Titre : Algériennes
Scénariste : Swann Meralli
Dessinateur – Coloriste : Deloupy
Éditeur : Marabout
Collection : Marabulles
Parution : Janvier 2018
Prix : 12,99 €
Le père de Béatrice a été soldat pendant la Guerre d’Algérie. Mais il ne lui en a jamais parlé. En lisant un article sur le sujet, elle découvre qu’elle est une enfant d’appelé et décide alors d’en discuter avec ses parents. Son père n’en dit que très peu de choses sinon que les journalistes racontent n’importe quoi et qu’il a juste fait son service militaire. Béatrice ne peut en savoir plus, se heurtant à un tabou sensible profondément enfoui. Même sa mère ne sait pas grand chose des années que son mari a passé en Algérie. Elle encourage alors Béatrice à continuer ses recherches et l’envoie chez Saïda, une amie algérienne qui lui raconte la guerre telle qu’elle l’a vécue. Cette histoire pousse Béatrice à partir en Algérie. De rencontre en rencontre, les témoignages d’Algériennes lui permettront de comprendre cette guerre et le mutisme dans lequel son père s’est enfermé. Un voyage salvateur qui arrivera à délier toutes les langues.
« Je devais avoir ton âge quand j’ai reçu mon ordre de mobilisation. L’Algérie… Je… Je crois que j’en ai jamais parlé à personne. Ici, on disait « les événements » d’Algérie… J’ai jamais compris pourquoi ! Mais pour nous les appelés, c’était une vraie guerre, une sale guerre… C’était la Guerre d’Algérie. »
Une guerre qu’on ne voulait pas nommer comme telle à l’époque. Combien de fois a-t-on pu entendre ce genre de phrase qui montre bien sa complexité et la façon dont on veut la raconter pour se rapprocher d’une certaine vérité. C’est un sujet difficile que Swann Meralli et Deloupy ont réussi à retranscrire dans cette album poignant et sensible. Pour commencer, la magnifique couverture met tout de suite dans l’ambiance. Elle dégage un certain mystère et invite à ouvrir l’ouvrage pour le comprendre. Il révèle alors le portrait de femmes, trop souvent oubliées dans l’histoire des conflits des hommes, qui ont vécu cette guerre sous de nombreux aspects : femme d’un soldat français, femme d’un harki (Algérien qui a rejoint le contingent français), femmes algériennes entrées dans la résistance, femme « pied-noir » (française d’Algérie). De multiples destins qui montrent l’horreur de la guerre des deux côtés et la souffrance que tous ont enduré. C’est une histoire très bien mise en scène, chaque témoignage est une pièce du puzzle que Béatrice essaye d’assembler. Des morceaux paraissant au premier abord unique mais qui, au final, se rejoignent, s’entrecroisent et montrent les difficultés que ce conflit a engendré. Deloupy rend ses portraits accessibles à tous, même si certaines illustrations peuvent être poignantes et dures. Ça prend à la gorge. À noter enfin que ces portraits et les personnages sont fictifs. Ils ont été construits à partir d’opinions et d’événements réalistes de l’époque, une bonne façon pour les auteurs et les éditions Marabout de rester objectifs et de raconter une fiction proche de la réalité historique tout en conservant un réalisme dans les faits et les opinions de chacun des personnages.
Un ouvrage de mémoire bouleversant et nécessaire pour briser le silence du tabou.
Geoffray Girard
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