La Ribambulle était présente à l’Abbaye royale de l’Épau, dans la Sarthe, pour l’inauguration ce dimanche 25 novembre d’une exposition consacrée à Blake et Mortimer, en présence des auteurs du nouvel album. La pluie accueillait les quelques 200 curieux (à la louche) et les plongeait immédiatement dans l’ambiance britannique de la série. Était-ce un coup de Miloch qui aurait déserté la région parisienne ? Mystère.
Devant une assemblée nombreuse, donc, et studieuse, les trois auteurs de La Vallée des Immortels ont répondu pendant 1h45 aux questions du journaliste belge Daniel Couvreur, qui a commencé par dresser un rapide historique de la série et présenter chacun des auteurs présents. Ensuite, les Néerlandais Teun Berserik et Peter van Dongen ont expliqué comment, après leurs planches tests, ils étaient devenus les premiers auteurs hors « franco-belges » de Blake et Mortimer. Interrogés sur leur collaboration, ils ont confié s’être partagés le nombre de planches (27 chacun), Teun Berserik s’occupant surtout de sa spécialité, à savoir les différents engins, dont la création du « Skylantern », dans l’esprit de Jacobs. Chacun a également pu échanger avec l’autre et intervenir sur des détails de la planche de son collègue. Après encrage et colorisation uniformes, bien malin à part eux-mêmes qui peut deviner qui a dessiné quoi, se sont félicités les deux compères.
Formés à l’école de la Ligne claire, ils se sont naturellement inspirés du diptyque de Jacobs qui s’inscrivait le plus dans ce style : Le Mystère de la Grande Pyramide. Teun est allé jusqu’à nous montrer les plis de son pantalon pour montrer son expertise en la matière à un auditeur faisant remarquer que la précision de la série était aussi là. Faire du Blake et Mortimer, c’est rendre crédible l’inventé, ont-ils conclu.
Quant à Yves Sente, auteur de son septième scénario pour la série, il est revenu sur la nécessité de faire de la « BD historique » tout en apportant des touches légères de modernité pour que l’album ne nous tombe pas des mains. C’est le meilleur moyen de faire du Jacobs sans que le ton ne soit daté. Questionné sur les ingrédients indispensables à un album de Blake et Mortimer, il a évoqué le texte bien sûr, en abondance, et le plaisir qu’il prend à s’adonner aux subordonnées, qui seraient refusées dans n’importe quelle autre BD actuelle. Affranchis de la censure des années Jacobs (pas de femmes autorisées dans ces albums) et du ton pédagogique du journal Tintin (créant parfois une redondance entre l’image et le récitatif), les auteurs sont plus libres de faire évoluer les codes en douceur (personnages féminins importants, descriptifs insistant sur les pensées des personnages plutôt qu’une simple description de ce que l’on voit à travers le dessin, etc.). Enfin, il a rappelé le cahier des charges imposant la période chronologique des années 40 et 50, une sage décision car la série cible essentiellement les nostalgiques, et ajoutant qu’il refuserait de faire monter Blake et Mortimer dans une Twingo ou autre voiture moderne. Des contraintes qui font partie du plaisir, tout comme le challenge consistant à maintenir la cohérence et satisfaire les nombreux pinailleurs à l’affût de la moindre petite erreur.
Il a ensuite fallu pour le public se frayer un chemin dans la cohue, deux files se mélangeant, l’une pour la signature des auteurs, l’autre pour accéder à l’exposition. C’est le seul petit reproche à adresser aux organisateurs qui auraient pu anticiper ce mouvement de foule. Mais Blake et Mortimer se méritent et l’attente valait le coup ! Nous optâmes pour l’exposition sans passer par la case signatures (face au monde présent il n’était pas question d’espérer obtenir un dessin de la part des auteurs qui se sont déjà prêtés à l’exercice avec patience et calme). Filtrer l’entrée (pour des raisons de sécurité certainement) était une bonne idée, le compte-goutte ayant permis à chacun, malgré tout ce monde, de profiter pleinement de l’événement.
Ils nous l’avaient bien vendue cette exposition, dès l’ouverture de cette rencontre, et ils n’ont pas menti ! Il vous faudra trente minutes environ pour prendre le temps de tout regarder, et plus si, comme nous, vous tombez en extase devant les planches originales d’Edgar P. Jacobs, qui donnent envie de se perdre avec nos héros dans le tunnel souterrain du Mystère de la Grande Pyramide (extrait ci-dessus). Les originaux sont la grande force de cette exposition : planches, crayonnés, esquisses préparatoires, découpages scénaristiques, les documents sont riches, et aucune équipe parmi les repreneurs n’est oubliée. Cela donne l’occasion d’apprécier le talent de ses auteurs préférés et même des albums que l’on aime moins, tant « l’original » sublime le travail de chacun. Quelques objets décoratifs (de luxe !) et une scénographie audio complètent cette très belle exposition, immanquable pour tout amateur de Philip et Francis.
By Jove! Ne ratez pas l’expo de l’Épau !
Nicolas Raduget
Blake et Mortimer, Les Mystères de l’Épau, du 25 novembre 2018 au 17 mars 2019.
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Des animations sont prévues tout l’hiver, cliquez ici pour le programme et les informations pratiques.
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