C’était peu de temps après la rentrée scolaire, ce moment où les fournitures scolaires avaient fait place à ces merveilleux livres jeunesse à la Librairie de l’Esperluète à Chartres. Dans une ambiance très conviviale dans le coin jeunesse, l’équipe de la maison d’édition Poisson Soluble, située en Auvergne, en compagnie de Grégoire Kocjan, originaire de Franche-Comté, et de Julie Ricossé, pétillante niçoise, se tenait prête pour présenter une création originale d’une bande dessinée jeunesse portant sur la Cathédrale de Chartres. L’interview s’est déroulée pendant la séance de dédicaces qui ne désemplissait pas et ce, dans une ambiance bon-enfant.
Bonjour. Est-ce que la BD s’adresse vraiment uniquement aux enfants ?
Grégoire Kocjan : Au départ, les 8/12 ans sont visés mais une seconde lecture fonctionne pour tout le monde grâce à la bande documentaire qui est assez rigoureuse.
Une lectrice en train de faire dédicacer son exemplaire nous dit que la BD s’adresse aussi aux gens ayant jusqu’à 79 ans, son âge. (félicitations)
Est-ce que vous faites des interventions auprès des écoles ? De la région centre ?
GK : Oui bien sûr. Il y a un travail qui est fait avec l’enseignement du fait que ce soit documentaire. Nous faisons quelques interventions mais on tourne principalement nationalement. Lors de notre présence sur les salons de BD, on profite de faire des interventions mais pas forcément en Région Centre. Si l’enseignant décide de travailler sur de la BD, sur des ateliers écriture, on peut intervenir. Comme nos BD représentent les richesses d’un patrimoine quand même un peu national, ça fonctionne à l’extérieur de la région.
Ça n’a pas trop été difficile de rentrer dans le monde de la BD en tant que nouveau support ?
GK : C’est la première fois que je scénarise une BD. Mais la BD, ce n’est pas trop compliquée. J’ai toujours été assez proche de ce milieu-là. J’ai toujours aimé, je me suis intéressé au scénario très tôt. Ça m’était déjà arrivé de travailler sur du scénario.
Julie Ricossé : Le fait qu’il travaille dans le milieu du théâtre fait qu’il a toujours de superbes dialogues.
GK : Voilà, le fait que je fasse autre chose. J’ai déjà écrit plein de choses. Ça ne me semblait pas un univers complètement étranger.
Comment avez-vous eu l’opportunité de faire cette BD pour la mise en valeur de la région Centre ?
GK : A l’origine du projet, il y a la Direction de l’Inventaire du Patrimoine (DIP) de la Région Centre qui voulait produire une collection jeunesse pour promouvoir le patrimoine auprès du jeune public. La DIP a plutôt l’habitude de publier des livres plus pointus sur le patrimoine pour un public spécialiste. Du coup, ils ont fait un appel d’offre pour que des éditeurs proposent des projets. C’est la maison d’édition du Poisson Soluble qui a décroché le projet, puis ils ont commencé à rechercher des auteurs et des illustrateurs.
Comment vous êtes-vous rencontrés ?
GK : Quand la maison Poisson Soluble a répondu à l’appel d’offre ! (rires). En fait, c’est là que joue le talent de l’éditeur : trouver des personnes, un auteur et un illustrateur (ou une illustratrice) capables de travailler ensemble dans un univers auquel ils vont pouvoir correspondre. Surtout qu’il y a beaucoup de contraintes dans cette BD puisqu’on travaille à la fois, nous deux, bien sûr, mais aussi avec l’éditeur, avec le graphiste qui s’occupe des BD, avec la Direction de l’Inventaire du Patrimoine, avec les chercheurs. Il y a énormément de gens du coup qui mettent le nez dans le projet. Déjà ce n’est pas évident de se mettre sur la même ligne avec l’auteur et l’illustrateur.
Comment faites-vous pour trouver les intrigues de l’histoire ?
