Cela fait bien longtemps qu’il n’est plus nécessaire de présenter Crisse, l’un des maîtres de la BD. Ce dernier est l’un des principaux soutiens de la Ribambulle, nous lui devons entre autre la réalisation de notre logo ainsi que de nos différentes mascottes que vous ne manquerez pas de découvrir. Pour inaugurer notre site, nous n’avons pas réfléchi longtemps quand il nous a fallu chercher un auteur à interviewer : ce sera lui. Il a accepté de participer à une interview interactive puisque les adhérents de l’association La Ribambulle ont pu poser leurs questions à l’auteur et rebondir sur les réponses de notre invité. Retour sur ce premier grand moment de notre aventure.
Bonjour Didier. Merci à toi de participer ce soir à cette interview interactive. Tu es à l’origine de nombreuses séries, dont plusieurs prestigieuses telles que Kookaburra et Atalante. J’aimerais justement revenir sur ces deux séries. Pour Kookaburra, à partir du tome 4, tu as laissé la place de dessinateur à Nicolas Mitric puis petit à petit tu as également laissé ce dernier réaliser le scénario. Tu viens récemment de laisser le dessin d’Atalante à Manu Grey, penses-tu opérer de la même façon qu’avec Kookaburra ou souhaites-tu garder la main mise sur la destinée de ton héroïne ?
Le succès d’Atalante a très vite pris le pas sur Kookaburra. Kooka marchait bien mais dès le tome 1 d’Atalante, la série faisait deux fois ses ventes. Mourad Boudjellal (NDLR : ex-patron des éditions Soleil) a très vite préféré que je bosse l’héroïne. Du coup, Nicolas Mitric a accepté de reprendre le dessin de Kooka. Puis, après un drame personnel, je n’ai plus pu faire les deux. Il était donc naturel que, Nicolas connaissant bien la série, il reprenne le flambeau seul. Il a d’ailleurs fait de l’excellent travail. Pour Atalante, les choses sont un peu différentes, Il s’agit d’un différent entre Soleil et moi. Nous avons trouvé une sorte d’accord, je serai à la tête de la série jusqu’au tome 9. Mais ne désirant plus m’investir pour cet éditeur, je n’en ferai que le scénario.
Une de tes prochaines sorties chez le Lombard traite de Clochette. Pourquoi ce choix ?
C’est une idée que j’avais depuis longtemps, jumeler Alice et Clochette. Puis la rencontre avec Robi Pena a aussi joué, j’aimais beaucoup son univers. Le projet à la base était pour les éditions Ankama mais cet éditeur souhaitait limiter ses sorties BD classiques. J’ai donc appelé le Lombard, c’était la seule maison d’édition avec Ankama à m’avoir tendu la main lors de mes soucis avec les éditions Soleil, les seuls aussi qui ne se la jouent pas. J’avais d’abord opté pour Ankama car mon désir était de faire des projets complets (bBD, dessins animés, jeux…). Malheureusement cela n’a jamais été possible, je me suis retrouvé chez eux à ne faire que de la BD et c’était tout… Du coup, il valait mieux travailler pour une maison déjà efficace dans ce domaine.
Comment expliques-tu le fait qu’une grande majorité de tes récits contiennent des éléments fantastiques ?
Le fantastique me fait rêver. J’ai plus de mal avec la réalité… Il y a aussi le fait que quand je fais une histoire classique, le public ne suit pas. Donc, comme bien sûr, j’écris et dessine avant tout pour moi (envie de faire les livres que j’ai envie de lire), l’idée est bien sûr d’être lu, et par le plus grand nombre si possible…
La plupart de tes personnages sont des femmes/filles ! Pourquoi ?
Un jour, après avoir pris le bouillon avec des BD historiques en vogue il y a quelques décennies, je me suis posé deux questions. Qu’est-ce que je dessinais le mieux et qui me rendait le plus heureux le crayon à la main. Et ensuite qu’est ce qui me gavait le plus. Pour la première question, c’était les femmes et la nature. Pour la seconde, la doc. Du coup, j’ai fait L’Épée de cristal. Il y avait aussi la question du style de dessin, le style Disney est celui qui me touche le plus, du coup c’est ce que j’ai fait. En gros, après de multiples échecs, je me suis recentré sur moi… Etre en accord avec mes qualités et cesser d’essayer d’être quelqu’un d’autre.
Quel personnage as-tu préféré créer et pour quelle raison est-ce ton préféré ?
Perdita Queen. J’avais mon Largo Winch à moi… Mais là encore, des problèmes d’éditeurs. Je voulais faire à chaque fois une perle de scénario. Puis, j’aimais le personnage… J’aimais aussi son amie et l’ambiance de cet album. Bref, je crois que là j’ai raté un beau projet, mais encore une fois, la cohabitation éditeur-auteur est parfois conflictuelle. Encore que avec Soleil, ça a duré 20 ans…
Cela te brancherait-il de réaliser un album de super-héros ?
