trouvent bien, c’est ce que l’on ressent dans les critiques. Par contre, je pense qu’en France les critiques de la profession, ceux qui remettent les récompenses, se méfient un peu des adaptations de BD. Ils voient cela comme une espèce de truc marketing alors que moi je considère que c’est un film d’auteur puisque c’est moi qui l’ai fait. J’étais donc un peu mitigé par rapport à cela et puis finalement je me dis « Bon ça c’est juste du paraître, moi j’ai adoré faire ce film », j’ai l’équipe aussi, si on en fait un deuxième demain je suis sûr que toute l’équipe sera ok pour remettre le couvert. J’ai passé cinq ans géniaux à bosser dessus. Finalement c’est l’envie de le faire qui prend le dessus et je pense que j’ai déjà quelques petites idées. Le film est un préquel de la BD puisque cela se passe avant le tome 1. Donc s’il y a un deuxième film, ce serait à la suite du premier et cela ferait un peu le lien entre le film et le tome 1. Cela raconterait notamment l’histoire de Lucie, pour ceux qui ont lu la BD. Cela pourrait éventuellement être décliné sous forme de série mais à la limite que ce soit l’un ou l’autre j’essaierai quand même de garder une cohérence tout du long. Pour l’instant il n’y a rien de signé mais l’envie de faire un deuxième volet est là.
On imagine une sortie du tome 5 plus rapprochée qu’entre les deux précédents ?
Oui, j’ai déjà commencé à travailler sur le tome 5 mais par contre il devrait sortir plutôt entre le printemps et l’automne 2020.
Dans la série on voit une évolution puisqu’il existe désormais une coalition humains-personnel de Zombillénium.
En fait c’est très simple, le tome 4 peut être un peu alambiqué parce que pour moi il fallait faire la synthèse de ce qui s’est passé avant et raccorder le tout avec le film. Ainsi il fallait expliquer un peu tout l’enjeu notamment au niveau de l’avenir du Parc et de cette histoire de parcs qui mangent les âmes et qui fait que les visiteurs appartiennent au diable quand ils sont dans le parc. C’était quelque chose qui était abordé à la fin du tome 3 et c’est un truc qui est assez important pour la suite. [DEBUT DE SPOIL] Dans le tome 4, à la fin on a les visiteurs qui sont enfermés avec le nouveau directeur du parc qui veut que les monstres les bouffent pour devenir vraiment pour le coup président du parc, etc. Il fallait expliquer un peu tout ça mais le tome 5 par contre va démarrer sur les chapeaux de roue parce que c’est en fait un survival. Ça va être tout simplement la synthèse d’Une Nuit en enfer et Zombieland, c’est-à-dire des humains qui doivent survivre. Les visiteurs du parc qui doivent survivre à 30 ans enfermés dans un parc de monstres qui veulent les bouffer tout simplement.[FIN DE SPOIL] Là ça va être vraiment que du plaisir parce que ça va être le survival de vampires et zombies. Finalement c’est un peu l’essence même d’un parc de monstres, c’est-à-dire que là c’est un parc vraiment où le danger vient du parc alors qu’avant il venait plutôt des visiteurs ou plutôt de l’extérieur du parc. Dans ce tome 5, ce qui est sûr c’est qu’il n’y aura plus d’explications à rallonge, ça sera vraiment ce dont je viens de parler qui sera au cœur de l’intrigue. Cette coalition dont tu parles va avoir pour ambition de protéger les visiteurs contre les monstres qui veulent les bouffer. Cela promet beaucoup d’action.
Si la série est un peu sombre du point de vue de son thème, on sent quand même que le ton devient de plus en plus sombre.
C’est marrant parce qu’on en parlait justement avec Delaf et Maryse Dubuc qui sont les auteurs des Nombrils et, même si c’est très différent comme série comparée à la mienne, c’est un feuilleton aussi. Ce que l’on a en commun est que même si on essaie de placer de la comédie et de l’humour, il y a quand même un truc qui s’assombrit mais sans aucune comparaison, c’est un peu pareil dans Harry Potter. Au niveau de la dramaturgie, on est obligé d’assombrir parce que plus tu avances et plus il y a des nuages noirs à l’horizon. Je vais quand même m’efforcer a réinjecter de la comédie dans le tome 5 car ça a en manqué dans le tome 4. Maintenant que j’ai expliqué tout l’enjeu, je vais essayer de montrer que dans Zombillénium quand quelqu’un meurt c’est drôle. Par contre, dans le prochain tome, je vais essayer de placer du gore. Ça, ça va être difficile parce que c’est publié dans Spirou, mais ça va être un beau challenge de placer du gore sans que ce soit trop gore parce que je ne suis pas tellement fan de gore. L’enjeu sera de le placer justement avec humour et de monter d’un cran.
Avec ce 4ème tome, on découvre une nouvelle sorcière, grande rivale de Gretchen…
En fait, ça fait très longtemps que j’y pensais à une rivale pour Gretchen. Et ce qui est drôle c’est que en plus je l’avais déjà imaginée, il y a très longtemps, métisse, un peu vaudou, avec des dreadlocks et des espèces de boucles d’oreilles. Et puis après je me suis dit « Tiens métisse, métisse »… finalement la connexion avec Lucie s’est faite très très rapidement. En plus, ça fait vraiment une voie royale pour lier le film et la BD, du coup ça fait que pour la suite on découvrira comment Lucie est passée de petite fille toute mignonne, qui était presque comme la petite sœur si ce n’est la fille de Gretchen, à sa rivale.
Et maintenant ?
Actuellement je me consacre uniquement à Zombillénium même si j’aimerais bien avoir un autre projet pour varier les plaisirs mais pour le moment je n’ai pas vraiment d’idée. A voir si jamais je trouve le truc qui pourrait permettre de lancer un nouveau projet.
Merci beaucoup.
Propos recueillis par Nicolas Vadeau
Interview réalisée le 25 janvier 2019.
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