GK : Du coup, comme nous ne sommes pas de la région, on vient faire des visites avec les chercheurs du DIP et puis on va sur les lieux qui ont été présélectionnés avant. Ce sont eux qui décident de l’endroit qu’ils ont envie de promouvoir et de fait, on fait la visite avec des gens spécialisés, des chercheurs. Il y a un côté magique. Par exemple pour la visite de Chambord avec le conservateur, qui a un énorme trousseau de clés, nous sommes allés dans une petite tour. Et là, il nous annonce qu’avec François Ier on a dû être une dizaine à y être rentré car ce n’est pas ouvert au public. On visite des endroits incroyables. Pour la Cathédrale, on a pu aller de la crypte au clocher. Toutes ces visites sont tellement intéressantes que, du coup, on ne doit pas oublier qu’on est là pour trouver une intrigue et de voir comment articuler tout ça. Voilà, ça commence par les visites et, après, je reçois à peu près entre cent cinquante et deux cents photos, qui sont tirées de l’inventaire du patrimoine, sur le lieu concerné ou du monument en question. Tout en sachant que je ne dois en garder que soixante. Le concept qui est intéressant pour cette BD, c’est qu’on lit cette aventure en se disant : « ça tombe bien, en-dessous il y a une bande documentaire justement sur les lieux ». Mais, c’est l’inverse : il y a une bande documentaire et il y a l’histoire, c’est là qu’est toute l’astuce. Il faut faire croire l’inverse… je viens de vous révéler le truc que j’aurai jamais dû vous dire (rires). Voilà, c’est le gros du travail : de faire croire que la bande documentaire est annexe, alors que c’est elle qui déclenche l’intrigue. C’est une difficulté du cahier des charges.
JR : On fait des visites avec des conservateurs et ils nous disent des milliards de trucs et on est obligé de n’en garder seulement que 10%.
GK : Oui, et il ne faut pas oublier que c’est pour des 8-12 ans à l’origine donc il y aussi plein de choses qu’on ne peut pas raconter.
Une lectrice nous avoue qu’elle commence la lecture par le bas, c’est-à-dire la bande documentaire avant de commencer l’histoire.
GK : Ça, c’est une autre difficulté du livre qu’on a essayé de travailler. C’est justement qu’on peut lire soit toute la fiction et après la bande du documentaire, ou on peut lire page par page, ou on peut lire la double-page puis le documentaire. Normalement, on peut le faire dans n’importe quel ordre. On s’y retrouve tout le temps. Ça, c’était aussi une des difficultés du livre, mais bon voilà c’est intéressant de travailler avec quelques contraintes de temps en temps.
Combien de temps faut-il compter pour la création de la BD ?
GK : Je mets à peu près deux mois sur le scénario avec les recherches qu’il y a à lire, à trier et Julie met autant de temps. En fait, je mets deux mois en prenant mon temps et Julie deux mois en travaillant avec acharnement (rires). Il y a un coloriste qui commence à travailler en parallèle quand Julie commence à proposer les crayonnés, après il y a le maquettiste, celui qui met en place la bande documentaire, etc. Il y a les corrections puis l’impression. J’ai commencé en octobre/novembre et la BD est sortie en juillet.
Y aura-il d’autres parutions de prévues ?
GK : L’appel d’offre était pour six livres. Mais devant le succès, il va y en avoir un septième toujours dans la région Centre qu’on va faire l’année prochaine. On ne sait pas encore dans quelle région. C’est mystérieux. Parce que ce n’est pas tout à fait la Direction de l’Inventaire du Patrimoine qui décide de tout.
Quels sont vos projets après cette collection ? Le monde de la BD ?
GK : J’écris pour le théâtre, j’ai déjà écrit des albums, des romans, je n’ai pas de forme d’écriture particulière. Je m’adapte en général par rapport à mon histoire, à la forme qui m’intéresse le plus. Donc, oui, la BD est quelque chose que j’aime bien, je pourrai y retravailler mais ça dépend des projets que j’ai, comme un projet de roman.
JR : Moi je fais des couvertures, des livres et à coté je fais de la BD pour adulte.
Pouvez-vous nous en dire plus sur cette BD ?
JR : C’est très différent, mais j’ai en fait plusieurs styles de dessins, que je choisis selon les histoires que je veux illustrer. Par exemple, Prospero avec Jean-Blaise Djian et Olivier Legrand chez Vents d’Ouest : j’avais réalisé beaucoup de dessins historiques à l’encre et je cherchais du travail. J’ai rencontré à ce moment-là l’éditrice de Vents d’Ouest, qui m’a proposé ce scénario se situant dans l’univers de la Renaissance Italienne ; ça a été aussi une belle collaboration.
Merci beaucoup pour cet entretien et bonne continuation à tous deux.
Propos recueillis par Florence Daubry
Interview réalisée le 20 septembre 2014
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