Oui, j’aimerais bien… Batman m’inspire. Mais après m’y être un peu frotté, la façon de travailler des Américains est trop contraignante. J’aurais du mal à m’y insérer. J’aime trop avoir le temps de bien faire mon travail et pour eux la qualité première d’un auteur est de respecter les délais. Donc, ce serait un grand plaisir de faire une BD de super-héros, mais en ayant le temps.
Pour revenir à ton idée de faire des projets divers tels que des jeux et dessins animés, est-ce toujours un objectif réalisable pour toi ?
J’ai cru naïvement qu’on pouvait monter un projet global dès le début. Un méga projet et sortir tout dans la foulée. Erreur. Cela ne marche pas comme ça. Il faut un point de départ et, suivant le succès de celui-ci, bâtir autour. Donc, c’est long… Mais j’ai d’autres pistes. Je suis actuellement en train de monter un jeu, parallèlement aux BD que je dessine. Je suis en train aussi de voir comment développer une autre façon de faire de la BD. Quelque chose destiné aux tablettes… Je crois qu’il y a matière à faire des choses pour ce nouvel outil. Cela ne remplacera pas le livre mais on peut s’y exprimer de façon différente et parallèle.
Quand tu parles d’un jeu… c’est un jeu vidéo ? Un lien avec Axiomes ou pas ?
Non, aucun lien. Pour Axiomes, j’étais celui qui nourrissais les designers d’images. Un maillon dans la chaîne. J’y ai pris beaucoup de plaisir. Mais malheureusement, le jeu n’a jamais pu se monter faute d’argent. Et les concepteurs étaient arrivés avec des idées trop novatrices, juste trop tôt. Cette fois, je vais essayer de tout faire et d’être character designer et créateur du jeu.
L’aventure du financement participatif tel que chez Sandawe t’intéresse-t-elle ?
Je regarde ça avec intérêt. Je ne comprends pas bien encore comment ça marche, mais je trouve ça intéressant. Peut-être faut-il même aller au delà de Sandawe. Etre vraiment maître de tout. Pour l’instant, j’observe…
Possibilité de crowdfunding un peu comme nous l’avons fait avec notre site donc ?
Oui, ça serait bien… Après, se poserait la question de la distribution. Puis après, se poserait la question de la gestion. Je ne m’en sens pas encore capable. Car s’il faut avoir quelqu’un pour gérer tout ça, cela reviendrait à avoir un « éditeur » ou un comptable, bref, de nouveau quelqu’un qui s’immiscerait. Faut voir…
Vu ta renommée et ton talent, n’as-tu pas envie de t’éclater sur de la toile ?
J’en ai déjà faites. Les couvertures de L’Epée de cristal étaient à l’huile.Pour mon nouveau projet, Wolfonia, je vais faire des pages en couleurs directes et des huiles aussi. Le style sera un peu différent, mais cela fait longtemps que cela me travaille. En fait, je vais faire pareil qu’il y a quelques années. Me recentrer sur moi-même. Je vais terminer mes scénarii en cours et ne plus travailler que seul. Et essayer de prendre un max de plaisir et d’en offrir aux lecteurs. Il y a trop longtemps que j’essaie de faire plaisir aux autres et que je me disperse, il est temps de revenir aux fondamentaux.
N’y a-t-il pourtant pas quelques personnes/auteurs avec lesquels tu aimerais collaborer ? Si oui, lesquels ?
Avec Neil Gaiman. Mais c’est un rêve… Sinon, oui, bien sûr, mais j’essaie de ne plus me lancer à l’aveuglette à présent. J’adore l’univers de Neil Gaiman. J’aime beaucoup comment il détourne ses sujets.
Peux-tu nous parler de tes projets pour 2014 ?
En août sortira Clochette au pays des merveilles. Enfin ! Puis, là, je travaille sur une nouvelle série, un space opéra, un truc fun, sans prise de tête. Et je suis en train de travailler sur un dark romantic : Tales of Wolfonia. Scénario et dessin. En fin d’année, sortiront aussi Atalante 7, Atalante L’Odyssée 2 et Kalimbo 2. Et donc, je monte un jeu, ou au pire une application, mais ça, si ça se fait, ça sera bien plus tard… Il y a aussi les dieux de l’Olympe qu’il faut que je termine… Bref, du pain sur la planche (enfin, pas trop beurré le pain… ça tâche les planches…).
En dehors de la BD, as-tu d’autres passions ?
Pas trop, non… Un peu comme tout le monde. J’aime certaines séries, quelques films… Je m’intéresse au foot, au rugby (juste pour savoir quand Toulon perd) mais c’est vrai que ma passion est devenue mon métier.
Et concernant le football, pas de regret de n’avoir pu faire carrière ?
Juste de bons souvenirs… Mais non. La BD est un chouette univers. On y fait de chouettes rencontres… Puis, il y a de jolis livres qui sont publiés. Et j’aime les livres et les histoires.
