Jusque-là connue pour des publications jeunesse, Chadia Chaïbi-Loueslati nous livre, dans l’album Famille nombreuse, l’histoire de sa famille qui a immigré en France dans les années 60, le tout avec beaucoup d’humour. Rencontre.
Bonjour Chaïdi.
Heu… non c’est Chadia ! Le prochain qui prononce mal mon prénom c’est direct un coup de chleka (ndlr : savate) !
On te connaît en tant qu’illustratrice jeunesse, tu fais tes débuts dans l’édition plus adulte puisque tu racontes la vie de ta famille avec Famille nombreuse. C’est une étape souhaitée dans ta carrière ou continueras-tu de travailler dans l’édition jeunesse ?
Les deux ! Tu choizes. Plus sérieusement, effectivement j’ai commencé par la jeunesse et je continue, mais j’avais envie de faire quelque chose de plus personnel. J’ai toujours parlé autour de moi de ma famille comme l’inspecteur Columbo parlait de sa femme. J’ai bien remarqué que les gens riaient de certaines situations, alors je me suis dit qu’il fallait en faire quelque chose et là Famille nombreuse est né.
Pour quelle raison as-tu souhaité raconter l’histoire de ta famille en particulier ?
Parce que raconter l’histoire de mes voisins, c’était pas intéressant ! Et puis on a vécu tellement de choses ! Quand vous êtes plusieurs dans une famille, tout est multiplié… J’ai eu envie de raconter tout ça. J’ai eu envie de parler du Daron et d’Omi, de leur parcours qui est celui de tous les immigrés venus en France dans les années 70.
Comment ce roman graphique a-t-il été accueilli au sein de ta famille ?
J’ai dû engager un garde du corps et j’envisage sérieusement d’intégrer un programme de protection de témoins… Sinon ils étaient plutôt contents et partants pour l’aventure, je suis très contente d’avoir eu leur soutien et encouragements. J’en profite pour dire que Sam ne mangeait pas tout le temps, c’est juste une image. 🙂
Bien entendu, à part « Badad » qui ne souhaitait pas qu’on le reconnaisse.
T’inquiète pas, Moataz, je ne donnerai jamais ton vrai prénom. Sauf si on m’offre du chocolat noir !
Tu as choisi de raconter tout ça avec beaucoup d’humour, c’était important pour toi d’avoir cette approche ?
En fait, j’ai longtemps hésité à faire pleurer les gens, puis un jour j’ai allumé la télé et j’ai eu du mal à m’en remettre… Alors j’ai choisi l’humour ! Avec l’humour, tout passe … surtout la vérité. Et puis l’humour est un trait de caractère dans notre famille, on passe notre temps à rire de tout. Je ne voyais pas Famille nombreuse autrement !
En lisant ton livre, on se rend compte que les mentalités ont peu évolué ces dernières décennies vis-à-vis des familles nombreuses mais également des immigrés.
L’évolution ne fonctionne que dans la théorie de Darwin ! Dans la réalité, on assiste plutôt à un processus de régression. Tout ce qui est différent fait peur et par défaut est systématiquement rejeté. Çi mimportequoi ! Mais heureusement ce n’est pas le cas de tout le monde.
Selon toi, était-ce plus simple à l’époque d’avoir une famille nombreuse ?
Je ne crois pas… c’est la même chose, y a que l’époque qui change… et le nombre de toilettes dans un F5. Quand tu as une famille nombreuse, quelle que soit l’époque, tu fais face aux mêmes choses.
Qu’as-tu le plus aimé pendant la réalisation de cet ouvrage ?
The Get Down, la série. 🙂 Et aussi les émotions en dents de scies qui m’imprégnaient, j’ai eu l’impression que toute ma famille vivait chez moi pendant 1 an ½.
Malgré ses « talents » pour couper les cheveux et préparer la mloukhia, on peut dire que ta mère était quand même une sacrée héroïne quand on voit tout ce qu’elle a réussi à faire dans sa vie (récupérer l’argent volé par un escroc, obtenir un logement auprès de ODHLM, passer le permis avant ton père…).
Ouais, c’était Super Omi ! J’vais peut être essayer de contacter Marvel… Elle était impressionnante, elle avait une telle énergie ! Omi nous a clairement montré qu’on pouvait être tout à la fois mère, femme, enquêtrice… Il suffisait d’y mettre les moyens et de faire preuve d’une grande volonté.
D’ailleurs, ces problèmes capillaires, c’est réglé ?
J’ai 85 cm de cheveux aujourd’hui … c’est bon, j’ai retenu la leçon ! On ne me coupera plus jamais les cheveux.
Au final, çi grace à ton père que cet album a vu le jour ou bien… ?
Non, çi grace à toute la famille ! Oui, s’il n’avait pas fait le choix de venir en France, Famille nombreuse n’aurait sûrement jamais vu le jour… Et si ça se trouve, j’aurais été gardienne de chèvres avec 13 gosses !
Bonchansse pour la suite.
Mirci boucou.
Merci à toi d’avoir répondu à nos questions.
Propos recueillis par Nicolas Vadeau.
Interview réalisée le 14 mars 2017.
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