Comment perçois-tu l’évolution du monde associatif animant la BD ? Et quelle perception as-tu des associations comme la Ribambulle, usant d’Internet ?
Avant de vous connaître, je n’allais jamais voir ce qui s’y passait. J’ai trop en mémoire Denis Bajram qui y a perdu beaucoup d’énergie et de temps à essayer de communiquer et défendre ses BD face à ses lecteurs. Du coup, je n’allais jamais sur ces forums. Je ne lisais que les compte-rendus que m’envoyaient mes éditeurs. Maintenant, je vais m’y intéresser de plus près.
Pour conclure, à quand le retour d’un site officiel et actif de Crisse ?
Aucune idée. Il faut déjà que je supprime l’ancien mais je n’ai pas les codes. Puis, pour l’instant, Facebook me suffit. Mais bientôt, je vais me pencher sur ce problème. Promis !
Propos recueillis par Jean-Claude Bertrand, Maryse Brill, Arnaud Buisson, Florence Daubry, Stéphane Girardot, Damian Leverd et Nicolas Vadeau.
Interview réalisée le 8 avril 2014
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5 Responses to “Dans la bulle de… Crisse”
30 avril 2014
X_DJe reste un peu sur ma faim avec cette interview. Il est souvent reprocher à Didier Crisse de commencer des séries et de ne pas les terminer, de faire attendre très longtemps ses lecteurs ou de produire des scénarios plutôt faciles (cf Atalante Odyssée).
L’interview est de fait très corporatiste : Crisse est le parrain de votre site (les éloges fleurissent dans l’interview), son épouse est une de vos chroniqueuses. Justement, cette proximité vous aurait permis de poser ces questions et d’apporter une explication par rapport à ces reproches, plutôt que cette auto-promotion. Crisse a peut-être d’excellentes raisons pour les séries abandonnées ou le délai d’exécution et ça aurait été bien de les entendre.
Au plaisir de vous lire.
1 mai 2014
CrissePour répondre au commentaire précédent… 🙂
Il est vrai que beaucoup de mes séries ont été arrêtées ou abandonnées. Cela n’a jamais été fait par plaisir. La plupart du temps, ce sont des décisions éditoriales. Je continue de me battre pour sauver Nicodémus Red, La Contessa et je mets la pression à Soleil pour aller au moins jusqu’au tome 3 de Kalimbo. Ainsi, ils pourront faire une intégrale, puis un coffret, puis une intégrale 2 et presser le lecteur comme un citron. Pour Thalulaa, Ood, de son côté, essaie de trouver une solution. Les éditeurs prennent leurs décisions sans interroger leurs cerveaux (à défaut de coeur). Ils regardent leur calculettes, point. Ce ne sont plus des éditeurs au sens noble, mais des financiers. Pour moi, un éditeur est un partenaire du livre. Quand il aime un projet, il le défend JUSQU’AU BOUT! Quelqu’en soient les résultats commerciaux.Là, chez Soleil, on me demande d’attendre les résultats du tome 2 avant de me lancer sur le tome 3…
Et nous, auteurs payont leur incompétence… Car pour Atalante Odyssée, un travail de commande, et Kalimbo, il est clair qu’il s’agissait de séries jeunesses. Or ils les ont fait grand format. Pourquoi? Simplement que pour un cout de production similaire, ils peuvent le vendre plus cher. Pour ce qui est des scénarii faciles, c’est un point de vue. Mais, sachez que dessiner ou écrire simplement pour offrir une lecture « facile », c’est ce qui est le plus compliqué à faire. Encore une fois, je respecte votre point de vue.
Pour ce qui est de l’interview corporatiste, je crois que personne ne s’est posé cette question. Tout depuis le début est fait de bon coeur et par amitié. Par contre, j’attendais avec impatience, ce genre de question pour pouvoir donner des explications. Mais aucune n’est venue. Je vous remercie donc de m’en donner la possibilité. Il aurait été plus simple, si cet esprit corporatiste existait qu’effectivement mon épouse profite du site pour faire des papiers sur moi. Ce qu’elle s’interdit de faire. Pour les abandons de séries, je crois y avoir répondu dans l’interview…
J’espère avoir pu vous apporter les précisions que vous souhaitiez et, encore une fois, je vous remercie d’être intervenu.
Amitiés
Crisse
2 mai 2014
X_DJe vous remercie vraiment d’avoir pris le temps de répondre à mes interrogations. L’éditeur laisse finalement prendre l’auteur se prendre les coups en conséquence de ses propres décisions. c’est triste.
5 mai 2014
joelpour en revenir a Nahomi , dont j’ai acheté l’intégrale, pourquoi la chanson de galadrielle a été réalisé après le début des perles noires, et je trouve dommage de ne pas avoir passé toutes les plaches existante de la dernière histoire inédite! peut être un jour?
21 novembre 2015
Lionelbonjour,
Existe-t’il u espoirt qu’un jour tous ces projets abandonnés puissent reprendre vies ?